Drépanocytose : une prison à double tour

Jeudi 17 Juin 2021 - 20:24

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Le 19 juin de chaque année le monde célèbre la Journée mondiale de la lutte contre la drépanocytose, la maladie génétique la plus répandue au monde, une maladie reconnue comme priorité de santé publique par l'Organisation des Nations unies après le cancer, le sida et le paludisme.

La drépanocytose est une maladie génétique autosomique et récessive qui intéresse l'hémoglobine, la molécule chargée de transporter l'oxygène dans l'organisme.  Elle est à l'origine de crises vaso-occlusives qui peuvent affecter n'importe quel organe de l'organisme mais qui ont des sièges préférentiels selon l'âge. Avec ces douleurs, les malades souffrent d'une anémie chronique et de ses conséquences, et sont susceptibles aux infections.

La maladie concerne préférentiellement le pourtour méditerranéen mais est plus présente en Afrique équatoriale. Les migrations intercontinentales, notamment le commerce des esclaves et celles plus récentes vers l'Europe des populations africaines et asiatiques a occasionné la dissémination de cette maladie à travers le monde et le nombre de personnes atteintes dans le monde aujourd'hui est de l'ordre de 50 millions, selon l'Organisation mondiale de la santé.

La morbidité et la mortalité importantes de cette maladie attribuaient aux malades une espérance de vie relativement courte et une qualité de vie médiocre du fait des crises douloureuses et des soucis de santé ponctuels, contribuant ainsi à la prolifération d'un imaginaire populaire desservant sévèrement les personnes qui en sont malades, notamment dans les pays d'Afrique centrale, où elle sévit le plus. Ils sont sujets de stigmatisation, de rejet social et même familial et de maltraitances diverses.

En plus de la charge sanitaire, les personnes vivant avec la drépanocytose sont ainsi contraintes à un combat psychologique plus intense, sournois et plus meurtrier encore. Affectés dans leur psychologie, les malades adoptent très tôt dans la vie une posture de victime, de bouc-émissaire et de tâche sur le tableau.

Manque de confiance, faible estime personnelle avorte tout élan vital et les personnes malades se retrouvent enfermées dans le moule de cas sociaux. Sont ainsi tuées dans l'œuf toutes formes de talents ou de trésors cachés rendant les chemins de vie des personnes concernées plus comme un chemin de pénitence qu'une occasion de se créer, de se réinventer et de se réaliser.

Cet aspect psychologique est faiblement considéré voire totalement ignoré par les personnels de santé du continent, qui travaillent plus pour la survie des malades qu'une véritable retransmission de souffle. La vie associative se voit elle aussi noyée par les doléances de prise en charge sanitaire et financière car la drépanocytose est une maladie qui rime avec pauvreté en Afrique à cause de la prise en charge sanitaire encore extrêmement coûteuse en Afrique.

Elle impose un suivi sanitaire strict et régulier. Son étiologie génétique rend la prise en charge thérapeutique difficile voire inenvisageable dans les pays en développement. Les progrès scientifiques tels que la greffe de moelle et la thérapie génique permettent l'enregistrement régulier des cas de guérison en Europe et autres pays occidentaux.

En Afrique où le contexte économique est très rude et les infrastructures hospitalières en état de maladie elles-mêmes, un suivi hospitalier palliatif et l'hygiène de vie contribuent à l'amélioration de l'espérance et de la qualité de vie des malades, qui sont libres de prétendre à la vie qu'ils souhaitent si seulement ils parviennent à se défaire de leurs liens psychologiques.

Princilia Pérès

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