Italie : à Lampedusa s’est consumée une immense tragédie qui interpelle les consciences

Jeudi 10 Octobre 2013 - 17:13

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Le Premier ministre italien et le président de la Commission européenne sont allés s’incliner devant les dépouilles des victimes

Dans ce qui était le hall de l’aéroport - à vocation touristique - de Lampedusa, au sud de l’Italie, l’alignement ce mardi de plus de 200 cercueils était un spectacle saisissant qui a fait le tour du monde. « Spectacle » : entre l’émotion sincère ou de circonstance, beaucoup de gestes ont été posés, des paroles prononcées mais peu de chose pour rappeler que derrière chaque chiffre se dissimulait la vie tronquée de quelque jeune Africain parti pour chercher un mieux-être ailleurs. Ce jeudi, soit une semaine après le drame, les plongeurs italiens ont pu remonter à la surface les derniers corps de ces plus de 300 victimes du naufrage de l’embarcation de fortune à bord de laquelle plus de 500 désespérés tentaient de gagner l’Europe depuis les côtes tunisiennes.

« L’immense tragédie de Lampedusa exige de la part de tous une réponse qui ne se limite pas aux condoléances, mais qui cherche les responsabilités et se fasse porteuse d’une proposition courageuse », a déclaré Andrea Riccardi qui, le premier, a demandé que l’Italie organise des funérailles d’État « pour les victimes de cet énième désastre humanitaire ». Et de poursuivre : « Les voyages de l’espoir voués à se conclure dans le désespoir et l’horreur doivent être stoppés dès l’origine (…) La coopération internationale doit s’engager dans l’aide aux pays les plus pauvres d’Afrique et dans les zones de guerre, pour soulager les conditions de vie des populations et prévenir, là où c’est possible, le phénomène migratoire », a affirmé celui qui est le fondateur de la Communauté catholique de Sant’Egidio et qui, jusqu’à il y a peu, était en charge des questions humanitaires et de la coopération au sein du gouvernement de Mario Monti.

Les funérailles d’État ont eu lieu. Premier ministre d’Italie, Enrico Letta est allé s’incliner – s’agenouiller pour la précision ! - devant les cercueils des victimes. Et, sous les sifflets d’une population de Lampedusa particulièrement remontée contre l’abandon de leur île à son sort, il a demandé officiellement pardon pour ces nombreuses morts qui vont bientôt rejoindre le panthéon de cette « globalisation de l’indifférence » que dénonçait déjà sur place le pape François, le 8 juillet dernier. Enrico Letta était accompagné de José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, lui aussi visiblement choqué par la vue de tant de morts.

« L'Europe ne peut pas se détourner » devant un tel drame, a estimé Monsieur Barroso. « Ce genre d'événements ne devrait pas se produire en Europe, il faut des efforts plus poussés, une plus grande coopération entre tous les États membres ». José Manuel Barroso a laissé à Lampedusa une enveloppe de 30 millions d’euros pour aider l’île italienne à faire face. Mais mercredi, le Pr. Riccardi a émis l’espoir que « grandisse en Italie, dans l’Union européenne et dans les pays de la Méditerranée un plus grand sens des responsabilités ; et que soient prises les mesures de nature à faciliter les demandes d’asile pour les réfugiés dans les pays de transit ».

Les gestes posés et les mots prononcés étaient chargés d’une très grande symbolique. Même au niveau des confessions religieuses, coptes orthodoxes, coptes catholiques et catholiques romains se sont unis dans une prière commune mercredi dans la basilique Saint-Pierre de Rome. Des délégués sont venus pour l’occasion d’Érythrée et d’Ethiopie, car la plupart des victimes de Lampedusa venaient de ces deux pays principalement. Maintenant que l’émotion va retomber, la question incontournable dans la presse ce jeudi était de savoir « jusqu’à quand ? ». Car il est sûr que rien n’a été fait en une semaine pour que ces 300 morts soient les dernières d’une épopée où les estimations parlent, hypothèse basse, d’au moins 25.000 morts engloutis par la Méditerranée en une vingtaine d’années.

Lucien Mpama