Développement de l’Afrique : Bill Gates alloue une fortune de 200 milliards de dollars pour réinventer le continent

Mardi 3 Juin 2025 - 21:53

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C’est un tournant dans l’histoire de la philanthropie mondiale. Le 3 juin, depuis le siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en Ethiopie, Bill Gates a annoncé qu’il consacrera 99 % de sa fortune personnelle, soit près de 200 milliards de dollars, au développement de l’Afrique d’ici à 2045. Une promesse monumentale, à la hauteur des défis du continent.

À travers sa fondation, l’ex-patron de Microsoft, Bill Gates, compte investir prioritairement dans la santé, l’éducation et l’innovation technologique. Trois piliers censés libérer le « potentiel humain africain » et construire des systèmes durables, dans un contexte de repli occidental.

Santé : une urgence vitale

Les chiffres sont implacables : plus de 220 millions de cas de paludisme ont été enregistrés en Afrique en 2023, causant plus de 600 000 décès, en majorité chez les enfants de moins de cinq ans. Chaque jour, 800 femmes meurent de complications évitables liées à la maternité, dont les deux tiers en Afrique subsaharienne. Bill Gates entend s’attaquer à ces tragédies évitables. Ses priorités : réduire la mortalité maternelle, éradiquer certaines maladies infectieuses et rendre les soins accessibles dans les zones rurales. L’intelligence artificielle pourrait, selon lui, transformer les systèmes de diagnostic, la logistique des hôpitaux et la surveillance épidémiologique.

Éducation : la clé du développement

L’Afrique reste le continent où la moitié des enfants non scolarisés dans le monde vit. Selon l’Unesco, 57 millions d’enfants africains ne sont pas en primaire, et près de 30 % des filles quittent l’école avant 13 ans. À cela s’ajoute une fracture numérique qui limite l’accès à l’apprentissage à distance. La Fondation Gates prévoit d'investir massivement dans l’éducation de base, la formation des enseignants et l’apprentissage numérique. Pour Gates, sans alphabétisation, la technologie ne servira à rien. « Investir dans l’humain est la seule voie vers une prospérité inclusive », a-t-il martelé.

Une réponse au désengagement des États-Unis

Ce geste retentissant intervient alors que l’administration Trump vient de geler l’aide étrangère et de démanteler l’USAID, privant l’Afrique d’un levier financier majeur dans les domaines de la santé et du développement. La coïncidence n’a rien d’anodin.  Bill Gates, critique assumé de Donald Trump, entend assumer le rôle de contre-pouvoir humanitaire. Mais cette philanthropie géante soulève aussi des questions géopolitiques. Peut-on confier l’avenir de millions d’Africains à un acteur privé étranger, aussi bien intentionné soit-il ? Quelle légitimité une fondation privée a-t-elle pour orienter les politiques publiques d’un continent ?

Une manne colossale, des risques bien réels

Sur le plan géoéconomique, la somme promise équivaut à plus de trois années d’aide publique mondiale au développement vers l’Afrique. À court terme, elle pourrait combler les failles budgétaires des États africains et attirer des investissements supplémentaires. Mais le risque de dépendance est réel. Cette centralisation des financements autour d’un seul mécène pourrait affaiblir les capacités des gouvernements à définir leurs propres priorités, et marginaliser les acteurs locaux. Des organisations non gouvernementales redoutent déjà un effet de « gouvernance philanthropique », où l’argent impose une vision étrangère du développement.

Un pari sur l’avenir… à condition

Bill Gates a fixé la fin de sa mission à l’horizon 2045, date à laquelle sa fondation prévoit de se retirer. Une échéance qui pose une question cruciale : que restera-t-il après ? Un modèle reproductible et autonome ? Ou une architecture vacillante, construite sur des financements temporaires ? Les observateurs saluent l’audace et la vision. Mais ils appellent à la vigilance. Le succès de cette initiative ne dépendra pas uniquement des milliards dépensés, mais de la manière dont les États africains resteront maîtres de leur développement, tout en bâtissant des institutions solides, capables de survivre à la philanthropie. L’Afrique doit aussi rester vigilante, face à cette aide  qui doit compléter, et non supplanter, les efforts publics, locaux et internationaux. Elle ne doit non plus dicter une vision de développement technocratique et occidentalisée, mais servir de catalyseur pour des politiques publiques justes, inclusives et souveraines.

Le geste de Bill Gates est sans précédent. Mais il rappelle aussi à la communauté internationale ses responsabilités oubliées. Si un homme seul peut investir autant dans l’avenir d’un continent, c’est peut-être parce que les grandes puissances et les institutions multilatérales ont déserté. L’Afrique a besoin d’investissements. Mais plus encore, elle a besoin de confiance, de respect, et d’un partenariat équitable. L’histoire jugera si cette gigantesque promesse aura changé le destin du continent - ou si elle n’aura été qu’un mirage technophile de plus.

Noël Ndong

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