Affaire du 16 décembre : les avocats des accusés exigent des preuves

Samedi 6 Septembre 2014 - 18:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Les audiences sur l’affaire du 16 décembre, opposant l’ex-colonel Marcel Ntsourou et une centaine de co-accusés à l’État congolais se poursuivent à la Cour criminelle. La journée du 5 septembre a permis à Amédée Bernard Nganga et Thomas Djolani, tous deux avocats de la défense, de plaider la cause de leurs clients.

Il était 10 h 30, lorsque le premier président de la Cour d’appel, Christian Oba, invite Me Amédée Bernard Nganga à prendre la parole. L’avocat défend  une vingtaine de clients, dont le couple Ntsourou, tous poursuivis pour les mêmes faits : association de malfaiteurs, rébellion, atteinte à la sureté intérieure de l’État, assassinat, coups et blessures volontaires envers les agents de la force publique et détention illégale d’armes de guerre.

En effet, dans ses plaidoiries, Me Amédée Nganga a demandé l’acquittement pur et simple de ses clients pour « absence de preuves ».  Il explique pour ce qui concerne l’ex-colonel Marcel Ntsourou : « Aucun Officier de police judiciaire n’était parti au domicile de Ntsourou le 15 décembre. On vous a menti. Du point de vue de toute la procédure, rien ne justifie cela. C’est un montage pur et simple puisqu’il y a trois versions différentes des faits : l’accusation, la défense et les témoins. Si les faits n’existent pas, c’est un montage ».

Selon lui, ce qui s’était passé au domicile de son client est un « crime de masse », puisque « rien » ne s’était déroulé le 15 décembre 2013. « C’était la mise en route du complot contre Ntsourou, sous prétexte qu’il y a eu quelque chose le 15 décembre. Ils ont concentré les gens au domicile du colonel Marcel Ntsourou. C’est un crime de masse. Ce procès a eu lieu parce que le colonel Marcel Ntsourou a survécu. Certaines personnes qui avaient l’intention de répartir chez elles, avaient été interdites de sortir par les escadrons de la mort. Il n’y avait aucune infraction. C’est une intention préméditée d’assassiner le colonel Ntsourou. Pourquoi cela ? » s’est-il interrogé. 

Tout de suite après et contre toute attente, l’avocat et sa vingtaine de clients se sont mis à pleurer. Une scène inédite qui a retenu l’attention du public dans la salle d'audience. D’après l'avocat, l’ordre opérationnel est venu couvrir les opérations criminelles de la force publique qui cherche à masquer les crimes commis au domicile d’un citoyen congolais. « Il n’y a pas de crime, relâcher mes clients. »

"La loi n’est pas le sentimentalisme" 

S’agissant des chefs d’accusation retenus contre ses clients dont les crimes d’association de malfaiteurs et assassinat, il a déclaré que la constitution des faits par la partie civile était magnifiquement illégale. « Ntsourou a tué qui ? Apportez-nous les preuves. Il n’y a aucune infraction valable à Marcel Ntsourou. » Rappelant quelques dispositions légales instituant le crime contre la sureté intérieure de l’État reproché à ses clients, Amédée Bernard Nganga a déclaré le président de la Cour criminelle incompétent pour juger cette affaire. Pour lui, cette infraction est du ressort d'un juge et d'une cour spécialement et légalement saisis.

Prenant acte de sa plaidoirie, le président de la Cour criminelle, Christian Oba, lui a fait observer quelques dispositions de la loi, en l’invitant au respect des règles déontologiques. « Le fait de s’en prendre personnellement aux personnes est prohibé. Mais vous venez d’invectiver les gens», a-t-il rappelé, faisant allusion aux propos d'Amédée Nganga à l’égard du ministère public et des avocats de la partie civile.

Rappelons que le 4 septembre, Maîtres Jean Bantsimba et Éric Yvon Ibouanga avaient aussi plaidé la cause de leurs clients. Ils ont notamment notifié à la Cour le manque de preuves, la non-constitution des faits aux accusés par le parquet général et la partie civile. Concernant l’infraction de rébellion, Me Jean Bantsimba a indiqué que cette notion était devenue caduque et le ministère public voudrait mettre la Cour en erreur. « Mes clients sont des innocents au regard du manque de preuves. Ne faisons pas honte à notre justice, les peines requises ne sont pas justifiées et soutenues, la loi n’est pas le sentimentalisme », avait plaidé Me Éric Yvon Ibouanga qui défend la cause de vingt-six accusés dont le couple Ntsourou.

Signalons qu’un accusé s’est plaint du fait que la défense se focalise sur le seul cas Ntsourou, alors que le procureur général a requis la peine de 10 ans avec travaux forcés contre certains d’entre eux.

Parfait Wilfried Douniama