Congo : une terre bénie des dieux

Samedi 21 Septembre 2013 - 8:57

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On ne compte plus le nombre de sectes qui officient au Congo. Elles coexistent pacifiquement les unes à côté des autres, mais les citoyens sont parfois excédés

Il n’y a pas à dire, le Congo est un pays religieux. La croyance en Dieu, qui se décline sous diverses dénominations locales ou étrangères, est une caractéristique largement partagée dans les villes et les départements. Au point que la réalité d’aujourd’hui se caractérise par la présence dans tous les quartiers de plusieurs communautés religieuses sous les noms les plus divers. Maisons bâties ou endroits improvisés, parfois de simples planches supportant quelques tôles, sont des lieux où des adhérents sont invités à venir rendre grâce, prier, chercher ou donner de l’intercession ; se mettre en transes.

Cette situation présente du bien, même d’un simple point de vue social, mais elle ne doit pas non plus cacher les interrogations qu’elle suscite. Il est indéniable que le fait de voir des Congolais en prière acharnée a son côté positif. Le Congo est une jeune nation, créée presqu’aux forceps par une volonté coloniale qui n’avait à tenir compte d’aucune affinité particulière. Etaient déclarés Congolais les citoyens qui se trouvaient à l’intérieur d’un périmètre délimité par les puissances coloniales au moment où elles prirent leur décision, à Berlin, à partir de novembre 1884. Les indépendances des années 1960 ont opté pour un choix de sagesse : conserver les contours nationaux dans les périmètres décidés en 1884. Mais il fallait réussir à faire tenir « le liant » parmi des populations qui étaient parfois étrangères et même hostiles  les unes aux autres.

C’est en cela que la diffusion du message religieux a joué et continue de jouer un rôle fondamental. Qu’on les appelle sectes, Églises de réveil, communautés nouvelles et autres, les « religions » (comme on préfère dire dans nos langues) au Congo se distinguent toutes par le fait qu’elles sont légalistes et citoyennes. Aucune d’elle ne prône la violence comme forme de doctrine ; aucune ne prêche la désobéissance à l’État ni, à quelques rares exceptions près, la soustraction de l’adepte à ses devoirs citoyens. Respecter l’autorité, vivre en harmonie les uns avec les autres, pratiquer l’amour du prochain et la charité sont, au contraire, la caractéristique devenue le plus commun dénominateur à ces religions.

Ainsi vu, l’État ne peut en tirer que bénéfice, son message fédérateur y gagner en efficacité. La mobilisation pour des objectifs du bien commun s’en trouve facilitée. On le sait, un citoyen apaisé en son intérieur est un citoyen qui peut se battre pour la paix à l’extérieur… Sans oublier le fait que les communautés religieuses au Congo ont apporté un coup de main décisif à l’État pour la formation des cadres et le soulagement de la misère au quotidien. Qu’il suffise de jeter un regard rétrospectif à tout le patrimoine intellectuel généré par ce qu’on pourrait appeler « le triangle de la foi », au cœur de Poto-Poto, à Brazzaville. Le voisinage d’une basilique historique (Sainte-Anne), d’un temple protestant chargé de symboles et d’une mosquée tutélaire a produit des cadres de valeur.

Mais s’il y a des problèmes, ils sont rarement le fait de ces organisations religieuses qui ont pignon sur rue, ainsi que le souligne une chronique de Faustin Akono dans Les Dépêches de Brazzaville de lundi dernier. Les sectes posent tout de même des problèmes au Congo, surtout par leur prolifération. Si on ne peut pas dire qu’il en naît au moins une par jour, on peut constater que leurs dirigeants ne sortent pas toujours de cursus de formation obéissant à des critères vérifiables. Tel s’improvise pasteur un jour et choisit un point de Bible qui devient son angle d’approche. Tel autre conteste tout le monde et s’érige en seule religion vraie.

Tel autre s’improvise guérisseur, exorciste et affirme, de manière aussi péremptoire qu’irresponsable, qu’il « peut guérir toutes les maladies que ne peut pas guérir l’hôpital ». Il y a les sectes et communautés en révolte qui demandent aux adeptes de jeûner dur pour guérir de la maladie, de ne porter aucun sous-vêtement pendant les prières, d’apporter au pasteur 10% de ses biens, etc. Cela peut encore passer, puisque relevant de la responsabilité première du fidèle qui décide, en conscience, d’adhérer et d’obéir.

Les sectes et communautés religieuses minoritaires deviennent un problème lorsque leurs activités débordent sur la vie ordinaire en société et la perturbe. Rues barrées pour une séance géante d’évangélisation, séances de prières avec usage de mégaphones très tard dans la nuit ou aux premiers heures de l’aube. Le tout, parfois, avec un message qui conduit à la brisure de familles et de couples parce que le responsable d’une maladie grave est toujours un sorcier. Et le sorcier toujours un membre de la famille, souvent celui-même qui était disposé à soutenir le mourant.

Lucien Mpama