Evocation. Marien Ngouabi le 23 novembre 1971 : « Cessons de jouer à cache-cache »Jeudi 11 Novembre 2021 - 19:04 La place de la Liberté à la gare de Brazzaville est avec la place de l’Hôtel de ville un des lieux mémoriels du discours politique des années 1960 et 1970 de la capitale du Congo. C’est ici que le syndicaliste Pascal Ockyemba Morlendé lança, le 13 août 1963, l’insurrection révolutionnaire qui bouleversera l’histoire du jeune Etat congolais. C’est ici également que le président Alphonse Massamba-Débat, révolutionnaire au verbe intarissable, déroulait sa mordante verve. La place éponyme, noire de monde, accueillit le président Marien Ngouabi, le 23 novembre 1971, au cours d’un meeting de la « vérité » qui fit sensation. Marien-Ngouabi arriva au sommet de l’Etat congolais à la faveur du compromis politique et militaire de juillet-août 1968 entre l’Armée, la Défense civile et des cadres politiques. D’août 1968 à la seconde moitié de l’année 1971, cette triple alliance savoura le pouvoir qu’elle venait de capturer. D’obédience marxiste, la triple alliance se transforma en Parti congolais du travail (PCT), le 31 décembre 1969. Avec la structuration du parti resurgit au sein de celui-ci le jeu des factions qui avaient achevé de putréfier le précédent régime. Plus précisément, les composantes « armée » et « défense civile », soutenues chacune par des cadres politiques, se trouvèrent en position de « guerre froide » qui paralysa le parti. La composante « Défense civile », ex-bras armé du précédent régime, était à l’origine de cette situation. Comme le reconnaîtra dans son « Autopsie du M22 », son ancien chef, le lieutenant Ange Diawara, cette composante encore dénommée « Groupe Noumazalaye » ou « Groupe JMNR » se signalait par un travail clandestin entre ses membres. Ceux-ci méprisaient et regardaient de haut les cadres issus de l’armée comme de vulgaires opportunistes qui n’entendaient rien à l’idéologie marxiste et par conséquent n’entendaient rien à la révolution. Le jeu des forces centrifuges au sein du parti devait décider le président Marien-Ngouabi à la grande explication du 23 novembre 1971. Il fallait, disait-il, « percer l’abcès ». Il dénonça le double jeu de ses camarades qui jouaient « à la tortue, d’un côté la carapace, de l’autre la carapace » Ngouabi fut follement applaudi quand il annonça sans détour la purge au sein du parti en s’écriant « tous ceux qui se sont trouvés là par un concours de circonstance doivent déguerpir du Parti congolais du travail. Ensuite, tous ceux-là qui ont été hissés très vite et très haut et qui se sont trop élevés doivent descendre ». La note la plus pathétique de ce discours apparut lorsque le président fit le constat de l’infantilisme dans lequel s’empêtraient les dirigeants du PCT. Désabusé, il lança un appel au nom du peuple congolais en guise de protestation contre ses camarades qui enfermaient le parti dans des querelles infantiles : « assez de jouer à cache-cache, de paraître aux yeux des militants comme étant les mieux nantis d’expérience marxiste et les seuls capables de faire transformer les choses ! » Le discours du 23 novembre 1971 fut le point de départ de la rupture définitive des alliés qui renversèrent le régime du président Alphonse Massamba-Débat. Dès la mi-décembre, le lieutenant Ange Diawara et ses camarades avaient décidé de ne plus se cacher. Le repérage des dates du calendrier présidentiel leur fournira le 22 février 1972 comme jour de l’explication finale.
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