Fête nationale en Italie : l’ambassadeur Mazzella sur l'etat des relations avec le Congo

Mercredi 1 Juin 2016 - 20:00

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Tous les 2 juin, l’Italie célèbre sa fête nationale. C’est en 1946, qu’un référendum décida de l’institution d’une République en Italie. En poste à Brazzaville depuis septembre 2014, l’ambassadeur  d’Italie au Congo a bien voulu répondre aux questions des dépêches de Brazzaville.

 Les Dépêches de Brazzaville : Excellence, aujourd’hui, où en est la coopération Italie-Afrique?

S.E. Andrea Mazzella: L’excellence de l’état de ces relations, on peut la voir dans la Conférence ministérielle Italie-Afrique tenue à la Farnesina,  siège du ministère des Affaires étrangères italien, et à laquelle, en plus du président de la République et du président du Conseil, les ministres des Affaires étrangères et de la coopération de plus de 38 gouvernements africains ont pris part le 18 mai dernier. Tous les pays africains, les différentes organisations internationales qui s’occupent de l’Afrique y étaient représentés. Cet événement visait à poser les bases d’un partenariat stratégique, paritaire et durable, entre l’Italie et l’Afrique. La conférence a été un grand moment de réflexion et de dialogue de haut-niveau international appelé à se répéter tous les deux ans. Je considère qu’en une phase aussi historique l’Italie est en train de démontrer concrètement que les destins de l’Afrique et de l’Europe sont mêlés.

Avec, d’un côté la globalisation et de l’autre les crises politiques qui ont affecté la stabilité de beaucoup de pays, y compris africains, la distance géographique a été redimensionnée ; elle a rendu les frontières particulièrement poreuses. Une telle interdépendance de destins concerne, certes, les problèmes et les difficultés mais représentent aussi, qu’il me soit permis de le souligner avec force, des opportunités. Nous ne pouvons nous prévaloir d’un héritage de valeurs chrétiennes et européennes, relevant d’une culture dont les racines s’enfoncent dans les valeurs de la Renaissance (« le Rinascimento », Ndlr), dans les Lumières qui posent les bases de la dignité pleine de la vie humaine et nous laisser influencer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, par ceux qui nous proposent des solutions inspirées, en fin de compte, par l’autarcie, l’autosuffisance jusqu’au point ultime des divisions symbolisées par l’érection de nouveaux « murs », expression physique d’une division qui est, bien évidemment,  avant tout surtout philosophique, morale et politique.

Dans ce sens, sans doute en raison de sa configuration géographique, l’Italie se place aux antipodes des logiques de division et de séparations, souhaitant toujours plus et toujours mieux représenter le pont idéal, même d’un point de vue politique ; un canal de communication de valeurs, d’intérêts et d’actions politiques concrètes partagées entre l’Europe et l’Afrique.

C’est vers cette direction que nous pousse la prise de conscience du rôle fondamental de l’Afrique, qui ne nous soustrait pas à la recherche de solutions aux défis, tel celui des migrations, qui sont des défis d’ensemble et globaux et nécessitent une approche partagée. Ce sont de telles motivations qui ont poussé l’Italie à devenir un acteur majeur, présentant à Bruxelles le “Migration compact”.

LDB : Et pour le cas du Congo: quels sont les points forts sur lesquels cette coopération pourrait reposer pour un avenir de risques partagés ?

A.M. : Je crois que les points forts de notre coopération sont surtout dans notre attitude libre de tout préjugé, respectueuse de l’identité de chacune des deux parties et dans la disponibilité de la rencontre ouverte, sincère et pragmatique sur toutes les questions sans en exclure aucune.

Mais il y a aussi le partage de certains grands principes, tel le développement durable à 360°. J’entends par là, par exemple, la paix et la sécurité qui connaissent un engagement généreux de l’Italie, ensemble avec d’autres, dans le cadre des Nations-Unies. De ce point de vue, la République du Congo représente un partenaire essentiel pour la stabilité de la région ainsi que cela est démontré par l’aboutissement heureux des processus électoraux en Centrafrique, où il représente un partenaire important dans l’œuvre de médiation, mais aussi pour son rôle dans la lutte contre le fondamentalisme islamique qui affecte chaque jour un peu plus les pays de la façade sub-saharienne, en particulier le Sahel. Sans oublier le phénomène de la piraterie maritime de nouveau actif dans le Golfe de Guinée. Même sur ce dernier point, la République du Congo a dit sa volonté de s’engager sur la base de l’offre européenne et américaine pour la sécurité du trafic commercial.

Mais il existe d’autres objectifs partagés par l’Italie, l’Europe et la République du Congo, comme le développement économique dans la logique de l’agenda 2030 des Nations unies et l’agenda 2063 de l’Union africaine, qui mise particulièrement sur les secteurs de l’énergie, de l’agriculture mais aussi de la neutralisation des effets pernicieux des bouleversements climatiques.

LDB : L’Italie veut miser sur l’Afrique mais le continent connaît le contrecoup du repli des prix des matières premières et sa croissance. Le pays est-il toujours aux côtés de l’Afrique même dans ce contexte ?

A.M. : Je renvoie à ce que je disais sur les objectifs partagés du développement et qui sont les points forts du partenariat entre le Congo et l’Italie. A tout bien considérer, « Le Chemin d’avenir » et la « Marche vers le développement », lignes-guides de ce pays jusqu’à 2050, visent surtout une diversification de l’économie congolaise pour que le pays puisse ne plus subir le contrecoup des prix des matières premières. Voilà pourquoi on mise non seulement sur les sources d’énergies renouvelables et à faible impact écologique mais aussi, et surtout, sur le développement d’une production industrielle endogène. Sans parler du développement agricole, un secteur dans lequel le pays accuse quelques retards.

LDB: L’Italie accompagne la croissance économique du Congo mais aussi sa croissance politique. Comment la diplomatie italienne agit-elle sur l’un et l’autre volet ?

A.M. : Secteur économique et secteur politique sont fondamentalement différents pour une raison: dans le secteur économique, les Etats donnent l’exemple et libèrent les forces privées de l’économie, les investissements nécessaires au développement, alors que le domaine politique est strictement réservé aux partis politiques et aux représentants des institutions.

La coopération italienne s’emploie au mieux pour mettre en relation son monde entrepreneurial privé et atteindre certains objectifs de développement : par exemple la réhabilitation des voies de communication au Congo dont la dcarte nationale a été financée par le gouvernement italien. En outre, les Etats sont là pour garantir les investissements des privés et limiter les risques, les rendant plus faciles et instituant,  c’est le cas pour le Congo, des Zones économiques spéciales à l’intérieur desquelles les coûts des investissements sont réduits au minimum.

Le secteur politique est quant à lui plus délicat, parce qu’il concerne directement la souveraineté de l’Etat et du peuple congolais appelé à choisir librement son propre destin, à travers son droit de vote et ses propres prérogatives démocratiques. Evidemment l’Italie, par son exemple, et sous demande expresse, peut apporter ses suggestions, encourager le développement de la démocratie en Afrique et au Congo et avec lui le respect des droits fondamentaux de la personne. Cela vaut pour la République du Congo où l’ambassade, chaque fois qu’elle le peut, a pu s’engager à fond pour favoriser à tous les points de vue le dialogue entre les différentes forces politiques, même aux moments les plus difficiles. Nous restons convaincus que seulement à travers un dialogue serein, sincère et porté à rechercher les solutions qui favorisent le bien commun du peuple congolais, on pourra faire sûrement évoluer les institutions nationales dans un sens majoritairement démocratique.

LDB:  pourquoi la capitale du Congo ne jouit-elle pas d’une plus grande visibilité auprès des Italiens : la faute au Congo ou à l’Italie ?

A.M. : Brazzaville est l’un des rares exemples de villes ayant maintenu le nom de l’explorateur qui la découvrit et d’origine italienne. La raison à cela se trouve dans l’esprit, profondément humaniste et pas seulement de colonisateur, qui l’animait. Il s’agit d’un choix d’extraordinaire intelligence qui fait honneur à cette ville d’Afrique, qui a voulu rendre hommage (à De Brazza, Ndlr) en érigeant un mémorial à sa mémoire où sont conservées des valeurs positives sur lesquelles se fonde l’identité congolaise. Des valeurs qui peuvent tout simplement être transmises aux jeunes générations, d’Europe et d’Afrique. Il va sans dire que je me trouve très bien à Brazzaville où le trait particulier est, selon moi, l’hospitalité et la courtoisie du peuple congolais. Après un an et demi passé au Congo, j’ai pu vérifier en première personne que les liens entre l’Italie et le Congo, parfois même aux niveaux personnel et familial, sont plus profonds qu’ils n’apparaissent à première vue. Et cela se confirme au fil des ans, surtout au cours des dernières années, avec des flux réciproques de délégations officielles, économiques ou de simples touristes, y compris aussi grâce à l’action des représentations diplomatiques respectives. Pour favoriser une telle connaissance réciproque, l’action des médias et surtout de la télévision et de la presse est absolument prioritaire. D’ailleurs dans ce secteur aussi, nous avons passé des accords entre les deux agences d’Etat qui commencent à porter du fruit.

 

 

 

Propos recueillis par Lucien Mpama

Légendes et crédits photo : 

Andréa Mazzella

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