Interview. Kalala Muena Mpala : « Il est temps de traquer les brebis galeuses qui infestent le système judiciaire »

Mardi 22 Octobre 2013 - 20:00

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Coordonateur de la cellule chargée de la réforme de la justice au cabinet du ministre de la Justice et des droits humains, cet avocat chevronné pose le diagnostic du secteur qui est le sien et tente d’en dégager des pistes de solution à la lumière des recommandations issues des concertations nationales. 

Les Dépêches de Brazzaville : Le chef de l’État répond ce mercredi devant le congrès aux préoccupations des concertateurs. Quelles sont vos attentes sur le plan judiciaire ? 

Kalala Muena Mpala : Une fois encore, la justice a été mise au ban des accusés lors des concertations nationales. Je pense que pour l’intérêt supérieur de la Nation, de ses habitants et des sujets étrangers qui ont choisi la RDC comme leur seconde patrie, Joseph Kabila va marteler sur le fonctionnement de la justice par rapport à sa mission telle que définie dans l’article 34 de la Constitution. Le chef de l’État reviendra sans nul doute sur ce qu’il avait dit aux magistrats en 2010 lorsqu’il avait reçu la génération dite de la tolérance zéro. Il avait déclaré à leur intention ce qui suit : « Soyez des magistrats dignes et intègres, sans chapelle tribale ou politique, respectueux des principes moraux, éthiques et déontologiques. Soyez des magistrats qui n’ont peur que de Dieu et de la loi, mais qui font peur à tous ceux qui enfreignent cette dernière, qu’ils soient Congolais ou étrangers, citadins ou ruraux, riches ou puissants. C’est à ce prix que vous mériteriez de la Nation ainsi que d’entrer au panthéon des bâtisseurs du Congo ». Cette recommandation du chef de l’État était une orientation, ou mieux une sorte de lampe témoin censée guider les pas non seulement de ces jeunes magistrats, mais de toute la corporation qui était censée changer de mentalité et de comportement dans le sens de booster la vie de la Nation.

LDB : Pensez-vous que cette recommandation ait été suivie d’effet dans son exécution ?

KMM : En 90%, j’estime pour ma part que les avocats et les magistrats n’ont pas évolué par rapport à cette vision du chef de l’État. En témoignent l’exposition ou l’énonciation dans les actes qu’ils rédigent, des faux en droit, des fausses qualités de leurs clients, des faux documents produits en justice pour obtenir des jugements ou arrêts, titres qui leur permet d’aller attenter aux propriétés individuelles, des particuliers congolais ou étrangers, et surtout des investissements réalisés en RDC. Et ces jugements sont toujours revêtus de la formule exécutoire qui veut que c’est le chef de l’État qui en donne l’ordre. En lisant certaines de ces décisions, on se rend à l’évidence qu’il s’agit des faux en écriture, des escroqueries aux jugements rendus au nom du chef de l’État qui n’en connaît ni les tenants ni les aboutissants. Aussi bien les nationaux que les étrangers, chacun tient à la propriété individuelle, chacun tient à la protection de ses investissements. Et la justice en tant qu’instrument ou socle de développement, elle est appelée à fonctionner conformément à la vision du chef de l’État en tant que garant des institutions de la République. Chacun des magistrats a reçu, à cet effet, la mission de dire le droit conformément à la loi.  

LDB : Dès lors, que faire pour assainir le secteur judiciaire du pays ?

KMM : C’est avec raison que les concertateurs ont mis au ban des accusés les animateurs de la justice, en ce compris les animateurs du Barreau. C’est sera la énième fois que Joseph Kabila va parler de la justice. Nous espérons que cette fois-ci, on va passer aux actes. Les magistrats qui se livrent à couvrir le faux doivent être extirpés de la magistrature. De même, les avocats qui convoient des faux en droit devront être démasqués et éventuellement traduits devant les instances compétentes. Il est temps de traquer tous les brebis galeuses qui infestent le secteur judiciaire. Quitte aux différents organes mis en place par la loi de prendre leurs responsabilités à l’instar du Conseil supérieur de la magistrature que je souhaiterai être composé autrement qu’avec les seuls magistrats qui se protègent entre eux. Il faudrait incorporer dorénavant d’autres citoyens tels que les représentants du peuple (députés et sénateurs juristes), avocats de bonne moralité, magistrats retraités, professeurs d’université, etc. 

LDB : Fini donc le règne de l’impunité ?

KMM : Évidemment. Je pense que nous devrions nous approprier les résolutions des concertations nationales et les décisions qui en découlent pour les traduire en terme non seulement d’application, mais aussi de dénonciation tel que recommandé par Joseph Kabila dans son discours du 31 décembre 2003. Toute victime d’un déni de justice a le devoir patriotique de dénoncer, lorsque les preuves sont évidentes,  les avocats et les magistrats corrompus quel que soit le niveau dans lequel ils exercent leurs fonctions. Nul n’est au-dessus de la loi.                       

LDB : La Cour constitutionnelle en gestation devra-t-elle aussi obéir à la même logique ?         

KMM : C’est une juridiction très importante vue qu’elle entend se prononcer sur des conflits spécifiques. Pour ce faire, elle devra être composée des gens probes par ce qu’ils auront à prêter serment de respecter la Constitution et les lois de la République. Voilà pourquoi nous devons surveiller le Conseil supérieur de la magistrature pour que les personnes qui seront désignées dans cet organe soient réellement dignes et intègres.

LDB : Votre mot de la fin...  

KMM : Nous devrons avoir espoir dans notre pays et nous impliquer dans la vision du chef de l’État, nous en approprier et l’utiliser comme un instrument dans notre vécu quotidien pour que la justice congolaise puisse être respectée et que ses animateurs soient pris en considération de sorte que demain, nous puissions dire à la suite de Grand Kallé, « Congo eza pe na bana ya mayele ».

 

Alain Diasso