Interview. Félix Tshisekedi : « L’alternance aura lieu parce que c’est la volonté du peuple »

Samedi 6 Février 2016 - 15:24

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Félix Tshisekedi est le secrétaire exécutif chargé des relations extérieures de l'Union pour la démocratie et progrès social (UDPS), parti cher à Étienne Tshisekedi. Pour lui, le plus grand défi reste la réussite de l’après-alternance. 

Les Dépêches de Brazzaville : La rencontre entre Étienne Tshisekedi et Édem Kodjo n’a pas changé la position de l’UDPS par rapport au dialogue. Pourquoi ?

Félix Tshisekedi : Notre position d’avant la rencontre n’a pas du tout évolué après la rencontre. Nos attentes vis-à-vis du dialogue sont liées à une alternance pacifique et démocratique afin d’avoir un processus électoral stable, des élections crédibles et une Céni crédible. Nous n’avons pas pu obtenir toutes ces garanties après nos discussions. Dans ce cas, on ne pouvait que rejeter ce dialogue car nous avons bien compris que c’est un dialogue dont l’objectif est de positionner Joseph Kabila.

LDB : Édem Kodjo ne va-t-il pas consulter l’autre partie et revenir à nouveau vers vous ?

FT : L’UDPS n’a pas fermé la porte et lui non plus. Il a dit qu’il reviendra éventuellement. Mais c’est un homme averti, un grand homme d’État qui sait très bien qu’avant de revenir, il doit avoir des propositions concrètes et consistantes. Il connaît nos desiderata. Il reviendra sûrement mais il n’a pas dit quand ni comment.

LDB :  L’UDPS a écrit à la présidente de la Commission de l’Union africaine, Mme Zuma. Avez-vous reçu une réponse à ce sujet ?

FT : Nous n’avons pas reçu de réponse de Mme Zuma, mais nous avons reçu un émissaire, M. Kodjo. L’UDPS n’est pas contre le dialogue. Mais nous sommes contre le dialogue de Joseph Kabila. Pour nous, le dialogue doit être l’initiative prise par la communauté internationale à travers l’accord-cadre. Le dialogue de M. Kabila a déjà été organisé en septembre 2013 sous le nom de concertations nationales et on sait tous comment cela s’est terminé. Pour l’UDPS, le dialogue équivaut à préparer l’alternance, c’est-à-dire le départ de M. Kabila, démocratiquement et dans le calme et d’avoir un processus électoral crédible, le tout dans le respect des délais constitutionnels. Il n’est pas question d’un autre schéma.

LDB :  L’opposition aujourd’hui est plurielle. Mais vous avez des échanges avec d’autres opposants. Sera-t-elle en mesure de présenter un candidat unique lors des prochaines élections ?

FT : L’essentiel n’est pas d’avoir nécessairement un candidat unique d’autant plus que dans le contexte actuel, le problème ne se posera plus car M. Kabila ne pourra plus se représenter. Il n’y aura même plus besoin de se liguer. La voie sera ouverte pour tout le monde et je suis certain que son camp va s’affaiblir considérablement. Le plus important est plutôt de crédibiliser le processus électoral. Nous avons des échanges au niveau de l’opposition et ce n’est pas exclu non plus qu’un de ces jours, vis-à-vis de la situation à laquelle nous faisons face, que nous puissions former ce même bloc avec un leader derrière lequel nous nous rangerons. C’est une chose dont nous discutons également.

LDB : Ce bloc n’est-il pas le Front citoyen auquel l’UDPS n’est pas partie prenante ?

FT : Le Front citoyen est plus une initiative de la société civile. Dans notre cas, il s’agira d’un front politique, même s’il ne serait pas différent du Front citoyen au niveau des objectifs.

LDB : Au niveau de l’opposition politique, quels sont aujourd’hui vos points de divergence et de convergence ?

FT : Nous divergeons au niveau de la démarche. Certains collègues pensent que par un dialogue, il n’est pas possible d’obtenir quoique ce soit de M. Kabila, parce qu’il veut avant tout le glissement. Mais nous leur rétorquons que pour qu’il obtienne ce glissement, il faut que nous y consentions. Or, ce n’est pas le cas. Nous voulons un dialogue où nous allons obtenir son départ et lui permettre de partir avec les honneurs et donc de préparer l’alternance par un processus électoral crédible. Avec les pressions internes et externes, si nous faisons bloc et que nous pesons dans la balance, il y a moyen d’inverser les rapports de force et d’obliger M. Kabila de respecter la Constitution. C’est la meilleure voie car elle est pacifique.

LDB : L’UDPS souhaite un dialogue organisé par la communauté internationale. Quelles sont les démarches que vous entreprenez à ce sujet et vous sentez-vous écoutés par les membres de cette communauté internationale ?

FT : Nous avons des échanges permanents au Congo et à l’extérieur du pays. Ils sont très attentifs à la situation et ils se montrent aussi de plus en plus pressants. Nous sommes déjà en 2016, mais rien ne laisse penser que nous aurons des élections cette année en novembre. S’il n’y pas d’élections, toutes les institutions vont tomber dans l’illégalité. C’est une situation à éviter et il faut anticiper les choses. La communauté internationale est à nos côtés pour le faire. La visite de M. Kodjo rentre dans ce cadre car c’est une initiative de l’Union africaine. C’est la preuve qu’elle se soucie de la situation au Congo et nous l’en remercions. Mais c’est aux Congolais de faire l’essentiel.

LDB : Quelle est la situation actuelle à l’UDPS. Le parti est confronté à des frondeurs et il y a même une plainte qui a été déposée contre Étienne Tshisekedi.

FT : ce ne sont pas des frondeurs mais plutôt des perturbateurs. Dans les partis sérieux, la fronde se situe au niveau idéologique ou de l’orientation politique du parti.  Dans le cas qui nous concerne, il s’agit plutôt d’un acharnement et d’un opportunisme. Acharnement gratuit sur le président du parti parce qu’ils sont tombés en disgrâce à ses yeux et de l’opportunisme parce qu’ils pensent que le président est affaibli par la maladie et qu’ils doivent se positionner pour une reprise en mains du parti. Mais leurs motivations n’aboutiront pas. C’est une tempête dans un verre d’eau. Leurs agitations s’arrêtent en Belgique et n’ont aucun impact au Congo.

LDB : Qu’en est-il de la plainte déposée contre le président de l’UDPS ?

FT : Je ne saurai rien vous dire à ce sujet. Jusqu’aujourd’hui, nous ne sommes même pas au courant des noms des plaignants. Notre avocat a même tenté d’obtenir ces noms auprès de la partie adverse. On sait juste que c’est une plainte qui a été déposée en novembre. À part le président, on ignore qui sont les autres membres de famille cités dans cette plainte. Nous laissons la justice faire son travail, mais nous sommes confiants quant à l’issue de cette procédure car nous sommes dans un État de droit. Je pense même que nous obtiendrons une réparation face à cette tentative de vouloir souiller l’image et la réputation du président et de sa famille.

LDB : Comment se porte Étienne Tshisekedi aujourd’hui ?

FT : Il va très bien et il n’y a plus d’inquiétudes sur son état de santé. Il multiplie les sorties et les contacts et c’est lui qui a conduit notre délégation pour recevoir M. Kodjo. Il va de mieux en mieux. Son retour est prévu à Kinshasa, mais cela dépendra des évènements qui auront lieu au pays. Par évènements, j’entends soit le dialogue soit le congrès que nous sommes en train de préparer. C’est en fonction d’une des deux dates qu’il va préparer son retour au pays.

LDB : Quand le congrès est-il prévu et quel en sera le contenu ?

FT : La commission préparatoire travaille sur le sujet et nous fixera la période en fonction notamment de la logistique. Ce sera le deuxième congrès du parti. Il servira à faire un état des lieux du parti et fera l’évaluation de la situation depuis le premier congrès, en termes d’options levées. Le congrès servira également à mettre le parti en ordre de bataille par rapport aux échéances à venir. Nous avons beaucoup de motifs d’inquiétude par rapport au mois de novembre où nous devrions en principe organiser des élections au pays. Il faut également que l’on lève les options face à cette situation. C’est un congrès très déterminant.

LDB : Au regard du climat politique actuel, êtes-vous optimiste quant à l’issue du processus démocratique et électoral au Congo ?

FT : Je suis très optimiste, car c’est pour la première fois que je vois tous les Congolais vouloir une alternance, hormis quelques individus pour des intérêts. Cette alternance aura lieu parce que c’est la volonté du peuple et la voix du peuple c’est la voix de Dieu. Pour la première fois aussi la communauté internationale, d’un seul bloc, est d’accord avec le peuple. C’est deux éléments-clés qui n’ont pas jamais été au même diapason dans l’histoire du Congo. Le plus dur qui reste à faire est de préparer l’après-alternance. Il faut que ça réussisse. Les gens se focalisent uniquement sur le départ de Kabila. Ce n’est pas l’unique solution. Il doit partir et bien partir, dans le respect et dans l’honneur. Mais il faut aussi que l’alternance réussisse. Les élections qui doivent précéder la succession de Kabila doivent aussi réussir. Il faut éviter les tensions et les frustrations comme en 2011 sinon le pays ne pourra pas décoller. Après les élections, nous aurons besoin de tous les Congolais pour faire avancer le pays. C’est ça le plus grand défi.

Patrick Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Félix Tshisekedi à Bruxelles

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