Interview. Antoinette Sassou N’Guesso : « L’éducation est un levier incontournable de l’harmonie d’une société, de son épanouissement et de son développement »

Mercredi 15 Juillet 2020 - 13:00

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La revue Women Sports Africa, créée par le groupe Sport Business, vient tout juste de lancer un magazine, Women Sports Africa, qui est diffusé dans vingt-six pays d’Afrique francophone.  Au cœur de son premier numéro figure une interview de la première dame du Congo, Antoinette Sassou N’Guesso, réalisée par le président du groupe, Bruno Lalande, qui nous a autorisé à la publier intégralement dans nos colonnes.

Bruno Lalande (B.L). Vous avez été élue l’an dernier présidente de l’Opdad. Quelles sont les origines de votre engagement pour cette cause ? Que peuvent (et doivent) faire les Premières dames pour l’Afrique ?

Antoinette Sassou N’Guesso (A.S. N’G) : L’Opdad est l’aboutissement d’une trajectoire initiée en 2002 à Genève dans la lutte contre le VIH-sida. En effet, jusqu’en 2018, notre organisation s’appelait Organisation des premières dames d’Afrique contre le sida en sigle Opdas. Nous pensions, avec nos partenaires d’Onusida, qu’il fallait qu’il y ait une incarnation sociétale de ce combat et les Premières dames dans leurs pays respectifs pouvaient symboliser cette incarnation. Au fil des ans, l’Opdas a gagné en crédibilité et beaucoup de partenaires ont pu mesurer les effets positifs de notre implication dans ce combat. De proche en proche, cette crédibilité a conduit plusieurs personnes à croire que nous pouvions élargir notre périmètre d’intervention. Certaines d’entre nous avaient déjà dans leurs pays respectifs des actions spécifiques dans plusieurs domaines. Et en 2018, nous avions donc envisagé de faire ce saut qualitatif. L’Opdad qui a succédé à l’Opdas est donc une réponse aux attentes plus larges de nos populations et de nos partenaires, dans des domaines aussi variés que les maladies non transmissibles, l’égalité des sexes, l’autonomisation économique des femmes... C’est donc ce challenge de l’élargissement que nous devons relever aujourd’hui.

Nous sommes, nous premières dames, des caisses de résonance des attentes des populations. Et nous essayons, autant que faire se peut, de plaider auprès des autorités et des partenaires au développement les problématiques qui touchent au quotidien de ces populations et parfois d’accompagner l’action des gouvernements ou des partenaires, dans la mobilisation des ressources et dans la mise en œuvre des solutions adoptées.

B.L : Le plan stratégique 2019-2023 de l’Opdad insiste sur : la réduction des nouvelles infections au VIH et de la mortalité due au sida et aux maladies non transmissibles ; l’égalité des sexes ; l’autonomisation des femmes et des jeunes ; la santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile ; la sécurité sociale et la protection sociale. Quelles sont les priorités de l’Opdad en termes d’action et comment les financer ?

A.S. N’G : Comme vous le soulignez, notre plan stratégique intègre plusieurs dynamiques et toutes ces dynamiques sont prioritaires. Vous devez savoir que notre rôle est un rôle de plaidoyer. Par nous-mêmes, nous n’aurons jamais assez de ressources pour répondre aux attentes des populations. L’Opdas hier et l’Opdad aujourd’hui sont des lieux de définition de nos plaidoyers en direction des Etats et des partenaires au développement. Et nous veillons à ce que ces problématiques figurent toujours dans les agendas des Etats et des partenaires. Notre plan stratégique qui recoupe les préoccupations des Etats et des partenaires au développement se décline au niveau de chaque Etat en plan d’action annuel sur l’une des thématiques ou sur l’ensemble. Nous venons en complément des préconisations adoptées au niveau de l’Union africaine ou de chaque pays, en essayant donc de faire avancer les choses par notre vigilance et nos plaidoyers.

B.L : Revenons plus particulièrement sur l’objectif d’égalité des sexes. Quelles initiatives l’Opdad soutient-elle sur cette thématique ? Pensez-vous que le sport peut être un puissant vecteur d’égalité Femmes-Hommes et de mixité ?

A.S. N’G : Notre organisation a pu faire adopter par l’Union africaine, dans le cadre de l’égalité des sexes, une résolution portant sur l’interdiction des mariages forcés des jeunes filles mineures. Aujourd’hui, nous avons à cœur de dénoncer les violences basées sur le genre, parce qu’il n’est pas normal dans le monde actuel qu’une partie du genre humain ait droit de vie ou de mort sur l’autre. Nous allons continuer à porter notre voix pour que les jeunes femmes puissent accéder à l’autonomie économique et qu’elles soient reconnues comme actrices incontournables du développement de notre continent. Cela prendra certes du temps parce que les habitudes ont la vie dure, mais l’égalité juridique des sexes est un combat qui vaut la peine d’être mené et l’Opdad s’y attelle.

Concernant le sport, je suis convaincue que c’est un facteur d’épanouissement de l’être humain, de tolérance et de partage. L’exemplarité induite par la carrière des sportifs et des sportives ne peut, de mon point de vue, que contribuer à renforcer la mixité et, in fine, aboutir à une éventuelle égalité formelle des sexes. A ce titre, je voudrais donc féliciter votre initiative à travers la création de ce magazine, et je vous souhaite plein succès. Je pense que les premières dames de l’Opdad pourront compter dans le futur sur votre magazine, pour donner une image dynamique des femmes africaines.

B.L : Vous avez été institutrice. Diriez-vous que l’éducation est la meilleure des armes pour le développement ?

A.S. N’G : C’est une évidence que de se battre pour une éducation plus large et de qualité pour nos enfants. Je ne voudrais pas enfoncer une porte ouverte en disant que le capital humain est la source de tout développement. Il y a certes des inégalités aujourd’hui dans certains de nos pays, dans l’accès à l’éducation surtout pour les jeunes filles. Mais nous constatons avec plaisir que cet écart est en train de se combler grâce aux politiques volontaristes de nos pays en la matière. Si toute une classe d’âge, tous sexes confondus, parvenait à obtenir une éducation de qualité, je suis convaincue que nos pays en tireraient des bénéfices substantiels. L’enseignante que j’ai été, j'ai toujours placé l’accès à l’éducation comme levier incontournable à l’harmonie d’une société, à son épanouissement et à son développement.

 

Les Dépêches de Brazzaville

Légendes et crédits photo : 

Antoinette Sassou N'Guesso, première dame du Congo/ DR

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