Ebola : sur le terrain, l’Italie a déployé « le meilleur de soi »

Mardi 9 Décembre 2014 - 19:25

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Volontaires et personnel sanitaire luttent en Afrique contre le virus Ebola. A Rome, un médecin italien infecté en Sierra Leone se bat contre la mort.

C’est par une conférence au palais du Montecitorio, siège de l’assemblée nationale à Rome, que les parlementaires italiens ont commémoré mardi l’an 1 de l’explosion de l’épidémie à virus hémorragique Ebola en Afrique de l’Ouest. La manifestation était chargée de symbole. L’Italie est en effet, de tous les pays occidentaux, celui qui a payé un lourd tribut à la vague précédente des contagions lorsqu’en 1995, la maladie faucha des dizaines de personnes à Kikwit, dans l’alors Zaïre. Parmi elles, une quinzaine d’agents de santé et de missionnaires, dont une demi-douzaine de religieuses italiennes.

Et depuis un an, le pays est de nouveau retourné au front de la double lutte à la fois sur le terrain et dans les laboratoires de recherche. C’est ce qui a fait dire à Mme Laura Boldrini, présidente de l’assemblée nationale ouvrant les travaux de la conférence de mardi que « c’est le meilleur d’entre nous qui est aujourd’hui sur le terrain ». La présidente des députés a adressé ses « salutations les plus affectueuses » au médecin de l’ONG italienne Emergency infecté et actuellement hospitalisé « en étable stable » dans un hôpital spécialisé de Rome.

« Les Italiens sont en première ligne aujourd’hui en Afrique dans la lutte contre le virus Ebola. Ils sont présents par des centres de recherches d’excellence, les médecins et infirmiers spécialisés ainsi que par la mise à disposition d’un savoir-faire sans pareil. Il est important que les institutions reconnaissent la valeur de ces personnes qui défient la peur et se distinguent par leur générosité et leur professionnalisme ». Le propos de Mme Boldrini avait aussi une forte résonnance de politique intérieure.

L’Italie est empêtrée ces jours-ci dans un scandale éclaboussant des dirigeants de la Mairie de Rome dont certains, dans la mandature précédente de droite, sont soupçonnés d’appartenir à la mafia et d’avoir détourné des fonds destinés à gérer des centres d’accueil pour immigrés. C’est pourquoi, la présidente de l’assemblée nationale (appartenant à la gauche) a eu beau jeu de souligner : « Ici, l’exercice de la solidarité a été en quelque sorte détourné. Il y en a qui se sont enrichis sur le dos des plus pauvres qui sont de ce fait deux fois victimes. Mais l’Italie que nous célébrons aujourd’hui doit avoir sa place dans le débat public ». Elle a soutenu qu’il y avait  contraste entre la teneur des querelles politiques bruyantes et l’héroïsme silencieux des humanitaires italiens en Afrique de l’Ouest.

« Il est important que nos institutions expriment leur gratitude à ces personnes qui représentent notre pays dans les zones à risque. Il est rare que cette Italie-là apparaisse ; elle existe pourtant même si nous ne la voyons pas. Parce que lorsque nous parlons de l’Italie à l’étranger, c’est seulement pour les actions militaires, le ‘Made in Italy’, jamais de ce ‘Made in Italy’ fait de courage », a ajouté Mme Boldrini. La présidente de l’assemblée nationale italienne a regretté que la communauté internationale n’ait pas, tôt, pris la mesure de la gravité de cette épidémie qui « semble lui être tombée dessus en même temps que le mouvement (fondamentaliste) de l’Etat islamique ».

Les professionnels de santé appuient l’appel des députés italiens à plus de solidarité et de volontarisme notamment dans la mise à disposition de toutes les ressources nécessaires. Mais ils mettent aussi en garde contre une vision trop idéaliste dans l’engagement à vaincre le mal. « Pour affronter l’épidémie d’Ebola, une coordination, une organisation et de la gestion sont nécessaires. Les volontaires sont importants, mais ils ne constituent pas le système par lequel on peut contrôler Ebola », a averti le Dr Giuseppe Ippolito, directeur scientifique de l’Institut Spallanzani qui a pris en charge le médecin italien infecté en Sierra Léone.

Ebola : Lutter contre le mal oui, mais pas avec des chansons débiles !

Pour William Pooley, infirmier britannique infecté et ayant survécu au virus d’Ebola, Band Aid est parti d’une bonne intention en réunissant des artistes de poids dans la lutte contre le mal, mais la chanson produite est au final chargée de propos plus « embarrassants » et « culturellement ignorants ». La dureté de sa prise de position peut lui être pardonnée : Pooley infecté, rapatrié en Grande-Bretagne et soigné, est reparti en Sierra Leone pour de nouveau se joindre, tel un pompier ayant survécu à un incendie, aux équipes qui luttent contre Ebola sur le terrain !

A l’instar de Michael Jackson et Lionel Richie qui, en janvier 1985, avaient réuni des stars mondiales pour produire le fameux « We are the world » (Nous sommes le monde) en faveur de l’Ethiopie en famine, Bob Geldof et Midge Ure ont eux aussi rassemblé des vedettes pour produire une chanson en faveur des pays africains luttant contre Ebola. Celle-ci, c’est une autre version de « Do they know it’s Christmas ? » (Savent-ils que c’est Noël ?). Mais Pooley estime qu’ils ont littéralement raté le coche.

Il ne décolère pas devant des refrains qui parlent d’un continent où « un seul baiser peut te tuer et où la mort est dans chaque larme » (référence au Sida), et où « il n’y a ni paix ni joie ce Noël en Afrique occidentale, l’unique espérance qu’ils ont étant de rester en vie » ! C’est plus que Pooley ne peut en supporter. Car si la seule espérance des malades d’Ebola et de l’Afrique de l’Ouest est de “rester en vie”… ! « Nous ne parlons pas d’une autre planète, mais de l’Afrique ! Cette sorte d’ignorance culturelle est un peu embarrassante ».

Lucien Mpama