Forum de Bangui : des victimes et bourreaux assis côte-à-côte

Jeudi 7 Mai 2015 - 18:45

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La grand-messe de paix et de réconciliation inter centrafricaine se poursuit dans la capitale centrafricaine. Une image que personne ne peut espérer voir il y a deux ans, des chefs rebelles de l’ex-séléka et des anti-balaka discutent avec des représentants des victimes chrétiennes et musulmanes autour d'une même table sur le pardon et l’avenir de la Centrafrique.

La rencontre citoyenne de Bangui en cours, telle qu’elle a été recommandée lors du forum de Brazzaville le 23 juillet 2014, vise à mettre autour d'une même table de discussions de paix et de pardon des fils et filles de la République Centrafricaine. Le même texte de Brazzaville appelle les Centrafricains à dépasser les clivages politiques, religieux et ethniques pour parler sincèrement des causes profondes  de cette crise qui n’a fait que trop duré.

Les échanges au sein de la commission justice et réconciliation sont plein d’émotion: Une déléguée de la préfecture de l’Ouham (nord-ouest), une région profondément déchirée par les violences inter communautaires, a dit avoir tout pardonné malgré qu’elle a perdu la moitié des membres de sa famille. « Dans la sous-préfecture de Bouca, il y a eu beaucoup de dégâts. Ce sont les musulmans de la Seleka qui sont venus distribuer des armes et c’est comme ça qu’on a tué au moins 750 chrétiens, brûlé 1 500 maisons. On a tué ma mère, mes parents, mais j’ai décidé de pardonner parce qu’il faut pardonner pour tout recommencer. », a confié Olga Mouté de la sous-préfecture de Bouca.

Le délégué de la Coordination des organisations musulmanes de Centrafrique, Ibrahim Hassan Frédé, avec un ton apaisé et calme, a témoigné des exactions qu’ont subies les musulmans centrafricains notamment ceux de Bangui après la violente attaque du 5 décembre 2013. Il a fait état des pillages et destructions de biens dont ont été victimes les commerçants musulmans. Ibrahim Hassan a appelé malgré tout « ses frères Centrafricains » à pardonner afin de permettre au pays de se reconstituer sur une nouvelle base.

S’il y a un point sur lequel presque tous les acteurs de ce grand rendez-vous semblent s’accorder, c’est la « lutte contre l’impunité et justice ». D’ailleurs la position du président congolais, Denis Sassou-N’Guesso, médiateur dans la crise centrafricaine, est claire sur ce point: « Je voudrais, à ce stade de mon propos, rappeler que la recherche du consensus inclusif à laquelle j’appelle l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile n’est pas incompatible à la justice. Ce n’est pas un appel à l’impunité. », a déclaré ce 4 mai le médiateur international.

Pour Ibrahim, le représentant des musulmans de Centrafrique, le pardon n’exclut pas la Justice: « La justice doit faire son travail de traquer les casseurs. Depuis le 5 décembre, beaucoup de casseurs sont en train de vendre ce qu’ils ont récupéré, et ce au vu de tout le monde. »

Le sous-développement économique mis en cause

Mais cet avis n’est pas du goût de tous les intervenants. D’après la délégation des Anti-balaka, une exemption de poursuites judiciaires est plus conciliante: « Nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des soulèvements populaires. Nous sommes des patriotes. Notre proposition c’est de faire sortir tous les Centrafricains qui se trouvent dans les maisons d’arrêt. », a proposé le commandant de zone des Anti-balaka de la préfecture de l’Ombélla-M’poko, Dieudonné Ouranti.

Les délégués de la région minière de la Sangha, ont eux-aussi pris la parole pour alerter l’opinion sur la nécessité d’une « transparence dans la gestion des ressources publiques ainsi que la répartition des ressources locales au profit de la population locale. » Quant à leurs compatriotes de la préfecture de la Haute-Haute, ils estiment que sans l’énergie, il ne peut pas y avoir un développement véritable en Centrafrique. « Nous recommandons la construction d’un barrage hydroélectrique pour le développement de notre région. », ont soutenu les délégués de cette partie de la RCA.

Les représentants de  Mbomou (sud-est), l’absence de voies de communication enclave la région, et empêche tout processus de développement. Ils réclament à cet effet, « la réhabilitation de l’axe Bangui-Bangassou pour l’écoulement des produits viviers et la prise en charge des victimes de cette crise. » La même demande est formulée par les ressortissants de la région de Vakaga (extrême nord-est) à environ 1500 km de Bangui.

Il est indispensable, selon le délégué des réfugiés du Tchad, de procéder au rétablissement de l’impôt de capitation pour booster le Centrafricain à « prendre conscience de son identité ». Il explique par le fait que les Centrafricains n’aiment pas leur pays : « l’incivisme, la manipulation politique, la trahison, la corruption » sont à l’origine de ce chaos.

La clôture de ces pourparlers inter centrafricains interviendra le lundi 11 mai prochain, en présence de plusieurs représentants de la communauté internationale et du médiateur international,  Denis Sassou NGuesso.  

 

 

 

 

Fiacre Kombo