Evocation : la triple Alliance d’août 1968

Jeudi 8 Août 2019 - 22:11

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La date du 31 juillet 1968 est une extraordinaire méprise dans l’histoire politique du jeune Etat congolais. Les mythes ayant la peau dure, cette date restera encore longtemps dans son imposture de date fondatrice du régime du capitaine Marien Ngouabi. Toutefois, on sait depuis la publication en 2015 du manuscrit (Propos sur le 1er août 1968 au Congo- Brazzaville, édition L'Harmattan) du sergent-chef André Akouala, héros de l’évasion du capitaine de la gendarmerie que cet évènement datait du 1er août.

La confusion introduite par l’imposture susmentionnée n’a pas permis aux  historiens-chercheurs et autres analystes de fixer les deux évènements majeurs qui s’étaient disputés l’actualité de cette journée historique du 1er août 1968. Il eut, en effet, ce jour, fait unique dans les annales de l’Etat congolais, deux tentatives de putsch dont l’un institutionnel était orchestré par le chef de l’Etat, le président Alphonse Massamba-Débat et, l’autre technique, était initié par des para-commandos.

L’épreuve de force engagée contre les institutions par le président avait atteint sa résonnance avec le démantèlement de l’Assemblée nationale, la suspension du Bureau politique du parti et la création dans la même journée du 1er août d’un Conseil national de la révolution (CNR).

Néanmoins, aucune de ces annonces ne prospéra. Tard, dans l’après-midi de ce même jour, un évènement complètement inattendu, un deus ex-machina remit toute la machinerie présidentielle en cause.

En effet, menés par le sergent-chef Akouala, des bérets rouges avaient libéré le capitaine Ngouabi détenu à la gendarmerie et l’avaient ramené au camp des para-commandos en vue d’une insurrection.

Dans la matinée du 2 août, le gouvernement se préparait à écraser les mutins encerclés dans leur camp à la Base militaire quand le capitaine Ngouabi, inspiré par le péril, dépêcha un émissaire auprès des commandos et gendarmes venus de Pointe-Noire. C’était une idée géniale qui vit matons et mutins fraterniser même si le chef des blindés de Mpila, le lieutenant Alex Leckondza était resté droit dans ses bottes loyales aux ordres reçus.

Après cet exploit, Ngouabi reprit l’avantage en faisant libérer les prisonniers politiques, parmi lesquels le commandant Félix Mouzabakani, le lieutenant Pierre Kinganga alias Sirocco, Mme Celine Yandza et autres.

Les principaux chefs militaires du pays dont le capitaine Alfred Raoul étaient derrière l’insurrection. À Pointe-Noire, le lieutenant Luc Kimbouala-Nkaya avait fait arrêter le commissaire du gouvernement, Samba, qu’il avait jeté dans le ventre d’un blindé.

Toutefois, rien n’était joué. En effet, les forces paramilitaires de la Défense civile, fer de lance du gouvernement, étaient bien équipées et entraînées. Elles étaient disséminées dans des bataillons du camp Lénine au pont du Djoué, du camp du 27 juin au Stade de la Révolution, du camp Lumumba à la patte d’Oie et du détachement spécial Sacrifice national fort de trois cents miliciens stationnés au siège de l’actuel ministère de l’Intérieur. Des combats entre ces éléments et ceux de l’Armée auraient été funestes pour l’avenir du pays.

Patiemment, des politiciens malmenés à divers degrés par le président ne se privèrent pas de prendre une revanche rêvée sur lui. Ils intercédèrent entre les forces militaires en présence. Ils vociféraient maintenant contre le rush présidentiel pour le contrôle d’un pouvoir absolu

Pour le commandement de la Défense civile, la crise avait un coupable en la personne du président Massamba-Débat.  Dans la journée du 2 août, les efforts de l’agent de sécurité du président, le capitaine Kikadidi, de retourner Ange Diawara le commandant de la Défense civile furent vains.

Le 3 août, la triple Alliance formée par l’Armée, la Défense civile et les politiciens (appelés intellectuels-révolutionnaires) était prête à prendre la relève. Ce 3 août, en effet, un communiqué diffusé à la radio accusait le président d’avoir pris une série d’actes illégaux notamment en ce qui concerne les arrestations arbitraires suivies de la dissolution et de la suspension du Bureau politique. »  On l’accusait aussi d’avoir failli gravement compromettre l’unité nationale et l’édification du pays. Désormais abandonné, c’est un roi dépouillé qui tenta de s’éclipser au village ce 3 août mais dû revenir au Palais le jour suivant sous la pression des évènements.

N’étant pas astrologue, le président Massamba-Débat ne pouvait pas deviner qu’en mettant hors-jeu Assemblée nationale et Bureau politique le 1er août, il avait passé sa tête dans un nœud coulant qui allait l’étrangler le 2 août !

 

 

François-Ikkiya Onday-Akiera

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