Crise libyenne : l’Italie veut un plus grand rôle de la Russie

Samedi 7 Mars 2015 - 10:45

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Le Premier ministre Matteo Renzi a rencontré, le 5 mars, à Moscou le président Vladimir Poutine : pas de solution négociée en Libye si la Russie n’est pas impliquée.

En Europe occidentale ces jours-ci, l’heure n’est pas franchement à inviter ou être invité par le président russe Vladimir Poutine. À tort ou à raison, la plupart des capitales de l’Europe de l’ouest et de l’est lui imputent tout ou partie de la péjoration de la crise politique et militaire en Ukraine. Par au moins deux fois, l’Union européenne a décrété des sanctions contre la Russie, dont un embargo commercial fort, dans le but d’asphyxier l’économie de ce pays et ramener ses dirigeants à de meilleurs sentiments.

Mais l’Italie maintient sa diplomatie sur la voie du dialogue avec tous. « Il n’y a qu’avec un ennemi qu’on peut atteindre la paix, pas avec un ami », répète-t-on à Rome à l’envi. Face, par exemple, à la menace que fait peser sur l’Italie le groupe terroriste de l’État islamique, dont le contrôle de pans de territoires de la proche Libye en inquiète plus d’un, l’Italie n’entend pas s’enfermer dans la seule attitude d’exclusion. Tout en restant solidaire d’une diplomatie européenne de fermeté, le Premier ministre italien Matteo Renzi estime qu’on ne gagnera pas contre l’État islamique en maintenant le président Poutine dans les cordes.

C’est pourquoi il s’est envolé jeudi après-midi pour Moscou où il a été reçu, les images télévisées le montrent, à bras ouverts par le président russe. « Nous avons besoin d'une réponse internationale ferme », a dit M. Renzi. « Le rôle de la Russie peut être décisif ; sans la Russie, il est bien plus compliqué de trouver un point d'équilibre ». Le mot équilibre sonne comme un exercice délicat : l’Italie est directement confrontée à la crise libyenne, et elle condamne officiellement les manœuvres prêtées à Moscou dans le délitement de l’Ukraine.

Mais c’est une ressortissante italienne, Mme Federica Mogherini, qui est aux commandes d’une diplomatie européenne acquise au renforcement graduel et systématique des sanctions contre la Russie. À Rome, Paolo Gentiloni, ministre italien des Affaires étrangères, est d’avis qu’il ne faut pas tourner le dos à Moscou : « si la Russie retourne à la table de la communauté internationale, nous serons tous plus tranquilles », même s’il est « clair que Poutine doit sortir de l'Ukraine ». Ce point de vue est largement partagé par la majorité et par l’opposition de droite  à Rome. D’ailleurs, l’un des leaders de celle-ci, l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi, ami personnel de M. Poutine, s’est déjà proposé pour jouer les bons offices dans la question ukrainienne.

Mais la question libyenne ne devrait sans doute pas pâtir de la diplomatie des sanctions contre la Russie. Ni même, insiste-t-on à Tripoli, contre la Libye elle aussi sous le coup de sanctions occidentales sur les armes alors que les milices prolifèrent dans le pays. Arguant de son droit de rétorsion aux pressions économiques et diplomatiques, la Russie a commencé à dévisager plus attentivement la face de ceux qui arrivent ou souhaitent arriver chez elle.

Comme l’indiquaient les médias français jeudi, le pays a dressé trois catégories de personnes : celles qui proviennent de pays avec lesquels elle est en froid (Pologne et Ukraine) ; celles de pays avec lesquels on ne peut pas ne pas discuter (Allemagne, France) et celles des pays amis. Dans cette dernière catégorie, l’Italie et la Grèce entendent soutenir une diplomatique de proximité. Toutes estiment que l’embargo contre la Russie a un effet de retournement contre les pays européens, qu’il est contreproductif devant l’avancée du djihadisme aux portes de l’Europe. Car il ne faut pas jouer l’Ukraine contre la Libye.

Lucien Mpama