Mali : Bamako restera-t-il inflexible aux menaces de la Cédéao ?

Lundi 27 Décembre 2021 - 12:30

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A l’issue de son dernier sommet tenu le 7 novembre à Abuja, au Nigeria, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) laissait entendre que des sanctions économiques et financières pourraient frapper le Mali si rien n’est fait d’ici à la fin de cette année pour aller aux élections. Depuis lors, un bras de fer semble opposer les autorités maliennes à l’organisation sous-régionale, même si le gouvernement malien n’a pas réagi officiellement à ces exigences.

Les autorités maliennes ont jusqu’au 31 décembre pour présenter un plan en vue de la tenue des élections à la date prévue du 27 février 2022 ; à défaut, des sanctions, dont la nature n’est pas encore connue, entreront en vigueur le 1er janvier, précise une source proche de la Cédéao. Le sujet fait l’objet de commentaires controversés auxquels s’adonnent certains partisans du pouvoir, de l’opposition et des membres de la société civile.

Le M5, le parti du Premier ministre Choguel Maïga, dont Jeamille Bittar en est le porte-parole, demande aux autorités maliennes de transition de ne pas fléchir à la décision de la communauté régionale. « Nous sommes quand même un État souverain. Il ne faudrait pas que la Cédéao nous impose quelque chose qui pourrait nous amener dans un chaos qui ne dirait pas son nom. Il faut que les gens comprennent qu’aujourd’hui, l’environnement ne se prête pas à tenir les élections. Parce que le territoire est envahi par l’insécurité et cette insécurité a été sciemment créée par la France », explique-t-il. « La communauté internationale, notamment la Cédéao, ne doit pas nous faire un diktat (…). Je pense qu’elle devrait nous aider, plutôt que de faire des menaces, des pressions, pour déstabiliser encore davantage notre pays », souligne Jeamille Bittar.

Quant à Sory Ibrahim Traoré, président du Front pour l’émergence et le renouveau (Fer-Mali), association créée en soutien aux autorités de transition, il désapprouve les menaces de la Cédéao.  « Le Mali, aujourd’hui, a au moins trois quarts du territoire qui échappent presque totalement au contrôle de l’État central. Si nous arrivons à créer les meilleures conditions sécuritaires, c’est après cela que nous pourrions parler d’élections », estime-t-il.

Malgré ces prises de positions en faveur du régime, la Cédéao n’entend nullement revenir sur ses menaces, même si dans un courrier adressé à l’organisation sous-régionale, le colonel Goïta invoquait récemment les efforts entrepris par son gouvernement pour « créer les conditions propices à la tenue d’élections transparentes et crédibles » comme préalables à la tenue des élections générales. S’y ajoutent l’« intensification » des opérations visant à sécuriser le territoire, la présentation prochaine de la loi électorale et l’organisation des  consultations (Assises nationales de la refondation).

La Russie appelée à se comporter de manière responsable en Afrique

Pour l’heure, les dirigeants maliens se préoccupent des questions sécuritaires plutôt que des sanctions annoncées par la Cédéao. C’est pour cela que la junte au pouvoir veut recruter des mercenaires russes du groupe Wagner et a déjà accepté le déploiement supplémentaire de mille soldats tchadiens au sein de la Mission des Nations unies au Mali après la reconfiguration des forces françaises, « afin de faire face aux menaces » djihadistes.

En ce qui concerne les mercenaires russes, Washington met en garde Bamako contre des conséquences financières qui devront résulter de leur ingérence et une déstabilisation du pays, déjà en proie aux violences. En Europe, quinze pays partenaires du Mali condamnent leur déploiement avec l’aide de Moscou. Dans un communiqué, ces Etats, notamment la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, l’Italie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie et la Suède dénoncent « l’implication du gouvernement de la Fédération de Russie dans la fourniture d’un soutien matériel au déploiement du groupe Wagner au Mali ». Ces pays sont engagés aux côtés de Paris dans le nouveau groupement européen de forces spéciales Takuba, destiné à accompagner les soldats maliens au combat.

Une source gouvernementale française indique constater sur le territoire malien « des rotations aériennes répétées avec des avions de transport militaire appartenant à l’armée russe, des installations sur l’aéroport de Bamako permettant l’accueil d’un chiffre significatif de mercenaires, des visites fréquentes de cadres de Wagner à Bamako et des activités de géologues russes connus pour leur proximité avec Wagner ». Ce que démentent formellement Moscou et les dirigeants maliens.

Estimant que ce déploiement « ne peut qu’accentuer la dégradation de la situation sécuritaire en Afrique occidentale, mener à une aggravation de la situation des droits de l’homme au Mali », les partenaires occidentaux du Mali appellent la Russie à « se comporter de manière responsable et constructive dans la région ».

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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