Libye : des élections sans fondement constitutionnel considérées comme un « projet de dictature »

Jeudi 11 Novembre 2021 - 15:04

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Le forum de membres du Haut Conseil d'Etat et de la Chambre des représentants en Libye a estimé, à Tripoli, que la tenue de l'élection présidentielle sans fondement constitutionnel est un « projet de dictature, quelle qu’en soit l’issue ». Tout ceci à la veille de la conférence internationale qui doit se tenir le 12 novembre à Paris, en France.

C’est ce qui ressort du communiqué de clôture d'un forum qui a réuni des membres de la Chambre des représentants et du Haut Conseil d'État, des maires et des représentants d'institutions de la société civile, à Tripoli.  « La tenue de l'élection présidentielle sans Constitution ni fondement constitutionnel (clauses juridiques régissant leur tenue) est un projet de dictature, quelle qu'en soit l’issue », peut-on lire. « L'importance de tenir les élections à temps, pour le 24 décembre, et de ne pas permettre qu'elles soient entravées ou vidées de leur contenu ». Le communiqué ajoute : « Les élections doivent se dérouler sur une base constitutionnelle, comme stipulé dans la feuille de route, et qu’elles doivent être traitées et mises en œuvre en tant qu’un tout unifié ». Les participants ont rejeté les lois électorales actuelles, promulguées par la présidence de la Chambre des représentants libyenne, car elles « contredisent la déclaration constitutionnelle et l'accord politique et sont légalement contestables ». 

Le communiqué poursuit : « Rejeter les lois électorales ne signifie pas rejeter le principe des élections, et celui qui a promulgué ces lois défectueuses est le premier obstacle à la tenue des élections ». Le forum a appelé la Commission électorale à « l'impartialité et à ce que ses décisions soient conformes à la déclaration constitutionnelle et à l'accord politique ». Dans un même contexte, le chef du Haut Conseil d'Etat libyen, Khaled al-Mechri, a appelé à « ne pas participer aux élections, que ce soit par voie de candidature ou d'élections […].Le monde entier sait que les lois électorales actuelles sont imparfaites, mais il traite avec la situation réelle.[…] Permettre aux criminels de se présenter aux élections et de s'engager dans l’activité politique en Libye, équivaut à autoriser les nazis en Allemagne et les fascistes en Italie à s'engager dans la vie politique ». Les élections législatives et présidentielle sont prévues pour le 24 décembre prochain. Elles pourraient être entravées par les divergences sur les lois électorales, entre la Chambre des représentants d'une part, et le Haut Conseil d'État (parlementaire consultatif), ainsi que le gouvernement d'union et le Conseil présidentiel d'autre part. Les Libyens espèrent que ces élections contribueront à mettre fin au conflit armé, qui afflige le pays.

Le 12 novembre, se tient à Paris la conférence internationale en soutien aux élections, sous le parrainage de l’ONU, en vue de tourner la page d’une décennie de chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Ce qui reste très incertain sur fond de regain de tensions entre camps rivaux, l’un dans l’ouest du pays et l’autre dans l’est.  « Les élections sont à portée de main. Un mouvement fort est à l'œuvre en Libye pour qu'elles se tiennent. Il y va de la stabilité du pays », a relevé l'Élysée en présentant les enjeux de la conférence. « Mais des spoilers (ceux qui veulent gâcher la dynamique en cours, ndlr) sont en embuscade, ils essaient de faire dérailler le processus», a souligné la présidence française. Il faut donc «rendre le processus électoral incontestable et irréversible» et faire en sorte que le résultat des élections soit ensuite « respecté », a-t-elle insisté, en vue de la présidentielle du 24 décembre et des législatives désormais programmées un mois plus tard. Mais les tensions politiques ont repris de l'ampleur à l'approche du scrutin, chaque camp soupçonnant l'autre de vouloir tirer la couverture à soi, dans un contexte sécuritaire toujours fragile.

La conférence sera coprésidée par la France, l'Allemagne, l'Italie - trois pays en première ligne dans la recherche d'une solution à la crise - les Nations unies et la Libye, a souligné l'Élysée, soucieux d'afficher la dimension internationale de l'événement. Des responsables de la plupart des pays impliqués dans la crise libyenne ou dans son règlement, dont la vice-présidente américaine, Kamala Harris, et le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, seront présents, a indiqué l'Élysée sans fournir de liste exhaustive. La Russie qui soutient, comme l'Égypte et les Émirats arabes unis, l'homme fort de l'est libyen, le maréchal Khalifa Haftar - la France se voit aussi reprocher une telle position - sera représentée par son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a précisé Moscou. Le niveau de représentation de la Turquie, qui s'est rangée du côté du camp de Tripoli à l'ouest et dont les relations sont tendues avec Paris, n'a pas été précisé. Le Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, en conflit avec le président du Conseil présidentiel, n'a pas confirmé pour l'heure sa venue. Ce dernier, Mohamed al-Menfi, est en revanche attendu à Paris.

La Tunisie, le Niger et le Tchad, trois pays voisins qui subissent tous le contrecoup de la crise libyenne - avec notamment des trafics d'armes et de mercenaires -, seront aussi présents. L'Algérie, en pleine crise diplomatique avec Paris sur la mémoire de la colonisation, n'a en revanche pas confirmé sa participation. Or, Alger est un acteur majeur dans la région. L'exécutif français, qui souhaite voir endossé lors de la conférence « le plan libyen de départ des forces et mercenaires étrangers », concède toutefois qu'en la matière, la partie reste « difficile ». Plusieurs milliers de mercenaires russes -notamment du groupe privé Wagner - turcs ou syriens pro-turcs, tchadiens et soudanais sont encore présents en Libye, selon l'Élysée.

Noël Ndong

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