Expo de Milan : en attendant Michelle…

Le thème de l’Exposition universelle de Milan est de ceux qui peuvent fédérer initiatives et propositions et ne pas laisser le monde dans le partage immuable entre ceux qui ont et ceux qui n’ont pas ; riches et pauvres ; conservateurs et progressistes etc... « Nourrir la planète, énergie pour la vie » : quel homme/femme politique du nord comme du sud de la planète ne se reconnaîtrait pas dans une telle proclamation ! C’est sans doute pourquoi Milan est devenu l’endroit de la terre le plus couru en ce moment. Il faut s’y faire voir et y faire valoir les talents des pays.

C’est sans doute pourquoi aussi, à côté des savoir-faire agricoles ou alimentaires, des techniques culturales, une diversité de personnalités du monde y vient … pour parler politique ! Le premier ministre chinois, le président russe, le président du Guatemala, les dirigeants des grands groupes industriels comme FIAT-Chrysler etc… sont venus à Milan pour défendre des points de vue (pas forcément agricoles), des manières de gérer, des visions partagées sur l’avenir. Et mercredi sera le jour de Michelle Obama. On sait la Première dame américaine bien impliquée dans son pays dans le combat contre l’obésité et pour une alimentation moins calorique, plus saine.

Devenue une icône écologique de la politique de son mari  président, Michelle Obama conduira une délégation américaine qui s’annonce … de poids ! Elle va y présenter sa campagne « Let’s Move » (bougeons, faisons du sport) contre «l’épidémie de l’obésité ». Car le présupposé d’une planète qui se nourrit suffisamment est une planète qui ne doit pas tomber malade de trop manger. « Indépendamment du lieu de la planète où nous vivons, nous voulons une alimentation saine et nourrissante pour nos familles », soutient Michelle Obama.

Sa délégation va rester deux jours à l’Expo, mercredi et jeudi. Elle va prendre ses quartiers à l’imposant pavillon américain, « pour montrer au monde que les USA assument le leadership mondial dans la sécurité alimentaire ». Vraiment ? Le lieu ne se prête sans doute pas aux polémiques. Les Européens ne s’y amèneront pas pour faire grief aux Etats-Unis de leur vendre du poulet lavé à la javel ou nourri aux grains OGM (organismes génétiquement modifiés) contre lesquels une majorité d’Européen nourrit, si l’on peut dire, des doutes persistants. Et les Américains ne viennent pas pour décocher des flèches contre le bétail européen bourré d’hormones ! L’Amérique vient à l’Expo surtout pour dire au monde que la production agricole intensive, c’est aussi du business. On peut nourrir le monde et gagner.

Cela ne s’oppose pas à l’éthique que rappelait la semaine dernière le Premier ministre italien Matteo Renzi : « Nous voulons faire de l’Expo une occasion pour réfléchir aux grands moments de la nutrition de la planète et de l’énergie. C’est un défi qui place le monde entier sur le front pour un objectif : vaincre la faim dans le monde et affirmer l’idéal de lutte contre la pauvreté ». Il l’affirmait le jour de la « Nation-Day » russe. Il invitait le président Vladimir Poutine à se joindre à une telle bataille, à ne pas s’en exclure.

Mais business is business, a aussi relevé pour sa part le vice-ministre italien du Développement économique, Carlo Calenda. « Nous devons (grâce à l’Expo) porter les entreprises agroalimentaires italiennes dans les rayons des supermarchés américains. Et pour y parvenir nous devons négocier avec les réseaux de distribution aux USA ».  M. Calenda s’adressait à des entrepreneurs italiens, on l’aura compris. Mais son intervention a voulu surtout inviter à l’effort de tous pour lier l’éthique à l’économique. Et même au religieux, s’est empressé d’ajouter le président des évêques italiens, le Génois Angelo Bagnasco !

« L’Eglise peut contribuer de manière toujours efficace à la lutte contre la faim dans le monde, non pas dans une logique d’assistanat perpétuel mais dans la dignité reconnue à tous, sans rhétorique mais avec grande conviction ». Il rappelle d’ailleurs que le pavillon du Saint-Siège à l’Expo se tient sous un thème sans ambiguïté : « Pas seulement du pain. A la table de Dieu avec les hommes ». Subtile évocation des propos de Jésus (Cf. “L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu”) ; réaffirmation de la volonté de l’Eglise de faire en sorte que l’homme, un tout complexe, se nourrisse à satiété d’aliments matériels mais aussi de nourriture spirituelle.

Enfin, le président italien Sergio Mattarella s’est rendu à l’Expo de Milan, au jour de la « Nation-Day » italienne, pour dire lui aussi à la suite de différents acteurs de l’Eglise et du Vatican que nourrir la planète, c’est servir la cause de la paix dans le monde. « La paix est entre nos mains. Une seule chose serait à ne pas faire : imposer la paix par les armes, par la domination, l’exclusion et la mise à l’écart ». Guerres et cataclysmes en tous genres poussent les hommes à fuir leurs contrées. « C’est pourquoi le phénomène migratoire prend aujourd’hui des proportions inédites ». Pour lui, la lutte contre la faim ne fera jamais l’impasse de la solidarité. « Et de la légalité ! », a-t-il ajouté.