Pétrole & Gaz : des différends latents sur la délimitation de frontières maritimes entre les pays africains

Lundi 9 Mars 2015 - 12:31

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L'exploration pétrolière offshore au large des côtes africains a connu une croissance exponentielle, selon des experts juridiques. Ainsi, un tiers à peine des frontières maritimes du continent ont fait l'objet d'accords définitifs entre États.

Deux pays d'Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire et le Ghana, et deux pays d'Afrique orientale, la Somalie et le Kenya, ont choisi au cours du dernier semestre de porter devant des instances juridiques internationales les différends les opposant au sujet de leurs frontières maritimes. Une solution de derniers recours après plusieurs années de négociations bilatérales infructueuses.

Mais la question de la délimitation des frontières maritimes n'a gagné réellement en importance que durant la dernière décennie. À mesure que les prospections pétrolières et gazières au large de leurs côtes prenaient de l'ampleur. Le risque est grand qu'il ne s'agisse que d'un début. L'incertitude des frontières terrestres héritées des puissances coloniales complique la délimitation des frontières maritimes.

Les conséquences de l'absence d'accords de délimitation de frontières maritimes entre pays africains

À en croire certains spécialistes du droit de la mer, sur la centaine de frontières maritimes entre pays africains, seulement 32 ont fait l'objet d'accords entre États. Pour 68 d'entre elles, les délimitations restent ouvertes à l'interprétation, en dépit des règles édictées dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Unclos), de 1982, a expliqué un expert, Robert Van de Poll. Ce qui serait dû aux incertitudes sur le tracé des frontières terrestres et à des conflits de souveraineté sur des territoires hérités des puissances coloniales.

Des différends latents non examinés pendant des décennies mis au grand jour en raison des appétits suscités par les perspectives pétrolières et leur impact sur le développement dans certains pays africains. Dans le Golfe de Guinée, c'est le cas du différend territorial qui oppose le Gabon à la Guinée équatoriale sur la souveraineté des îles de Mbanié, des Cocotiers et de Congas dans la bais de Corisco, ou l'opposition entre le Cameroun et le Nigeria sur la péninsule de Bakassi.

Cette absence d'accords définitifs entre États crée une incertitude juridique pour les entreprises pétrolières et gazières opérant au large des côtes africaines. Etant donné que la souveraineté du pays leur ayant accordé un permis peut être remise en question et invalidée si elle venait à être contestée par un pays limitrophe.

Selon deux experts en la matière, Robert Van de Poll et David Bishop, qui ont utilisé des documents militaires déclassifiés, des images satellitaires et examiné 83 bassins sédimentaires, ils estiment qu'environ 95 milliards de barils de pétrole ont été découverts dans les 13 millions de km2 d'eaux maritimes couvertes par la convention de 1982. Mais les réserves non encore mis à jour pourraient atteindre 70 à 80 milliards de baril. Ce potentiel suscite l'intérêt soutenu de l'industrie pétrolière, notamment le français Total, l'italien Eni, le britannique BP, ainsi que l'anglo-irlandais Tullow Oil et l'américain Kosmos Energy.

Le défi : Réussir la fixation de frontières maritimes définitivement

La fixation par les Etats africains de frontières maritimes définitive soit en concertation, soit en faisant recourt aux juridictions internationale, devient une urgence. L'autre voie, est celle des zones des zones d'exploitation communes, définie entre pays. C'est le cadre choisi par le Sénégal et la Guinée-Bissau en 1995, en créant l'Agence de gestion et de coopération (AGC), avec une exploitation partagée comme suite : 20% de ressources maritimes reviennent à Bissau, et 80% à Dakar. 

C'est également le choix du Nigeria et Sao Tomé et Principe, qui ont institué en 2001 une zone de développement conjointe de 34 500 km2. De la même façon, la RD Congo et l'Angola ont signé en 2004 un accord visant à l'exploitation commune des eaux maritimes.

Noël Ndong