Patrimoine colonial : des défenses d’éléphant en héritage

Samedi 12 Mars 2016 - 14:25

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Une famille italienne s’est retrouvée avec un héritage encombrant : des défenses d’éléphants acquises régulièrement à l’époque du Zaïre. Que faire ?

Il n’y a plus de recoin de la planète où le combat pour la protection des espèces menacées ne se soit traduit par des règles, interdictions et même des condamnations pour les contrevenants. Les braconniers d’aujourd’hui savent bien à quoi ils s’exposent. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : sous l’Afrique coloniale, mais aussi dans les premières décennies des indépendances, il n’était scandaleux pour personne de voir pendre dans les salons de ceux qui ont « fait la coloniale » quelques têtes d’antilopes, ou s’étaler des peaux de lion ou de léopard.

Il arrivait même qu’à un hôte de marque on offre un trophée qui, aujourd’hui, ferait frémir d’indignation le premier environnementaliste venu. C’est que les temps ont changé. Depuis 1977, la Convention sur le commerce d'espèces sauvages menacées (CitesI) interdit la chasse, le trafic, le transport et la vente des nombreuses espèces qui courent le risque d’une extinction assurée si on ne les protège pas. Crocodiles exterminés pour leur peau, rhinocéros chassés pour leur corne ou éléphants pour leur ivoire sont particulièrement surveillés.

On peut dès lors aisément comprendre l’embarras d’une famille italienne d’Oristano, en Sardaigne. À une époque pas trop lointaine, leur parent Giuseppe Mussi avait acquis en toute légalité des défenses d’éléphant au Zaïre. L’homme avait travaillé aussi au Congo, au Tchad et au Cameroun : tous pays d’Afrique centrale connus pour la beauté de leur faune sauvage. Mais aujourd’hui, ce qui avait été un beau patrimoine à éventuellement léguer à des descendants, devient une compromission évidente dans les braconnages qui déciment tortues, singes, lémuriens et autres buffles d’Afrique.

La famille sarde n’y a donc pas pensé à deux fois : elle a appelé le corps forestier d’Oristano pour lui remettre cet héritage qui tombe désormais sous le coup de la directive européenne CE 338/97 qui dresse la liste Cites des espèces protégées. Et de fait les éléphants y figurent en bonne place. Que vont en faire les services forestiers italiens ? La question ne se pose même plus : les défenses, qui incluaient même des pièces finement sculptées, finiront dans les flammes, et pas ailleurs ! L’Europe interdit le commerce d’ivoire sur le périmètre de ses 28 Etats membres.

La conscience droite de la famille Mussi vient rappeler fort à propos que la lutte pour la sauvegarde des espèces à risque d’extinction engage individus, communautés et États. Et que c’est l’effort de tous qui permettra d’assurer à la planète le fonctionnement de tous les chaînons d’une nature délicate et interdépendante. La disparition d’un éléphant au Gabon peut avoir des répercussions au Canada, ce n’est plus de l’ordre de l’absurdité au regard des causes et des conséquences des changements climatiques. Le combat est loin de la victoire.

L’Union internationale pour la conservation de la nature a indiqué cette semaine qu’au moins 1.338 rhinocéros avaient été braconnés en Afrique en 2015. C’est un chiffre record depuis que l'Afrique du Sud a interdit le commerce de la corne de rhinocéros en 2008. Au cours des deux dernières années, affirme le rapport de cet organisme basé en Suisse, le braconnage a diminué au Kenya. Et en 2015, pour la première fois depuis 2008, le nombre de rhinocéros tués en Afrique du Sud a lui aussi diminué.

L’Afrique du Sud compte le plus grand nombre de rhinos sur la planète. Mais l'espèce est menacée par la forte demande de corne en Asie, où on lui prête des vertus médicinales. La corne de rhinocéros, de la banale kératine comme les ongles, ont acquis une valeur monétaire par ouï-dire en Asie. Au marché noir, elle s'arracherait au prix prohibitif d'environ 60.000 dollars le kilo, de quoi susciter toutes les convoitises donner des idées aux mafias de tous bords.

Lucien Mpama

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