Communications électroniques : l’envol socio-économique de Mouindi grâce au téléphone

Mercredi 1 Mars 2023 - 18:14

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Avec des atouts agricoles et marchands, la localité de Mouindi, dans le département de la Bouenza, retrouve peu à peu le chemin de l’essor socio-économique grâce au Fonds pour l’accès et le service universel des communications électroniques (Fasuce) qui y transcende, par le biais de la téléphonie mobile, un réel impact de développement.

A l’entrée de Mouindi, au milieu du marché principal quelque peu maussade le vendredi, un gros véhicule charge des sacs de foufou en partance pour Pointe-Noire. Les expéditeurs sont de jeunes agriculteurs de la localité d’environ 4 000 âmes, située à environ 60 km de Dolisie, la troisième ville du pays. S’ils se félicitent de ce que les commandes ont eu lieu au téléphone, en même temps que les paiements effectués par mobile money sans altercation, ils saluent l’équipement installé depuis deux ans par le Fasuce grâce auquel ils arrivent à expédier trois véhicules par semaine avec environ 200 à 300 sacs.

Grace à cette infrastructure, qui donne accès à la voix, SMS et à la data à partir d’un réseau de 2.75G, appelé edge, la population de Mouindi,  isolée hier car dépourvue de communications électroniques, surfe aisément à la téléphonie mobile et est connectée au reste du monde. L’antenne, visible sur la place du marché, alimentée par des panneaux solaires pour pallier les coupures de l’électricité, a créé un véritable engouement économique dans la localité.

Non loin de là, sur cette avenue principale, Christine, la quarantaine révolue, a vu sa petite pharmacie de produits Shalina être bien remplie grâce au partenariat plus fluide avec ses fournisseurs via le téléphone. « Je ne me déplace plus pour Dolisie ou Pointe-Noire afin de passer les commandes. J’envoie l’argent par Momo, et ils m’envoient les produits. Je fais des économies », explique-t-elle.

Mouindi est passé d’un seul kiosque mobile money à cinq aujourd’hui depuis l’installation de l’antenne Fasuce. Lewis Koudimba, alias Castro, est l’un des détenteurs de ces enseignes désormais très fréquentées. Avec sourire, il explique comment son activité a vu son chiffre d’affaires grimpé de 30%, essentiellement par des dépôts d’argent que réalise toutes les semaines la vente des produits agricoles, dont le foufou. La vente du crédit téléphonique a également augmenté de 40%, selon le jeune commerçant qui explique ce boom par l’augmentation de l’utilisation du téléphone.

Des informations certifiées quelques minutes plus tard par le secrétaire général de ce village, Jean Serge Ndombé, un ancien retraité de la Fonction publique qui s’adonne désomais aux travaux champêtres dans sa localité. « Le village est à vocation agricole depuis fort longtemps. L’antenne Fasuce a fait en sorte que chaque ménage possède au moins un téléphone. Cela crée évidement un impact socio-économique, car la population peut réaliser ce qui était impossible hier. Avant, le réseau n’était pas permanent. Il fallait se déplacer plus loin pour trouver le signal », dit-il.

Un réseau salué mais mitigé

Même si l’impact positif de l’antenne Fasuce est réel à Mouindi, il n’en demeure pas moins que la population réclame plus de capacités et de stabilité du réseau. Animateur dans une petite discothèque de la localité, Severin Mboungou se plaint de l’intermittence du réseau. « Parfois, il est difficile de joindre une personne qui est située entre deux et trois kilomètres du centre du village », avance-t-il, devant l’antenne qu’il montre du doigt.

Severin n’est pas seul à faire la remarque. Jean Serge Ndombé n’a pas pu joindre le président du village se trouvant aux champs, situés à quelques trois kilomètres du village. « Il faut souvent insister, même dans ce rayon du centre de la localité, il arrive qu’on ne peut pas joindre facilement une personne », souligne-t-il.

Evoquant les causes de cette « saturation » du réseau, le secrétaire général du village pointe du doigt l’augmentation de l’utilisation du téléphone. « Au début de l’installation de l’antenne, nous n’avons pas connu ces difficultés. Or, maintenant tout le monde possède un téléphone qui est devenu l’outil principal de communication », précise-t-il.

Ce qui est sûr, la population de Mouindi, qui savoure les bienfaits de la téléphonie mobile, veut plus de services de ce programme  initié par le gouvernement et lancé en 2020. Le Fasuce promeut une politique d’inclusion numérique au profit des communautés rurales et d’autres couches défavorisées de la population, afin qu’elles bénéficient des mêmes opportunités.

A l’heure où les pouvoirs publics sont confrontés au problème de financement des zones rurales isolées et d’accès difficile par les opérateurs, ce programme est une réponse concrète pour permettre à chaque Congolais d’accéder à un minimum de services de communications électroniques, voix et données, à des tarifs abordables et non discriminatoires quelle que soit sa localisation géographique.

En tant qu’organe de gestion, l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE) a réussi en deux ans, avec ses partenaires, à connecter des milliers de localités entières, du nord au sud du pays, considérées hier comme des "zones blanches"  car dépourvues d’infrastructures essentielles de communications.

Cette année, le projet annonce une plus grande connectivité des localités. Les sites préalablement construits en 2G seront convertis en technologie 3G, pour permettre des débits internet plus importants et l’entrée de technologies et services innovants. Une annonce qui réjouirait la population de Mouindi, laquelle espère avoir un internet plus fiable et utile, notamment pour les élèves car la localité, dont ils souhaitent être transformé en commune urbaine, possède une école primaire et un collège d’enseignement général. « C’est en cela que le Fasuce, avec l’appui de la Banque mondiale qui nous a confié l’exécution de la plus grande composante du Projet d'accélération de la transformation numérique au Congo (PATN), va devoir connecter encore plus de localités enclavées dites zones blanches, des centres d’intérêt public, des établissements scolaires et universitaires et interconnecter les administrations », a récemment souligné Louis-Marc Sakala, directeur général de l’ARPCE et gestionnaire du Fonds.

D’ici à cinq ans, le projet, sous le prisme du PATN, entend moderniser le cadre réglementaire des communications électroniques, connecter plus de 100 écoles et 45 bureaux de poste. Le Fasuce vise, en effet, à impacter le quotidien de plus de deux millions de personnes, en réduisant la fracture numérique dans les zones défavorisées auprès de la population à faible revenu ou vivant avec handicap.

 

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

L'antenne du Fasuce au centre de Mouindi

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