Bruxelles : une autre lecture de l'histoire coloniale au centre d'une exposition

Jeudi 3 Mai 2018 - 14:07

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L'initiative inédite « Noirs desseins pour blanches aspirations, une histoire belgo-congolaise », conçue par les élèves du Lycée Guy-Cudell sous la coordination de la Belgo-Congolaise Ella Elesse, se tient jusqu'au 10 mai à l’Hôtel communal de Saint-Josse et, selon ses concepteurs, offre une autre lecture de l’histoire, loin de la vision « post-colonialiste » des manuels scolaires belges.

 

Le vernissage a eu lieu, le 26 avril, à la maison communale de Saint-Josse, en présence de plusieurs invités et aussi de Philippe Boïketé, échevin en charge de l'enseignement francophone au sein de cette commune de Bruxelles. « Noirs desseins pour blanches aspirations, une histoire belgo-congolaise » s'inscrit dans le cadre du projet pédagogique du même nom des élèves du lycée Guy-Cudell et propose des archives vidéos et photos ainsi que les réflexions des élèves sur le thème choisi. Le projet pédagogique a été initié, depuis l'année scolaire 2016-2017, par des séances d'introduction, d’initiation à l'histoire coloniale et à la déconstruction des stéréotypes coloniaux et raciaux menées auprès des élèves du lycée Guy-Cudell par Ella Elesse, auteure conférencière et réalisatrice du documentaire « Sang-Mêlé » qui a été diffusé lors de l'exposition.

L'histoire du film est fondé sur la construction d'une identité en période coloniale. « En réalisant le film que vous allez voir, je me posais les mêmes questions que les élèves, notamment sur les frustrations liées à beaucoup de choses qui se passent dans notre société. À travers la réalisation du film , j'ai découvert l'impact qu'on peut avoir lorsque vous affrontez les choses qui vous frustrent, avec la connaissance et la compassion. C'est dans cet esprit du film que j'ai enseigné aux élèves. En discutant avec eux, j'ai réentendu mes anciennes frustrations et j'ai réentendu ce que j'avais appris. Au cours de cette exposition, ce sont les élèves qui vous retransmettent ce que eux ont appris», a déclaré Ella Elesse.

Du projet pédagogique à l'exposition

Le projet pédagogique animé par cette dernière s'est poursuivi et développé durant l'année scolaire 2017-2018 par des cours sur la propagande coloniale, toujours donnés par Ella Elesse, ainsi qu'à travers différents échanges et ateliers organisés avec d'autres partenaires tels que le Musée royal d'Afrique centrale; Samuel Idmtal, artiste peintre; Georgine Dibua, représentante et guide à l'association Bakushinta ainsi que Chouna Lomponda, porte-parole du Musée juif de Belgique et chroniqueuse radio. L'exposition a été construite à partir de nombreuses sélections à thèmes à aborder, de sources fiables pour les traiter et des moyens nécessaires pour les exposer. Selon les organisateurs, enseigner le fait colonial à l'école n'est pas une tâche aisée et l'est encore moins lorsque l'histoire de votre pays vous rappelle à son mauvais souvenir. « Car même si la construction d'empires coloniaux et l'extension de la domination occidentale en Afrique au XIXe siècle sont le fait de nombreuses puissances européennes animées par un profond sentiment de supériorité, l'oeuvre coloniale de la Belgique a adopté les traits les plus sombres de la suprématie dite blanche. Cette page de l'histoire constitue encore et toujours un traumatisme pour les descendants belgo-congolais », explique-t-on, en précisant qu' il serait erroné de penser que l'exposition est destinée aux seuls citoyens belges ou congolais.

Le produit d'une longue investigation

Pour les organisateurs, les étudiants et l'équipe éducative du lycée Guy-Cudell ont énormément œuvré pour présenter le produit, sinon complet, du moins réfléchi, de leur longue investigation et leurs choix sont traduits dans les synthèses qui ont été rédigées de manière explicite ou non et qui expriment toutes un unique parti pris, celui de l'humanité. Ainsi, plusieurs sujets sont visibles dans les synthèses rédigées pour cette exposition, notamment « L'assassinat de Lumumba et la responsabilité de la Belgique » ; « Le traumatisme méris » ; « La cession du Congo à la Belgique » ; « L'exploitation des ressources du Congo » ;  « L'Afrique du temps des explorateurs » ; « L'esclavage », etc. S'adressant à l'assistance lors du vernissage, Ella Elesse a tenu à souligner que c'est à l'école et dans les livres et pas seulement sur internet que les élèves devraient obtenir les réponses à leurs questions sur l'histoire.

Une histoire universelle

La réalisatrice du film « Sang mêlé » a également invité le public à retenir trois éléments essentiels : le premier est que ce n'est pas seulement la communauté congolaise ou encore les Noirs qui ont besoin d'une telle initiative. C'est toute la société. En outre, a-t-elle ajouté, ce ne sont pas que les élèves qui doivent apprendre l'histoire mais les professeurs doivent également actualiser leurs connaissances. Les parents, les autorités et les médias devraient aussi faire de même. « Cette histoire, c'est notre histoire. C'est une histoire tout aussi belge que congolaise, occidentale que non occidentale. Elle est universelle et tout le monde devrait se sentir concerné. Comme vous allez le voir dans cette exposition, tout le monde est impliqué », a-t-elle fait savoir. 

Le deuxième élément à retenir, selon Ella Elesse, est que le monde a changé et il est plus que temps d'aider les enfants à avoir un regard critique sur le monde qui les entoure et à les habituer à différents schémas de pensée plutôt que de les figer dans un mode de pensée unique. « Si on ne le fait pas, nous en faisons des handicapés sociaux et nous hypothéquons leur avenir. Le monde est de plus en plus global et les jeunes sont des acteurs de changement dans ce monde », a-t-elle rappelé.

Le troisième et dernier élément avancé par Ella Elesse est qu' il faut impliquer les jeunes dans l'élaboration des solutions de grandes questions de société car, les jeunes qu'elle a rencontrés sont créatifs, dignes de confiance, innovateurs et ont une belle énergie. « Ce projet est une démonstration de toutes ces belles qualités. L'exposition qu'ils ont réalisée constitue une proposition sur comment enseigner la colonisation. On formera ainsi une chaîne afin de travailler à une société plus juste et plus solidaire en phase avec les valeurs que nous proclamons », a -t-elle conclu.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Photos 1: L'affiche de l'exposition Photo 2: Ella Elesse pendant son discours Photo 3: Des invités visitent l'exposition Photo 4: Vue d'une texte de synthèse de l'exposition

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