Afrique-UE/Covid-19 : quid un véritable partenariat d’égaux

Mardi 31 Août 2021 - 12:15

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Le  premier voyage de la présidente de la Commission européenne était en Afrique, à Addis-Abeba, au siège de l’Union africaine, pour partager « un véritable partenariat d’égaux ».

 

Elue à la présidence de la Commission européenne (CE) en décembre 2019,  Ursula von der Leyen avait choisi Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, où siège l’Union africaine (UA), pour sa première visite officielle à l’étranger, afin de partager « un véritable partenariat d’égaux ». Dix-huit mois après, ce partenariat n’a pas prospéré.  Malgré la publication  par la CE d’une « stratégie globale pour l’Afrique ». Prévu en octobre 2020, un sommet UA-Union européenne (UE) sera bloqué alors que l’Afrique avait renforcé ses liens avec d’autres puissances, notamment la Chine. L’épidémie de covid-19 y est pour beaucoup. Mais il est aussi question de décalage entre les priorités des deux continents.

Alors que  l'UE se concentre sur le changement climatique et les migrations, l'UA veut en finir avec la covid-19 et améliorer son économie. A cela s’ajoute un malaise face aux tentatives de l'UE de dominer la relation, surtout à un moment où d'autres investisseurs font la queue. Mohammad Diatta, chercheur à l’Institute for security studies (Afrique du Sud) explique : « Beaucoup de décisions ont été prises sans trop tenir compte de ce que les Africains eux-mêmes recherchent ». Les dirigeants africains tiennent à maintenir le partenariat Afrique-UE, notamment en raison des liens commerciaux et de l'aide au développement qu'offre l'Europe. 

Mais ils ont aussi un intérêt à revoir cette relation. La visite d’Ursula von der Leyen intervient à un moment d'inflexion pour les relations Afrique-UE. L'accord de Cotonou, qui avait défini des aspects clés des liens de l’UE et les pays d'ACP, y compris l'aide, le commerce et la coopération politique, devait expirer en 2020. Mais il a finalement été prolongé jusqu'à fin novembre 2021. En tant que nouveau traité, il attend sa ratification par les différentes parties. La stratégie conjointe Afrique-UE conclue en 2017 a également expiré en 2020. La CE a proposé sa stratégie globale avec l'Afrique comme prochaine étape du partenariat, donnant la priorité à une transition verte et à une transformation numérique, et s'attaquant à certaines des causes profondes de la migration, notamment les conflits et l'insécurité économique. Une grande partie de ces priorités reflète l’Accord post-Cotonou d’avril, incluant la stabilité environnementale et la migration parmi ses six domaines prioritaires. Mais les dirigeants africains ne partagent pas ces priorités. Ils ont besoin du soutien pour leurs initiatives, notamment un meilleur accès aux ressources, de la reprise économique et de l'allégement de la dette, de la paix et de la sécurité.

Les dirigeants africains refusent que l’UE leur impose la manière de procéder. L'accent mis par la CE sur le respect des droits humains sans discrimination a été une source de préoccupation dans certains contextes. Certains pays africains critiquent l’UE, qui les encombrerait de certaines exigences, en particulier celles auxquelles la CE ne serait pas à la hauteur des mêmes principes. D'autres pays africains jugent l’approche adoptée par l’UE « irritante », faisant écho à un héritage colonial et aux relations déséquilibrées qui ont persisté entre les deux continents. « Cette nouvelle stratégie globale de l'UE a été élaborée à l'initiative de l'Europe, puis  présentée à l'Afrique. Si c'était censé être un partenariat, ils pourraient se mettre d'accord sur la voie à suivre - Au lieu de cela - dans la perception des Africains, on leur a présenté un document sur lequel ils peuvent commenter », a déclaré  Denica Yotova, coordinatrice du programme Afrique au  Conseil européen des relations étrangères. Dans le même temps, l'UA a mis du temps à présenter sa propre liste de priorités dans le contexte de sa relation avec l'UE, a poursuivi Mohammad Diatta. A traiter cette combinaison de facteurs, on décèle le manque d'urgence de l'Afrique à remettre les relations sur les rails.

La réponse mondiale à la covid-19 n'a fait qu'exacerber les divisions. Alors que l'UE a devancé une grande partie du monde en matière de sécurisation et d'administration des vaccins, ses dirigeants n’ont pas aidé à débloquer les efforts menés par l'Afrique du Sud et l'Inde au sein de l'Organisation mondiale de la santé, pour renoncer aux protections de la propriété intellectuelle sur les vaccins covid-19 et d'autres outils, a expliqué un dirigeant européen, sous anonymat.  Malgré les obstacles, de nombreux pays africains reconnaissent la nécessité de consolider les relations avec l'Europe. Divers pays et régions sont intéressés à investir en Afrique. L'UE, alternativement, est motivée par des valeurs et par un intérêt à freiner les migrations, ce qui peut indiquer un investissement et une implication plus soutenus en Afrique. Dans le même temps, l'UA cherche à établir une approche panafricaine de l'engagement international. Les négociations UA-UE contribueraient à poursuivre cette réorientation, tout en établissant la primauté de l'UA dans ce cadre. Certains objectifs des deux continents restent au point mort.  

Pour Chloe Teevan, du programme Affaires extérieures européennes du Centre européen de gestion des politiques de développement, une réunion de haut niveau n'est peut-être pas aussi importante que ces engagements progressifs. Pourtant, elle reconnaît que l'échec de la tenue du sommet - ou même de la fixation d'une date - envoie un signal, en particulier lorsque la Chine a pu convoquer un sommet extraordinaire avec treize dirigeants africains sur la covid-19 en juin 2020. Pour elle, en termes de message politique, « c'est un échec pour l'UE ».

Noël Ndong

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