Débat sur la constitution : pour Denis Sassou N’Guesso, « En démocratie, c’est le peuple qui décide »

Dimanche 10 Août 2014 - 14:00

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De retour de Washington où il a pris part au sommet États-Unis/Afrique, le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, a répondu aux questions des journalistes à l’aéroport de Maya-Maya de Brazzaville. Il est revenu sur les grandes décisions prises à ce sommet dont l'un des sujets forts a été le débat sur le changement ou la modification des constitutions envisagés par quelques chefs d’État africains. Extraits.

Avez-vous obtenu ce que vous attendiez de ce premier sommet Afrique-USA ?

Denis Sassou N’Guesso : Nous venons de tenir un important sommet à Washington. Le président Obama l’a reconnu que c’est pour la première fois qu’autant de chefs d’État et de gouvernement se retrouvent à Washington pour débattre des sujets aussi majeurs pour l’avenir du monde,  au regard du thème principal du sommet : « Investir en Afrique pour le  développer  en pensant aux générations futures ». Lorsqu’on sait qu’en Afrique d’ici à 2050, il y aura deux milliards d’habitants et les deux tiers de cette population seront constitués par les jeunes de moins de trente-cinq ans, ce thème était donc plein d’enjeux. Les débats organisés au niveau de cette grande rencontre se sont bien déroulés et les décisions arrêtées ont été très importantes. Je peux dire que les objectifs ont été atteints.

Quelle appréciation faites-vous de la proposition des États-Unis d’Amérique d’octroyer 100 millions de dollars pour la formation d’une force militaire d’intervention rapide sur le continent africain ?

DSN : Il s’agit de la décision du gouvernement américain d’aider au renforcement des capacités de l’Union africaine pour donner aux Africains la possibilité de résoudre par eux-mêmes leurs problèmes de paix et de sécurité. C’est une décision très importante. S’agissant du renforcement des capacités en Afrique, les États-Unis d’Amérique ne sont pas à leur première contribution. Lorsqu’il s’était agi d’intervenir au Darfour, les Américains avaient apporté les troupes. Mais la logistique avait été principalement apportée par l’OTAN. Tout récemment, ce sont les Américains qui ont transporté les troupes burundaises et rwandaises  à Bangui. Par cette décision, les Américains ont une fois encore exprimé leur volonté  de soutenir l’Afrique dans le cadre de la paix et de la sécurité.  Je crois que c’est une bonne idée.

Est-ce que dans cette contribution américaine, le Congo est-il demandeur ?

DSN : Tous les États africains sont demandeurs. Ce n’est pas seulement aux États-Unis d’Amérique qu’ils ont formulé la demande ; mais également à d’autres partenaires tels que l’Union européenne, le Canada, la Chine, etc. Nous voulons développer les capacités africaines sur les plans de défense et de la sécurité pour que ce soient les Africains eux-mêmes qui  puissent assurer leur propre sécurité. On a constaté que  chaque fois que nous avons été capables de mobiliser les troupes, la logistique n’est pas toujours suivie. Il faut, en outre, améliorer le niveau de  formation des militaires africains. C’est donc une demande qui était fortement formulée par l’Union africaine.

À la fin du mois de juillet de l’année en cours, les parties en conflit en République Centrafricaine avaient signé un accord de cessation des hostilités à Brazzaville. Cet accord tarde à être mis en application. Au regard des derniers développements survenus à Bangui, quel commentaire faites-vous de la situation en Centrafrique ?

DSN : C’est une situation difficile comme dans tous les conflits. Ce n’est pas au premier acte que l’on obtient tous les résultats ; même les cessez-le-feu dans plusieurs conflits ont été toujours violés. On ne désespère pas. Nous allons continuer de faire en sorte que les accords de Brazzaville soient appliqués par les uns et les autres. Si cela paraît difficile, on ne peut pas s’en étonner, non plus. Mais nous ne perdons pas l’espoir.

Le président Barack Obama promet de consolider l’initiative Power africa en octroyant 13 milliards  de dollars et dans le même temps 33 milliards de dollars sont promis au titre de l’aide publique et des investissements privés. Le Congo pourrait-il intégrer les pays bénéficiaires de ces aides ?  

DSN : Tout le travail devait être fait aussi bien par le gouvernement américain que pour les gouvernements africains. Il s’agit aujourd’hui de réfléchir pour élaborer les mécanismes de suivi de ces différentes aides promises par les États-Unis d’Amérique. En ce qui concerne l’électrification de l’Afrique, j’ai lancé l’idée, à Washington, de faire que la question de l’électricité concourt à l’intégration sous-régionale. Dans le cas de l’Afrique centrale, nous avons un pool énergétique avec des objectifs précis et des sites de production retenus. Si ce projet pourrait intégrer le programme de pool énergétique en Afrique centrale, ce serait bien. Mais nous allons travailler pour faire aboutir ces projets.

Le Congo a-t-il pris des mesures aux frontières pour arrêter la progression de la fièvre hémorragique à virus Ébola signalée dans plusieurs pays ousest-africains?

DSN : À partir du moment où l’OMS a décrété cette mesure de portée internationale, le Congo ne peut que prendre des précautions au niveau de ses frontières contre cette maladie. Étant donné que les personnes sont en mouvement à travers le monde, une épidémie de ce genre peut facilement se propager à travers toute  l’Afrique. Tous les États ont donc l’obligation d’arrêter une série de mesures pour renforcer des contrôles médicaux au niveau de leurs  frontières.

Le gouvernement américain a exprimé son opposition au changement ou à la modification des constitutions envisagé par quelques présidents africains. Vous avez donné  votre position sur la question devant la presse à Washington. Avez-vous le sentiment d’avoir convaincu vos interlocuteurs ?

DSN : Il ne s’agissait pas de convaincre les interlocuteurs. Il s’agissait de faire connaître un point de vue parmi plusieurs et donc de faire savoir que s’il s’agit de la démocratie, puisqu’on parle de la démocratie, partout dans le monde  c’est le peuple qui décide. Surtout si la décision populaire est prise par référendum, il n’y a pas plus démocratique que cet acte. La constitution dont on parle tant a été adoptée par le peuple congolais et si dans ses intérêts le peuple pourrait décider de son changement, le jeu démocratique devrait se dérouler sans entrave. Il n’y a aucun délit sur cette question. J’ai voulu faire comprendre à mes interlocuteurs à Washington ce point de vue. S’il a convaincu quelques-uns tant mieux. Sinon que peut-on dire d’autre que de laisser le peuple avancer à son rythme. Le monde entier a fonctionné de cette manière depuis toujours.

 

 

   

Roger Ngombé