Communauté d'Afrique de l'Est : un sommet des chefs d’Etat pour décider de l’admission de la RDCLundi 28 Mars 2022 - 16:15 Le 19e sommet extraordinaire des chefs d'État de la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) aura lieu virtuellement ce 29 mars à partir de 11h00. Le président de la Républiquedémocratique du Congo (RDC), Félix-Antoine Tshisekedi, va y participer.
Le sommet, indique la CAE, devrait principalement examiner le rapport du Conseil des ministres sur les négociations avec la RDC et son admission au sein de cette communauté. Sa tenue a été précédée par la 48e réunion extraordinaire du Conseil des ministres de la CAE, le 25 mars, qui a examiné l'ordre du jour et le programme provisoires du 19e sommet extraordinaire des chefs d'État de cet espace sur l'admission de la RDC. Le Dr Kevit Desai, secrétaire principal kényan chargé de la CAE et des affaires régionales, a déclaré à The EastAfrican : « Il n'y a qu'une seule question dont nous discutons, et c'est la RDC. La mission d'examen est terminée, les négociations sont terminées. Nous en sommes à la neuvième étape, qui consiste essentiellement à créer un format pour le sommet ». En cas d’admission et avec un marché de quatre-vingt-dix millions d’habitants, la RDC deviendra le 7e pays membre de la CAE, rejoignant le Burundi, le Kenya, le Rwanda, le Sud Soudan, la Tanzanie et l'Ouganda. Ratification par le Parlement congolais Parmi les questions abordées lors du Conseil des ministres figurent le processus de ratification des instruments de la CAE par Kinshasa et la question de savoir si ce processus a fait l'objet d'une ratification interne par le Parlement congolais. Jusqu'à présent, la RDC a franchi toutes les étapes importantes pour rejoindre la CAE. Lors de sa récente réunion, le Conseil des ministres a passé en revue la liste de contrôle pour s'assurer que toutes les étapes avaient été franchies et acceptées par toutes les parties. Les procédures ont couvert les secteurs politique, juridique et institutionnel, infrastructurel, productif et social. Les affaires économiques et le commerce sont au centre de l'accord. Une équipe de vérification de la CAE a été en consultation avec le bureau du président de la RDC et a développé un programme de travail qui a identifié les ministères, les institutions, les organisations privées et de la société civile à engager pendant le processus, qui a été largement conclu en février 2021. Vérification des critères d’admission L'équipe de vérification a examiné, entre autres, la situation actuelle de la RDC en droit international et a établi le niveau de conformité du pays aux critères d'admission de nouveaux pays tels que prévus dans le traité de la CAE. Selon ce traité, les critères d'admission de nouveaux pays comprennent l'acceptation de la communauté telle que cela est énoncé; l'adhésion aux principes universellement acceptables de bonne gouvernance, de démocratie, d'Etat de droit, de respect des droits de l'homme et de justice sociale ; la contribution potentielle au renforcement de l'intégration au sein de la région de l'Afrique de l'est ; ainsi que la proximité géographique et l’interdépendance entre celui-ci (le pays étranger) et les États partenaires de la CAE. D'autres critères incluent l'établissement et le maintien d'une économie de marché. Les politiques sociales et économiques doivent également être compatibles avec celles de la CAE. Lors de la 44e réunion extraordinaire du Conseil des ministres tenue le 22 novembre 2021, à Arusha, en Tanzanie, l’adhésion de la RDC avait été recommandée au sommet des chefs d’Etat. Cette recommandation faisait suite à l’étape de vérification par des experts techniques de la CAE sur l'aptitude de la RDC à rejoindre l’organisation. Les équipes de négociation ont été dirigées par le Dr Alice Yalla (Kenya) pour la CAE et le Pr Serge Tshibangu Kabeya pour la RDC. Union douanière, union monétaire, marché commun et fédération politique Dans une tribune publiée sur theconversation.com, Jonathan Ang'ani Omuchesi, chargé de cours en gouvernance et intégration régionale, à l’université catholique d'Afrique de l'est, explique que l'intégration au sein de cette communauté est envisagée selon quatre piliers : l'union douanière, le marché commun, l'union monétaire et la fédération politique. Jusqu'à présent, la CAE a mis en œuvre des protocoles sur une union douanière et un marché commun. Ces protocoles, explique-t-on, ont permis d'améliorer le commerce et les investissements dans la région depuis 2006 et de dynamiser les relations entre les pays. Dans le cadre du protocole d'union douanière, les taxes sur les biens produits dans la région ont été supprimées. L'Afrique de l'est applique également un tarif extérieur commun sur les importations provenant de l'extérieur de la région. À long terme, fait-on savoir, une union douanière opérationnelle devrait ouvrir l'économie régionale afin que les petites économies puissent avoir accès à des industries qui seraient autrement hors de leur portée. Pour sa part, le but d'un marché commun est de faciliter la circulation transfrontalière des biens, des personnes et des travailleurs. Sa mise en œuvre a vu les gouvernements d'Afrique de l'est harmoniser les procédures d'immigration et ordonner aux postes frontières de fonctionner 24 h sur 24. Certains des gouvernements, notamment le Rwanda et le Kenya, ont également supprimé les frais de permis de travail pour les citoyens de la région. La CAE prépare actuellement le terrain pour son troisième pilier, l'union monétaire. Cela a commencé par l'adoption et la signature du protocole de l'Union monétaire est-africaine le 30 novembre 2013. Ce protocole fixe un délai de dix ans dans lequel les États partenaires doivent avoir une monnaie commune. C'est-à-dire en 2023, une échéance, indique-t-on, qui a peu de chances d'être respectée. Les progrès accomplis dans la mise en œuvre des mesures convenues sur ce front sont mitigés. Bénéfices pour la RDC Actuellement, en termes d'échanges, la RDC représente environ 6% des exportations totales des pays de la CAE. Kinshasa a déjà conclu des accords de coopération bilatéraux et multilatéraux avec les États partenaires de la CAE dans divers domaines, notamment les douanes, les infrastructures et les secteurs productifs et sociaux. Selon Jonathan Ang'ani Omuchesi, la RDC, qui réalise déjà des échanges commerciaux importants avec la CAE, pourrait bénéficier de la réduction ou de la suppression des droits de douane. En effet, explique-t-il, les marchandises produites en RDC ne seront plus soumises à des taxes douanières à aucun des points frontaliers de la région. « Elle a déjà établi des relations commerciales avec le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda. Pour les importations, certaines parties de la RDC dépendent du corridor commercial qui part du port de Mombasa et passe par l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Ces connexions devraient se renforcer à mesure que les agences nationales des gouvernements d'Afrique de l'Est assouplissent les droits de douane et les barrières administratives pour le nouveau membre du bloc ». Avantages pour la CAE Pour Jonathan Ang'ani Omuchesi, l'admission de la RDC donnerait à la CAE son premier port sur la côte atlantique, car, pour l'instant, la région dépend des ports maritimes du Kenya et de la Tanzanie, situés dans l'océan Indien, pour ses échanges avec le reste du monde. « Le problème de la piraterie intermittente au large de la Somalie a mis en évidence la nécessité d'une autre route commerciale », indique-ton. Par ailleurs, explique l’expert, la RDC est également appelée à accroître de manière significative la taille du bloc commercial régional. Sa zone géographique est beaucoup plus étendue que celle des six États d'Afrique de l'est réunis. La RDC a une superficie de 2,4 millions de kilomètres carrés, tandis que le bloc a une superficie d'environ 1,8 million de kilomètres carrés. Cette zone géographique supplémentaire - connue uniquement pour son cuivre, son coltan, son cobalt, son étain et d'autres minéraux - devrait renforcer le profil de l'Afrique de l'Est en tant que destination d'investissement. Sur la scène mondiale, poursuit l’expert, la CAE gagne en influence grâce à l'énorme population (base de consommateurs) de la RDC, qui compte environ 90 millions de personnes et dont l'économie représente près de 50 milliards de dollars. « On estime que le bloc a une population de 177 millions de personnes et une économie de 193,7 milliards de dollars américains », précise-t-on. Harmonisation entre les communautés économiques régionales Par ailleurs, la CAE permet le libre-échange entre les États membres de l'Afrique australe et le Comesa (Marché commun de l’Afrique orientale et australe), deux organisations dont fait déjà partie la RDC. Interrogé en janvier dernier, au Kenya, sur le fait de savoir si l'adhésion de la RDC à la CAE poserait des défis car elle appartient déjà au Comesa et à la SADC, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula Apala Pen'Apala, a répondu qu'il n'y avait aucun problème à être membre de plusieurs communautés économiques régionales, ajoutant que celles-ci en Afrique travaillaient en harmonie pour s'assurer que le continent devienne un véritable marché commun d'ici 2063. Rejoignant la position du ministre congolais, Jonathan Ang’ani explique : « La RDC est déjà membre de la Communauté de développement de l'Afrique australe et du Marché commun de l'Afrique orientale et australe. Mais elle ne sera pas le seul pays de la Communauté d'Afrique de l'est à être membre de plusieurs blocs régionaux. Le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et le Burundi sont membres du Marché commun de l'Afrique orientale et australe, tandis que la Tanzanie est membre de la Communauté de développement de l'Afrique australe. La Communauté d'Afrique de l'est, par exemple, n'a pas été en mesure d'établir une union douanière complète puisqu'elle a dû autoriser la Tanzanie à accorder des préférences à ses partenaires d'Afrique australe. Les trois blocs harmonisent actuellement leur agenda et leurs lois dans le but d'intégrer leurs économies et leurs marchés. Cela s'inscrit dans l'objectif plus large de l'Union africaine, qui consiste à accélérer l'intégration économique du continent ».
Patrick Ndungidi Légendes et crédits photo : 1- Le président de la RDC, Félix Tshisekedi
2- Peter Mathuki, secrétaire général de la CAE, et Christophe Lutundula, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RDC, lors des négociations à Nairobi Notification:Non |