Princesse Esther Kamatari ou l’éternelle volonté de transmettre les valeurs

Lundi 3 Mars 2014 - 1:15

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Engagée dans une perpétuelle volonté d’éduquer, de transmettre, de léguer aux jeunes générations les vraies valeurs, la princesse Esther Kamatari a confié sa vision de la femme africaine aux Dépêches de Brazzaville 

C’est une femme longiligne, à l’œil pétillant de malice, qui est venue à notre rencontre à l’heure précise, dans les locaux de la rédaction des Dépêches de Brazzaville à Paris. Son port de tête lui donnant fière allure, la fille du prince Ignace Kamatari, frère du roi Mwambutsa IV du Burundi, a été la première top-modèle noire en France. De personnalité affirmée, elle allie l’écriture, le mannequinat, la politique – elle est élue à Boulogne-Billancourt -  et la formation des femmes dans divers domaines au travers de nombreux projets.

Fière de ses origines burundaises, elle exprime sa vision de la femme africaine : « Pour ma part, transmettre est un devoir inné. Je possède en moi une richesse qu’il me semble indispensable de partager. Je la transmets justement pour qu’elle devienne l’héritage des générations futures, tel l’enseignement que j’ai reçu de mes parents. Je pense ainsi conduire leurs pas dans le bon chemin. Et ça, c’est formidable… »

Princesse Esther Kamatari Les Dépêches de Brazzaville : Quel est le contenu de votre transmission ?
Princesse Esther Kamatari : Je transfère ce que mes ancêtres m’ont inculqué, comme par exemple auprès des femmes de Montfermeil.  La municipalité, organise un défilé de mode annuel pour célébrer les cultures. Tous les modèles sont portés par des mannequins d’un jour issus de la ville et mises en beauté par les maquilleurs de la Maison Guerlain, partenaire de ce défilé,  C’est une ville où l’on dénombre près d’une quarantaine de nationalités. Chaque communauté présente ses créations. À travers celles-ci, le simple défilé de mode devient une présentation des cultures par le biais de vêtements traditionnels. Avec LVMH, je leur enseigne l’élégance et le respect des codes vestimentaires. Au fur et à mesure s’installe entre nous la confiance. L’ouverture entre les uns et les autres s’installe, on apprend à se connaître. Par le défilé des talents, je favorise le savoir-faire de ceux qui y participent. Ils apprennent ce qui leur servira tout au long de leur vie. En définitive, le défilé devient la cerise sur le gâteau, car, intérieurement, le contenu véritable de la transmission est le respect et le savoir, cette envie du vivre ensemble. Sans revendiquer le rôle de moralisateur, c’est sur ce principe que je conçois mon rôle d’éducation de la femme africaine.

LDB : Quelle est la place de la femme au Burundi, pays précurseur dans le combat de la femme africaine, en net recul cependant aujourd’hui ?
Ce combat est aussi le mien. Je frissonne à la seule évocation de la condition féminine dans mon pays d’origine. La femme burundaise, ou plutôt la femme africaine possède de multiples bras. À chaque bras correspond une fonction, celle de mère, sœur, travailleuse au champ, femme au foyer, cuisinière, épouse, et j’en passe. Elle porte de nombreuses casquettes. Avant, elle était respectée et précieuse. Elle avait des droits fonciers sur sa terre. Elle gérait son foyer pendant que les hommes batifolaient. Aujourd’hui, ces droits ont disparu. C’est un scandale, car tous ces hommes qui pensent intervenir pour les femmes n’ont pas même de respect pour leur propre mère. Du temps de la monarchie, la femme avait une place digne. Aujourd’hui existent de nombreux conflits, car l’homme se considère supérieur et la traite ni plus ni moins comme un enfant ou un outil. C’est scandaleux. Il refuse de lui rétablir sa place parce qu’elle fait peur sans crier, par son silence !

LDB : Comment avez-vous vécu l’avènement d’une femme à la tête de la RCA ?
Un conflit de plus dans l’Afrique subsaharienne qui commençait à s’enliser. Pourtant, avec l’arrivée de Catherine Samba-Panza, je suis extrêmement fière de voir que c’est une femme qui va nous sortir de ce conflit. Le jour où les pays africains auront compris qu’il faut élire des femmes s’instaurera enfin la paix. Nos femmes murmurent des solutions radicales à l’oreille des décideurs. Nos femmes ne tuent pas leurs enfants, mais les éduquent. Nos femmes veulent la paix avant le pouvoir ostentatoire. Nos femmes savent établir de véritables compromis et pensent avant tout à l’intérêt général. Elles sont alors dérangeantes dans les différentes courses au pouvoir qui sont plutôt l’apanage des hommes. La démocratie, ce n’est pas du prêt à porter, on ne peut pas la comprendre quand on meurt de faim et qu’on croupit dans la misère. Si j’étais un homme, je ne me battrais sans doute pas avec le même acharnement. Nous, nous sommes déterminées quoiqu’il arrive, et nul doute que nous réussirons, nous, les femmes, à installer la paix.

Esther Kamatari, princesse burundaise, est mannequin, écrivain et conseillère municipale chargée de la solidarité internationale de la ville de Boulogne-Billancourt en région parisienne. Après une carrière internationale de top model, Esther Kamatari s’est distinguée par ses engagements humanitaires en faveur de son pays, notamment envers les femmes et les orphelins. Auteur du livre Princesse des Rugo. Mon histoire paru en 2001 chez Bayard, elle a été choisie par le mouvement Abahuza (« rassembler » en kirundi) pour le représenter lors des élections législatives et communales de juillet 2005 et présidentielle d'août 2005.

Défilé Cultures et Création à Montfermeil (93) sous le patronage de la princesse Kamatari et de la maison LVMH

C’est chez LVMH (Louis-Vuitton Moët-Hennessy) que l’on retrouve la princesse Kamatari qui nous entraîne à Montfermeil. De blanc vêtue, la première mannequin noire de France rayonne et nous illumine de sa beauté et de sa bonne humeur

Et pour cause, le défilé Cultures et Création qu’elle chaperonne du début à la fin a rassemblé des femmes de quarante origines habitant la ville de Montfermeil ce samedi 8 février.

LVMH, le grand parrain des festivités, permet d’assurer une visibilité du projet et remet le prix d’excellence Jeunes Talents LVMH à l’un des créateurs participants. Le leader du luxe prend en effet, en main des jeunes de Montfermeil afin qu’ils s’ouvrent à d’autres perspectives d’avenir. Stages, visites, ateliers et remise de ce prix tant convoité, bref le luxe prend un bol de diversité.

Le temps d’une soirée Montfermeil vit un conte de fées. Plus de 1 000 personnes assistent chaque année à ce défilé qui réunit plus de 200 modèles montfermeillois, maquillés par la maison Guerlain qui prend plaisir à y participer. « Nous venons sublimer et accompagner ces beautés depuis quatre ans, et c’est toujours un grand moment pour Guerlain. En trois mots : fierté, générosité et professionnalisme », nous dit la responsable de Guerlain en compagnie du directeur artistique de la maison. Les mannequins d’un jour se prêtent au jeu pour le plaisir de leurs familles et amis réunis dans le public.

Le maire de Montfermeil, Xavier Lemoine, très investi dans cet événement communal confie aux Dépêches de Brazzaville que « c’est sa plus belle soirée de l’année ». Et il a bien raison, car c’est une véritable opportunité de faire briller les délégations africaines habitant à Montfermeil. Les cultures s’entremêlent sur scène, et l’admiration pour les traditions se renforce. Nous ferons une mention spéciale à la délégation sénégalaise qui a littéralement porté l’ambiance dakaroise, aux côtés du Cameroun et de la Côte d’Ivoire.

L’absence des deux Congo qui ne se sont pas inscrits à la représentation a été à regretter. Espérons que lors de la prochaine édition une délégation congolaise sera au rendez-vous !

G.L.

Propos recueillis par Grâce Loubassou et Marie Alfred Ngoma

Légendes et crédits photo : 

Princesse Esther Kamatari ©DR