Infrastructures : le projet Grand Inga vu comme une compromission de la souveraineté électrique de la RDC

Samedi 3 Décembre 2022 - 12:34

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

La Coalition d'organisations non  gouvernementales pour le suivi des réformes de l'action publique (Corap) et d'autres organisations membres de la coalition Toboyi molili ont organisé, le 2 décembre à Kinshasa, un café-presse à l’intention des professionnels des médias. L'activité a permis de partager des informations sur l’évolution du contexte en rapport avec le projet d’aménagement du fleuve Congo (Grand Inga), l’ambition étant de susciter un vrai débat de société sur les enjeux de ce projet avec le développeur Fortescue future industrie (FFI).

Les journalistes ont été entretenus par Erick Kasongo sur l’« Evolution institutionnelle du projet d’aménagement du fleuve Congo, quid de la production de l’hydrogène à travers le grand barrage, cas de la RDC (Grand Inga) ». Serge Ngimbi, pour sa part, a tablé sur l’« Identification des zones susceptibles d’être impactées pendant et après le développement » dudit projet, alors que Justin Mobomi a parlé de l’« Accord officiel entre le gouvernement congolais et la firme australienne FFI ».

Tous ces exposés et le débat modéré par Pascaline Zamuda ont relevé les désavantages que présente ce projet pour le pays et sa population ainsi que des zones d’ombre qui continuent à l'entourer.Tout en relevant la nébulosité du contrat signé par le gouvernement congolais et la firme australienne, Erick Kasongo, de la coalition Toboyi molili,  a également noté que l’exclusivité de ce contrat pose problème.

S’agissant des enjeux mondiaux de l’hydrogène, il a clairement relevé que le projet Grand Inga n’est pas bénéfique pour les Congolais, étant donné que l’utilisation de l’hydrogène pour la population n’est pas assurée et que le courant que ces infrastructures devraient produire était destiné à l’extérieur, laissant cette population dans le noir. « Ce projet vise à satisfaire la demande des Européens, dans le cadre du green deal européen, alors que l’économie de l’hydrogène vert n’est pas encore devenue mature », a-t-il dit.

D’une matière synthétique, il a donc été relevé que l’hydrogène vert est présenté comme une solution miracle alors qu’il contient beaucoup d’inconvénients ; les rendements sont faibles et il présente beaucoup de risques d’accidents, de nombreux verrous sur le prix de ce produit, etc. La rentabilité de l’hydrogène vert de ce projet Grand Inga est donc incertaine.

Un contrat qui viole les lois du pays

Justin Mobomi, pour sa part,  a regretté l’acceptation par le gouvernement congolais de plusieurs projets en bloc sans appels d’offres. « La convention signée avec FFI est contraignante pour la partie congolaise alors qu’elle contient des intentions déjà boudées à cause de leur caractère », a souligné cet activiste de la société civile.

Pour lui, il est reproché à ce projet la violation de la loi sur la passation des marchés, les exclusivités accordées notamment à FFI, le risque politique élevé, les impacts sociaux et environnementaux, le silence autour de l’eau à prélever pour la fabrication de l’hydrogène et les matières premières à utiliser. « La convention montre qu’il y aura beaucoup de lois qui seront violées dont la Constitution de la RDC », a-t-il souligné.

Selon la cociété civile, FFI brandit certains avantages pour la République démocratiquedu Congo (RDC) qui ne sont pas avérés, étant donné que le pays devra rembourser tout l’argent investi dans ce projet. Il s’agit notamment de la formation des Congolais et des petites et moyennes entreprises. La RDC aura des revenus grâce au partage des productions alors qu’il n’y a aucun document signé dans ce sens, et que 40 % d’investissements seront dépensés. « Il y a beaucoup de doute que le pays gagne dans ce projet », a insisté Justin Mobomi.

Dans un exposé technique, Serge Ngimbi, lui, a démontré que ce projet aura beaucoup d’impacts en amont et en aval sur l’environnement et sur le plan socio-économique. Il s’agit des inondations, l’appauvrissement du sol, la disparition d’espèces animales et végétales, la destruction des zones de reproduction des poissons, la réduction de la vitesse d’écoulement d’eau, la modification des milieux de vie des poissons et de la morphologie du fleuve (source potentielle de conflit avec le Congo-Brazza), ainsi que la pollution avec la production des méthanes, la délocalisation et la perte des terres pour les communautés, la perte des valeurs culturelles et traditionnelles, la montée de la pauvreté, l’exode rural, etc., sources potentielles des conflits avec l’Angola.

Appel à tourner le regard vers d’autres alternatives

Face à ces réalités, le gouvernement congolais est appelé à tourner son regard vers d’autres alternatives. Réagissant à la rencontre du 30 novembre à Kinshasa entre le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, et la directrice générale de FFI, au cours de laquelle il a été annoncé le démarrage imminent des travaux préparatoires de ce projet, la coalition Toboyi molili a réitéré ses inquiétudes, notant que de nombreux préalables ne sont pas encore accomplis. Il s’agit, selon elle, de la présentation des études sociales et environnementales.

Cette coalition exhorte, à cet effet, le Premier ministre à ne pas se précipiter à signer le contrat en rapport avec ce projet d’aménagement stratégique et de s’assurer que ceux qui ont déjà été signés l’ont été avec l’implication de toutes les parties prenantes étroitement concernées.

Elle exige également la divulgation des études de faisabilité développées dans le cadre des différents contrats qui seront signés en faveur de FFI pour les centrales à construire à Inga, Matadi et à Mpioka, avant la signature de tout contrat. La coalition s’attend à ce que les avantages et impacts socio-environnementaux et économiques de l’hydrogène vert à produire soient préalablement décrits de façon claire à la population et à toutes les parties prenantes intéressées au projet Grand Inga. Elle exige, enfin, le partage et la divulgation de différents contrats envisagés dans le cadre des centrales hydroélectriques et géothermiques à construire par FFI et l’implication de ces parties prenantes. En outre, cette coalition dénonce toute signature d’un addendum sur le contrat susmentionné en faveur de FFI avant la mise en place de l’ensemble des préalables et de façon transparente.

Lucien Dianzenza

Légendes et crédits photo : 

1- Vue des participants au café-presse /Adiac 2- La lecture de la déclaration de la société civile /Adiac

Notification: 

Non