Les Dépêches de Brazzaville : Pour ceux qui n’étaient pas présents à Nice, parlez-nous des photos qui vous ont valu la médaille d’argent.
Baudoin Mouanda : J’ai présenté deux séries à Nice, Les Trottoirs du savoir et Les rêves. Les Trottoirs du savoir présente cette réalité de Brazzaville et de bien d’autres villes africaines des jeunes qui étudient dans la rue ou dans les jardins publics sous les lampadaires pour fuir le manque d’électricité ou le manque de confort chez eux. L’autre série que j’ai exposée est un travail sur les rêves, que j’ai commencé l’an dernier. Je propose à des jeunes filles une robe de mariée et je les interroge sur ce qu’elles pensent du mariage. Les photos ont réalisées au cours de mes voyages : à Seattle aux États-Unis, Dresde en Allemagne, à Brazzaville, en France, en Italie en Sicile, et à Nice. C’est l’ensemble de ces deux travaux qui m’a valu ma médaille d’argent aux septièmes Jeux de la Francophonie sur trente pays présents.
LDB : Cette médaille est une belle reconnaissance de votre travail, même si vous êtes déjà une figure reconnue dans le monde de la photographie.
BM : Ce n’est pas la compétition qui m’intéressait le plus, mais la rencontre avec des photographes venus d’ailleurs qui pour la plupart sortent de grandes écoles de photographie alors que je suis autodidacte. J’ai d’ailleurs manqué la médaille d’or alors que j’étais favori, car mes photos n’étaient pas encadrées. Je n’ai pas été épaulé par le ministère, et j’ai dû prendre en charge moi-même mes déplacements et mes tirages. Je n’ai pas pu faire acheminer mes cadres à temps pour la compétition. Il est vrai que la photo n’est pas très bien vue en Afrique, mais je collabore avec pas mal de structures à l’extérieur du continent.
LDB : Comment votre famille a-t-elle accueilli votre vocation, et quel regard porte-t-elle aujourd’hui ?
BM : Au départ c’était dur, mon père n’a jamais voulu que je fasse de la photo. Il avait un appareil qui m’a toujours attiré. Lorsque j’ai réussi mon concours d’entrée en sixième, il me l’a donné comme récompense pour mon bon travail scolaire. Mais mon père voulait que je devienne juriste. J’ai donc poursuivi mes études de droit jusqu’au niveau licence avant de pouvoir suivre ma passion. Mais aujourd’hui mes parents sont fiers de moi. Je dis toujours que photographier c’est être romancier dans l’esprit, car pour être un bon photographe il faut beaucoup lire. Il faut être étranger dans sa propre ville natale et se comporter comme un touriste qui fait des photos parce qu’il sait qu’il ne reviendra pas dans un lieu ou parce que les choses lui paraissent inhabituelles.
LDB : Vous êtes membre du collectif de photographes congolais Génération Elili. Quelles sont les futures actions du collectif ?
BM : Avec le collectif génération Elili, nous avons choisi de casser l’élitisme qui entoure la photographie au Congo et d’apporter cet art dans la cité. La photo ne doit pas être réservée aux seuls expatriés qui vont voir des expositions à l’Institut français. Nous avons apporté la photographie dans les quartiers et nous y organisons des ateliers pour les enfants. Nous allons d’ailleurs exposer à la galerie Elili à partir du 26 septembre le travail réalisé par ces enfants. Avant cela, nous avions monté avec le soutien de l’Institut français un projet pour faire venir différents collectifs de photographes africains à Brazzaville afin d’échanger sur nos actions. Car souvent l’on fait venir des photographes d’Europe alors qu’il y a sur place en Afrique des gens talentueux pour faire le travail.
LDB : Et quelle est votre actualité à titre personnel ?
BM : J’ai une exposition à Londres qui débute le 12 octobre au Salon d’art contemporain africain. Je poursuis mon projet sur le hip-hop et la société ainsi que mon travail sur les rêves. Avec la série sur le hip-hop, je veux déconstruire les idées qu’ont beaucoup de gens sur les jeunes qui pratiquent cette musique, qui seraient tous des voyous. Or il faut faire attention aux textes de leurs chansons. J’ai réalisé des photos dans neuf villes africaines : Dakar, Douala, Brazzaville, Libreville, Kinshasa, Cotonou et Conakry. Mon autre projet s’intitule Présidents d’Afrique. Dans le cadre de ce projet, je suis les différentes campagnes présidentielles en Afrique francophone en m’infiltrant dans le public.