Interview. Junior Kayembe : « Le plus grand apport de ce programme est la mise en réseau des jeunes africains »

Lundi 11 Août 2014 - 19:00

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Junior Kayembe N’kashama fait partie des cinq cents  jeunes leaders africains, dont douze Congolais, sélectionnés par le département d’État américain dans le cadre du programme « Young african leaders initiative » (Yali) et qui se sont entretenus avec Barack Obama, en marge du sommet États-Unis-Afrique à Washington. Il fait également partie des cent jeunes qui poursuivent un stage de deux mois dans le Center for international private enterprise.

Les Dépêches de Brazzaville : Pourriez-vous nous décrire votre parcours académique et professionnel ?

Junior Kayembe : je suis détenteur d’une licence en droit privé et judicaire. Sans emploi formel pendant deux ans après mes études, j’en ai profité pour mettre en valeur mes talents d’artiste. J’ai eu l’opportunité de tourner avec mon groupe dans l’Afrique des Grands lacs. Finalement, avec l’aide des amis, j’ai monté une ONG qui œuvrait pour la promotion et l’encadrement des jeunes artistes. De là, j’ai été embauché par une ONG internationale et, par la suite, recruté par concours pour le programme « Jeunes professionnels » initié par le gouvernement en vue du rajeunissement de la Fonction publique et dont le critère de préqualification était d’avoir eu ses diplômes universitaires avec la mention distinction.  Depuis, j’exerce comme chargé de passation des marchés dans une institution publique.

LDB : De quelle manière avez-vous été sélectionné dans le programme Yali ?

JK: C’est dans le milieu professionnel que j’ai entendu parler du programme « Young African Leaders Initiative », initié par le Département d’Etat américain visant à inviter aux USA, après concours,  cinq cents jeunes en vue d’une formation en business et entrepreneuriat, l’engagement civique et la gestion des affaires publiques. La formation a été dispensée dans vingt des meilleures universités de ce pays. Pour être présélectionné, il fallait postuler en ligne en complétant un formulaire qui, en plus de l’identité, requérait de produire trois essais. Le premier devait dire de quelle manière vous avez contribué à un changement dans votre milieu professionnel ou communautaire, le deuxième devait présenter comment le postulant pense utiliser les compétences acquises grâces à ce programme et le dernier devait comporter les arguments du candidat sur l’impact du stage sur l'amélioration de sa manière de travailler dans le futur. Seuls cent candidats parmi les cinq cents sectionnés étaient susceptibles d’être retenus pour le stage. Et j’ai l’honneur d’en faire partie. Et c’est la raison pour laquelle, après le retour de la plupart des autres « Fellows », je reste pour un stage de deux mois à Washington dans le « Center for International Private Enterprise » .Pour revenir à la sélection, un mois après avoir postulé par écrit, j’ai comme 800 autres jeunes congolais reçus un mail m’invitant à venir passer l’interview. C’est au moment de l’interview que nous avons appris que nous avons été 60 000 jeunes africains à postuler sur toute l’étendue de l’Afrique dont mille deux cents Congolais. Et finalement, seuls douze Congolais ont été sélectionnes dont deux pour un stage. Il est à noter que tout s’est déroulé en Anglais.

LDB : Que retenez-vous de cette expérience américaine ?

JK: j'en sors grandi sur le plan humain, intellectuel et professionnel. Sur le plan humain, voyager est déjà une expérience en soi. D’où, venir aux USA a été une occasion d’apprendre sur comment les choses se font ailleurs juste  en observant. D’autre part, sur le plan intellectuel, je me suis construit. Les cours étaient d’un excellent niveau avec une claire emphase sur la pratique et la théorie. J’ai énormément appris en termes de gestion de « public management »  dans l’une des meilleures universités des USA, l’Université du Minnesota. J’ai retenu le concept de « Grand Challenge » et j’ai compris que la plupart  des défis auxquels notre pays fait face en portent la caractéristique, vue leur complexité et le fait qu’ils  requièrent une expertise diverse et le concours de tous pour y faire face et ainsi réaliser le bien-être commun. Enfin, sur le plan professionnel, car je travaille dans une organisation américaine qui évolue selon des normes modernes de gestion. C’est une excellence occasion pour moi d’acquérir un autre savoir-faire qui me servira à mon retour au pays. Aussi surprenant que cela vous paraîtra, ce programme m’a permis de découvrir l’Afrique ! Je n’avais jamais eu l’occasion de rencontrer autant de jeunes africains de différentes nationalités et culture . Et surtout, cela m’a renforcé dans ma conviction que l’Afrique s’en sortira. En effet, j’ai rencontré d’autres jeunes avec des parcours impressionnants malgré leur âge. Et c’est cette qualité des jeunes dont ce continent a besoin pour s’en sortir. Au-delà de ce qui précède, ce programme m’a permis de rencontrer de hautes personnalités des USA. Je me suis retrouvé à quelques mètre de Barack Obama, j'ai serré la main de Michelle Obama, parlé à John Kerry, discuté avec le congressman Keith Ellison, et j'ai eu comme enseignants des grands intellectuels de ce pays. Mais l’important n’est pas seulement de les avoir rencontrés mais également d’apprendre d’eux en les entendant parler des défis auxquels ils ont fait face avant d’arriver ou ils sont aujourd’hui. Il n’y a pas de meilleure leçon.

LDB : Comment comptez-vous mettre cette expérience au service de la RDC ?

JK: Le pays ne peut que profiter de ce programme.  En premier, ma manière de travailler va sensiblement s’améliorer grâce à l’expertise acquise via ce programme. D’autre part, je compte partager cette expérience autant que possible avec mes pairs ainsi que tout jeune avec lequel je pourrais interagir.

LDB : Quel a été, selon vous, l’importance de ce programme ?

JK: Le plus grand apport de ce programme est  la mise en  réseau des jeunes africains épris de l’idéal d’apporter le changement sur le continent. Ce jeunes, reliés entre eux en réseau, constituent une force qui peut faite mouvoir des montagnes. Donc, je soutiens à 100% cette initiative qui consiste à créer des réseaux de proximité dans le grand réseau composé de tous les jeunes africains qui, il faut le signaler,  renferment même, les jeunes qui n’ont pas été sélectionnés mais qui se sentent motivés pour apporter le changement dans le sens du bien-être de leur communauté.

LDB : Avez-vous un message pour la jeunesse congolaise ?

JK: La jeunesse congolaise peut substantiellement contribuer au développement du pays en commençant par se rendre compte que c’est elle le levier qui amènera ce pays à un autre niveau. En premier, vu leur nombre (70% de la population) et en second vu l’effet du temps. Un jour ou l’autre les rênes de ce pays  leur échoiront. La question est de savoir, le moment venu, ce qu’ils feront pour ne pas subir les critiques que nous ne nous privons pas de formuler à l’encontre des aînés. Pour ce faire, des séances de sensibilisation et surtout de renforcement de capacité en termes de leadership seront nécessaires. Malgré les défis auxquels nous faisons face, nous pouvons améliorer les choses grâce à notre volonté.

Dani Ndungidi

Légendes et crédits photo : 

Junior Kayembe lors de la rencontre avec Barack Obama