Nord-Kivu et Ituri : le Premier ministre interpellé sur la situation sécuritaire dans les deux provinces

Jeudi 14 Avril 2022 - 15:00

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En marge de la mission d’évaluation de l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri effectuée par le Premier ministre, Sama Lukonde, une quarantaine d’organisations non gouvernementales a profité de sa présence dans cette partie du pays  pour lui recommander le respect des droits humains dans ces deux provinces.

Dans un communiqué conjoint du 13 avril signé à partir de la ville de Goma, au Nord-Kivu, trente-sept organisations de la société civile congolaise ont exprimé leurs inquiétudes face à la dégradation de la situation des droits humains et les massacres continus dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, depuis l’instauration de l’état de siège en mai 2021.  Pour ces organisations, cette mesure prise en réponse à l’insécurité persistante dans l’est du pays, caractérisée par des tueries des civils par différents groupes armés, n’a pas permis jusque-là d’apporter les résultats escomptés. Bien au contraire, font-elles savoir, les massacres perpétrés témoignent de l’insécurité qui persiste ainsi que de la limite de la réponse militaire. Elles soulignent que la population vit dans une peur permanente du prochain massacre, l’armée n’arrivant pas à sécuriser les personnes vivant dans des zones à risque, même les déplacés.

Ces organisations font également savoir au Premier ministre que loin de sécuriser la population civile, les autorités militaires qui dirigent ces provinces ont, par ailleurs, restreint l’exercice des libertés publiques en réprimant des manifestations pacifiques, en procédant à des arrestations arbitraires, à des intimidations, à des passages à tabac, et en lançant des poursuites judiciaires contre toutes les voix qui appellent à la fin de l’état de siège.

«Alors que les autorités militaires avaient pourtant assuré qu’elles respecteraient les droits de l’homme et le droit international humanitaire, nos organisations ont documenté l’arrestation de dizaines d’activistes, de journalistes, de membres de l’opposition et même de parlementaires qui ont exprimé leur opinion de manière pacifique sur la situation en cours et l’état de siège », ont regretté ces organisations, relevant qu’au moins un activiste a été tué par les forces de sécurité lors d’une manifestation.

Elles se disent interpellées par la brutalité de la réponse militaire et policière dans le cadre de cette manifestation qui, selon elles, n’avait réuni que moins de vingt personnes, brandissant des pancartes devant l’hôtel de ville pour simplement attirer l’attention sur leur environnement. « Cette quinzaine de jeunes congolais doit-elle être considérée comme une menace pour notre pays au point d’être battue comme elle l’a été ? Permettez-nous de porter à votre attention, monsieur le Premier ministre, que l’une des militantes, âgée de 21 ans seulement, est encore à ce jour hospitalisée souffrant de graves complications suite aux coups reçus à la tête ; elle est, par ailleurs, encore sous le coup de poursuites judiciaires », ont-elles souligné.

Ces organisations rappelent qu’un autre membre de l’opposition est détenu à Bunia, pour avoir critiqué l’état de siège sur les réseaux sociaux, et deux parlementaires sont toujours en détention, en attente d’un procès pour s'être opposés à l’état de siège. « La liste de cas similaires continue et ne cesse de s’allonger à mesure que les autorités militaires voient leur mandat prolongé », ont indiqué ces organisations.

Rappelant certaines mesures restrictives qui accompagnent l’état de siège dont les perquisitions des domiciles, l’interdiction des publications et des réunions de nature à porter atteinte à l’ordre public, la circulation des personnes dans certains lieux et à certaines heures, le remplacement de l’administration civile par l'administration militaire au niveau des cours et tribunaux, etc., ces organisations s'inquiètent, conformément au Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques, « que les mesures restrictives qui s’imposent dans ces deux provinces vont au-delà de celles autorisées par le pacte ci-haut mentionné menaçant l’exercice des droits fondamentaux et libertés publiques garanties par les lois de la République ».

Elles relèvent, par ailleurs, qu’aucune loi n’encadre jusque-là les modalités d’application de l’état de siège pourtant décrété il y a bientôt un an. Ce qui les amène à appeler publiquement à la libération de toute personne arrêtée ou condamnée pour avoir critiquer l’état de siège ; à demander des sanctions contre tout membre de l’armée ou de la police qui s’est distingué dans les actes d’atteintes aux droits humains y compris la tuerie, la torture, etc.

Lucien Dianzenza

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