Ligue des champions : les grands clubs dynamitent le foot européen avec une "Super League"

Lundi 19 Avril 2021 - 13:00

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Séisme dans le football européen : douze grands clubs ont officialisé lundi le lancement de leur "Super League", une compétition privée vouée à supplanter la Ligue des champions, déclaration de guerre à laquelle l'Uefa a promis de répliquer en excluant les équipes dissidentes et leurs joueurs.

C'est un séisme sans précédent en près de 70 ans de compétitions européennes: après des décennies à agiter le spectre d'un schisme, les cadors du continent ont lancé leur offensive, avec à leur tête le Real Madrid de Florentino Perez, le FC Barcelone, Liverpool ou Manchester United, tous multiples vainqueurs de la C1 et marques d'envergure planétaire.

Ebranlé par la pandémie de Covid-19, le sport roi en Europe voit son avenir s'inscrire en pointillé, de même que l'actuel système pyramidal de redistribution des ressources télévisuelles entre la C1, compétition phare et les championnats nationaux. Les clubs rebelles prétendent, semble-t-il, instaurer un controversé système de ligue quasi fermée comparable aux championnats nord-américains de basket (NBA) ou de football américain (NFL), une perspective "désapprouvée" lundi par la Fifa.

"Douze des clubs européens les plus importants annoncent avoir conclu un accord pour la création d'une nouvelle compétition, « The Super League », gouvernée par ses clubs fondateurs. AC Milan, Arsenal, Atlético Madrid, Chelsea FC, FC Barcelone, Inter Milan, Juventus, Liverpool, Manchester City, Manchester United, Real Madrid et Tottenham se sont unis en tant que clubs fondateurs", peut-on lire dans un communiqué transmis à l'AFP et également diffusé par les sites internet de plusieurs clubs concernés.

"La saison inaugurale (...) démarrera aussitôt que possible", poursuit le texte, sans fixer de calendrier précis.

"Ressources supplémentaires"

Selon une source ayant connaissance des tractations, le Bayern Munich et Paris SG ont été approchés. Mais les deux finalistes du Super 8 de Lisbonne n'ont pas donné suite, ce qui a conduit l'Uefa à remercier publiquement "les clubs allemands et français" pour leur loyalisme.

La nouvelle compétition, expliquent ses promoteurs, est vouée à "générer des ressources supplémentaires pour toute la pyramide du football". 

"En contrepartie de leur engagement, les clubs fondateurs recevront un versement en une fois de l'ordre de 3,5 milliards d'euros destinés uniquement à des investissements en infrastructures et compenser l'impact de la crise de Covid-19", poursuivent les organisateurs qui promettent aussi une "Super League" féminine.

Si ce chiffre est confirmé, il suppose des revenus bien supérieurs à ceux obtenus par l'Uefa pour l'ensemble de ses compétitions de clubs (Ligue des champions, Ligue Europa et Supercoupe d'Europe), qui avaient généré 3,2 milliards d'euros de recettes TV en 2018-2019, avant une pandémie qui a fortement plombé le marché européen des droits sportifs.

Selon ses promoteurs, la "Super League" fonctionnerait sous la forme d'une saison régulière opposant 20 clubs, quinze d'entre eux ("les clubs fondateurs", les 12 cités et trois supplémentaires restant à déterminer) étant qualifiés d'office, chaque année, et les cinq autres choisis "à travers un système basé sur leur performance de la saison précédente". 

Au terme de cette première phase débutant au mois d'août, des play-offs seraient organisés jusqu'en mai pour décerner le trophée.

Les matches se tiendraient en principe en milieu de semaine, entrant en concurrence directe avec les cases réservées pour la Ligue des champions, mais pas avec les championnats nationaux traditionnellement organisés le week-end.

Menace d'exclusion

Reste à savoir quelles réponses l'Uefa, vent debout, et la Fifa, moins en pointe sur le sujet, apporteront à cette tentative de sécession, comparable à celle qu'a connu le basketball européen, entre Euroligue et Ligue des champions de basket (Fiba).

La Fifa "ne peut que désapprouver une Ligue européenne fermée et dissidente", a réagi la fédération internationale lundi, invitant toutes les parties à "un dialogue calme, constructif et équilibré" sur le sujet.

L'Uefa, dans un communiqué co-signé par plusieurs championnats nationaux, avait prévenu dès dimanche que tout club dissident serait exclu des compétitions nationales et internationales, et que leurs joueurs ne pourraient plus jouer en équipe nationale, par exemple à l'Euro ou à la Coupe du monde.

Il faudra voir si cette menace est conforme au droit européen de la concurrence, ce qui laisse présager une éventuelle bataille juridique.

Le lancement de cette "Super league" intervient en tout cas alors que l'Uefa réunit lundi son comité exécutif (09h00/07h00 GMT) pour entériner une refonte de sa Ligue des champions à l'horizon 2024.

Initialement, le Comité exécutif de l'instance dirigeante du football européen aurait dû entériner sans trop de heurts cette réforme, tout en finalisant la cartographie des villes hôtes de l'Euro cet été. Mais la fronde des grands clubs brouille les cartes.

En attendant, les prises de positions anti-"Super League" se sont multipliées dimanche, parmi les représentants de supporters mais aussi chez les dirigeants politiques, de l'Elysée en France au Premier ministre, Boris Johnson, au Royaume-Uni.

La présidence française a ainsi fustigé un projet "menaçant le principe de solidarité et le mérite sportif" et la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, a dénoncé un "club VIP de quelques puissants".

La Fifa et l'ECA opposés au projet de "Super league"

L'instance du football mondial a réagi après l'annonce des promoteurs de la "Super league" pour dire qu'elle ne pouvait "que désapprouver une Ligue européenne fermée et dissidente hors des structures du football".

"La Fifa se positionne toujours en faveur de l'unité dans le football mondial et appelle toutes les parties impliquées dans des discussions houleuses à engager un dialogue calme, constructif et équilibré pour le bien de ce jeu", a rappelé l'instance mondiale.

"L'ECA, en tant qu'instance représentative de 246 clubs de premier plan à travers l'Europe, réaffirme son engagement visant à travailler au développement du modèle des compétitions de clubs de l'Uefa, avec l'Uefa, pour le cycle débutant en 2024", a écrit l'ECA dans un communiqué publié sur son compte Twitter.

Même la très lucrative Premier League anglaise a marqué son opposition à ce projet: "les supporters de tout club anglais et à travers l'Europe peuvent actuellement rêver que leur équipe puisse grimper au sommet et jouer contre les meilleurs clubs. Nous croyons que le concept de SuperlLeague détruirait ce rêve".

L'ancien joueur de Manchester United et ex international anglais, Gary Neville, n'a pas mâché ses mots en apprenant l'existence de ce projet: "Je suis dégoûté, c'est une honte absolue, il faut que je reprenne le pouvoir qu'on pris ces clubs et cela concerne aussi mon club" de Manchester United, a-t-il espéré.

Camille Delourme avec AFP

Légendes et crédits photo : 

Le puissant président du Real Madrid, Florentino Perez, mène la dissidence des 12 (GABRIEL BOUYS / AFP) Le Bayern de Pavard et le PSG de Mbappé restent, pour l'instant, fidèles à l'Uefa (FRANCK FIFE / AFP) On attend désormais la réponse de l'instance européenne face à cette déclaration de guerre (Fabrice COFFRINI / AFP)

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