Développement: À Kibina, quand l'eau devient une respiration

Mardi 2 Décembre 2025 - 16:15

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La fondation congolaise Burotop Iris inaugurait le 25 novembre dernier, un forage moderne à Kibina, dans le 8e arrondissement Madibou à quelque 17 kilomètres du centre-ville de Brazzaville. Une réalisation qui répond à des années d’une soif que personne n'avait écoutée.

Pendant des décennies, les femmes de Kibina ont connu une géographie du sacrifice. Puits peu fiables, sources imprévisibles, marigot porteur de tous les périls : il fallait choisir chaque jour. Et chaque choix avait un coût, en temps, en santé, en dignité. Madeleine Mbemba, mère de trois enfants, raconte avec un sourire enfin libéré : « On devait marcher au moins deux kilomètres pour trouver de l'eau. Pendant la saison sèche, les sources s'assèchaient et nous utilisions n'importe quelle eau. Les enfants tombaient malades, souvent. Maintenant, on tourne le robinet, et c'est fini. Mais surtout, c'est de l'eau saine. »

La révolution silencieuse, elle la doit à la Fondation Burotop Iris, une organisation congolaise qui œuvre depuis 2008 dans l'éducation, la santé et la protection sociale du pays. Le forage de Kibina s'inscrit pleinement dans cette mission. Implanté à 57,5 mètres de profondeur, il est équipé d'une pompe immergée de 120 mètres cubes et d'une cuve de stockage de 5 000 litres. Un système hybride ingénieux assure la continuité. L'énergie solaire d'abord, l'électricité en soutien pour les périodes d'ensoleillement insuffisant.

« Quand on voit des mères utiliser cette eau, notre mission prend sens »

Romaine Gangoyi, responsable des opérations de la Fondation Burotop Iris, ne peut retenir son émotion lorsqu'elle revient sur ce projet. Lors de la cérémonie d'inauguration, en présence du maire de Madibou Alain Milandou et des autorités administratives et militaires de l'arrondissement, elle a expliqué le sens profond de cet engagement: « Ce forage s'inscrit pleinement dans notre engagement social: agir concrètement pour améliorer la vie de nos communautés. Les travaux ont respecté les délais, du 9 août au 20 septembre, mais ce qui nous a véritablement touchés, c'est de voir des mères utiliser cette eau lors de leurs consultations. C'est dans ces scènes du quotidien que notre mission prend sens. »

Avant cette réalisation, le Centre de santé intégré de Kibina devait régulièrement recourir à une eau de qualité douteuse. Mme Gangoyi souligne que l'eau du forage a subi des analyses physico-chimiques et biologiques rigoureuses menées par le laboratoire central de la Congolaise des eaux. Le diagnostic est sans ambiguïté: elle est propre à la consommation humaine.

Le Centre de santé respirait mal

Le Centre de santé intégré de Kibina est l'unique établissement médical du quartier. Avec ses quinze agents et une directrice, la sage-femme Marie Thérèse Kivouvou, il accueille quelque six patients quotidiens. Un chiffre modeste en apparence, mais important pour une zone largement dépourvue d'infrastructure sanitaire.

« Cette eau change profondément notre travail, » confie Mme Kivouvou, d'une voix posée mais chargée de conviction. « Avant, nous devions acheter de l'eau ou en quémander. Cela coûtait cher et n'était pas fiable. Aujourd'hui, nous pouvons nous concentrer vraiment sur nos patients sans cette préoccupation constante. Nos femmes enceintes, nos malades, tous bénéficient d'une eau de qualité pour les consultations, l'hygiène, les soins post-partum. »

Mais Mme Kivouvou ne s'en cache pas. D'autres plaies restent béantes. L'absence d'ambulance rend cauchemardesque chaque urgence obstétricale. La route qui mène de Madibou vers Kibina est délabée, forçant parfois les femmes enceintes à accoucher à domicile. Pour la directrice du CSI, ce forage représente néanmoins un progrès tangible : « C'est un premier pas. Quand on n'a rien, on accueille ce qui vient comme une bénédiction. »

Au-delà de l'eau propre

L’inauguration, célébrée par le maire Alain Milandou et les autorités locales, reste le premier étage d'une fusée qui doit monter plus haut. La Plateforme pour le développement de Madibou, qui a accompagné Burotop Iris dans le suivi de ce projet, a promis de continuer son plaidoyer. Mais à Kibina, on ne se fait pas d'illusions. Un forage d'eau, même performant, ne résout ni la pauvreté chronique, ni l'absence d'ambulance, ni le délabrement des routes.

Madeleine Mbemba voit les choses avec un pragmatisme tendre : « Ce forage, c'est la santé pour nos enfants. L'eau propre prévient les maladies. Et c'est du temps gagné, du temps qu'on peut consacrer à l'école ou au travail au lieu de courir chercher l'eau. » Elle marque une pause, puis ajoute avec une certitude tranquille : « Que la Fondation Burotop Iris soit bénie. Et que d'autres comme elle viennent aider les quartiers oubliés. »

Sur les tôles du quartier 810, s'élève désormais un forage à la teinte grise, modeste mais inébranlable. À Kibina, on l'appelle d'ores et déjà « l'eau de la vie ». Un surnom simple peut-être, mais qui dit tout des années passées à attendre, à espérer, et enfin à accueillir.

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Photo de famille avec le maire Alain Milandou au centre a coté de Romaine Gangoyi, responsable des opérations de la Fondation Burotop Iris

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