Interview. Tony Bolamba : « Le pays a beaucoup des priorités dont les réformes électorales ».

Mercredi 24 Mars 2021 - 16:42

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C’est un regard d’analyste que Tony Bolamba porte sur la situation sociopolitique de son pays dans l’entretien qu’il a récemment accordé au Courrier de Kinshasa. Aucun sujet d’actualité n’a échappé à l’ex-gouverneur de l’Equateur qui, dans un franc-parler manifeste, a livré le fond de sa pensée sur la conduite des affaires de l’Etat tout en assumant ses opinions et convictions. De la pandémie du coronavirus aux tergiversations qui entourent la publication du gouvernement en passant par l’insécurité à l’Est, les réformes électorales, la mandature africaine de Félix Tshisekedi, etc., tout était passé au crible dans cette entrevue qui reflète la personnalité de l’initiateur du Mouvement pour le Congo (Moco). 

Courrier de Kinshasa : La République démocratique du Congo vient, à la suite de plusieurs Etats du monde, de surseoir l’administration du vaccin AstraZeneca. Pensez-vous que cette décision soit salutaire pour préserver la santé de la population congolaise ?

Tony Bolamba : Tout gouvernement a le droit de protéger la santé de ses concitoyens.

C.K : Et quel est votre avis sur l’approche utilisée par les pouvoirs publics dans la lutte contre le coronavirus ?

T.B : J'avais déjà fait des propositions claires. Cette pandémie n'a pas que des conséquences sanitaires, ça impacte négativement aussi sur notre économie. Même les pays économiquement forts sont touchés par une crise économique sans précédente, la croissance mondiale en berne... Il faut de l'abnégation...

C.K : Jusqu’à ce jour, la RDC est toujours sans gouvernement. La gestion des ambitions serait, d’après des indiscrétions, la principale source du blocage. Comment contourner la difficulté ?

T.B : Cela dépend de la vision que chacun a pour servir la République. J'ai toujours dit que l'on pouvait servir la République à tout niveau, c'est le sens citoyen. J'ai déjà été élu gouverneur pour servir la République, si demain la République me demandait de la servir ailleurs comme Bourgmestre, Chef du Quartier, Ambassadeur, Dirigeant d'une entreprise de l'Etat congolais, me rattacher au service du président de la République ou d'une autre institution, je servirais la République ! C'est le sens républicain d'une mission d'un citoyen engagé pour servir !

C.K : Pensez-vous que le poids politique évoqué par certaines formations politiques à l’instar de l’AFDC-A pour justifier leur présence au gouvernement soit un critère qui compte ?

T.B : J'avais entendu que dans la composition du gouvernement, pour la répartition des ministères, il fallait avoir huit députés pour un ministère, l'AFDC-A en a quarante et un, faites vous-même le calcul !

C.K : Le gouvernement Sama Lukonde devrait avoir quelle configuration avec quel type de profil des ministres ? Et quelles devraient être ses priorités ?

TB : Je suggère que ceux qui sont impliqués dans les crimes économiques et de sang n'en fassent pas partie. Avant d'être politique, je suis d'abord un fervent partisan des libertés des droits de l'Homme. J'ai un regard particulier sur cette situation et avec notre Association, le Mouvement pour le Congo, nous travaillons sur une liste à remettre au Premier ministre sur certaines situations de l'Equateur... Et quant aux priorités de ce gouvernement, je recommanderais vivement que ça soit un gouvernement d'abnégation, des guerriers pour paraphraser le Président de la République, un gouvernement avec un train de vie modeste, totalement à la baisse pour permettre au pays de faire des économies et financer des projets prioritaires à impact social direct pour nos populations, baisser les rémunérations des membres du gouvernement et créer un fond de solidarité spécial pour augmenter les primes de nos hommes qui sont au front à l'Est afin de les motiver et renforcer ainsi la sécurité et rassurer les investisseurs qui sont au pays et ceux qui souhaiteraient venir chez nous afin de stabiliser les emplois et en créer de nouveaux. Le gouvernement doit également se battre pour la levée de l'embargo sur les armes infligé à notre pays afin de lui permettre de mieux s'équiper et défendre nos populations.

C.K : Une certaine opinion pense que la session parlementaire de mars devrait plus se focaliser sur les réformes électorales. Est-ce aussi votre avis ?

T.B : Le pays a beaucoup des priorités dont les réformes électorales !

C.K : Il est fait état notamment d’une possible suppression du seuil électoral et de l’abandon de la proportionnelle au profit d’un scrutin majoritaire simple. Votre avis à ce sujet.

T.B : L'organisation des dernières élections a démontré ses limites. Je suis totalement contre l'élection du président de la République par suffrage indirect car nous devons donner une légitimité juste au chef de l'Etat qui sera élu. Je suggérais d'ailleurs que toutes les élections soient couplées les mêmes jours afin de connaître qui sera élu comme président de la République, gouverneur, sénateur, député national et provincial ainsi que conseiller communal, bourgmestre et maire.  Je recommanderais vivement qu'aucun candidat ne devait avoir pour suppléant un membre de sa famille biologique directe afin de nous éviter le spectacle désolant auquel nous avons assisté aux élections passées où le père est député national ou sénateur, son fils, sa fille suppléante ou son épouse suppléante, un népotisme à outrance et honteux pour la République.

C.K : Que pensez-vous du recensement, ou mieux de l’identification de la population que certains présentent comme des préalables majeurs à l’organisation des élections en 2023 ?

TB : Il est important que nous puissions avoir le recensement ou l’identification des populations afin de pouvoir connaître le nombre des populations de sorte à permettre l’établissement des cartes d'identité. A ce jour, notre pays reste le seul au monde où le peuple n'a pas de carte d'identité. Avec les outils modernes, recenser les populations en RDC prendra approximativement douze mois si nous mettons en place un mécanisme pour chaque province, territoire et secteur !

C.K : Sur un autre registre, que vous inspire le nouvel statut de Félix-Antoine Tshisekedi en tant que président en exercice de l’Union africaine. Que lui conseilleriez-vous pour mener à bien sa mandature ?

T.B : C'est une bonne chose pour l'Afrique car n'oublions pas que le président de la République vient d'une association politique qui a combattu pendant près de trente-cinq ans pour la démocratie. Comme conseil, je n'ai rien de particulier à lui prodiguer car je pense que le chef de l'Etat est démocrate dans l'âme, donc très bien outillé pour mener à bon port sa mission.

C.K : La rupture de la coalition FCC-Cach était-elle opportune selon vous ?

T.B : Personne ne peut être pour une division, mais il arrive dans la vie qu'une séparation soit importante pour chaque partie. En ce qui concerne l'amélioration du quotidien de la population, observons la gestion de la cité du prochain gouvernement et nous reviendrons vers vous pour nous prononcer !

C.K : A présent que les Etats-Unis viennent d’identifier officiellement l’ADF comme une structure de Daech opérant en RDC, qu’est-ce qui peut fondamentalement changer ?

T.B : Je pense que nous devons renforcer la situation des unités antiterroristes de notre armée. Au temps du Zaïre, nous les  avions eues et je pense que nous avons encore quelques instructeurs antiterro formés en Israël, en Egypte et ailleurs qui peuvent apporter leur expertise pour que nous menions à bien cette lutte. Vu la sensibilité du sujet, en mes grades et qualités, je ferais des proposions concrètes à qui de droit !

C.K : Un mot sur le travail qu’abat l’Inspection générale des finances dans la traque des détourneurs des deniers publics…

T.B : C'est un travail que tout citoyen consciencieux doit applaudir !

C.K : Le social des Congolais continue à tourner en rond sans perspective immédiate d’amélioration. Pensez-vous que l’actuel leadership national aura, à ce sujet, un bilan éloquent à défendre en 2023 ?

TB : Nous ne sommes pas encore aux heures du bilan. Attendons 2023 !

C.K : Comment se porte votre association, la Moco, et politiquement, où vous situez-vous par rapport à la nouvelle configuration politique ?

T.B : Notre association Moco se porte bien et continue de garder un œil citoyen sur toute la situation de la République et du monde comme elle a toujours su le faire ! Bientôt, nous reprendrons nos rencontres républicaines et citoyennes avec les "Peuples citoyens" sur toute l'étendue de la République. Quant à moi, politiquement, je reste membre actif et cadre de l'AFDC où je suis actuellement secrétaire national chargé de la bonne gouvernance après avoir été chargé des stratégies politiques durant notre traversée du désert et batailles politiques aux côtés du Pr Modeste Bahati, l'actuel président du Sénat que j'avais accepté en mon âme et conscience de soutenir avec loyauté à la suite de l'injustice dont l'AFDC fut victime à travers sa personne ! Comme vous le savez, je suis allergique à l'injustice...

C.K : Qu’attendez-vous justement du Pr Modeste Bahati Lukwebo à la tête du Sénat ?

TB : Des signaux positifs comme il a toujours su prouver partout où il a servi la République !

C.K : Votre mot de la fin

TB : Je vous remercie de cette circulation de parole. Personne ne sortira vivant de ce monde et personne ne sortira de ce monde sans payer sa facture, en bien comme en mal. J'ai dit.

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Tony Bolamba

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