Qui gère réellement les marchés à Brazzaville ?

Samedi 28 Février 2015 - 17:00

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Entre insalubrité, insécurité et taxes jugés excessives les occupants des tables et échoppes dans les différents marchés de Brazzaville lèvent le ton et marquent leur indignation. De même que les visiteurs effarés devant les immondices qui jonchent les marchés, les commerçants se demandent à qui revient finalement leur gestion.

Le sujet sur la saleté dans les marchés de Brazzaville est dans toutes les bouches, même des plus jeunes. Visibles, les dépotoirs qui encombrent l’entrée et les abords ne laissent personne indifférent. A Bacongo, le grand marché Total délocalisé (avant la construction du nouveau marché) et d’autres petits espaces de vente à l’instar de Kolelas ou Bourreau n’échappent pas à ce sombre tableau. La situation est encore pire après une pluie. A Ouenzé, le constat est le même. L’avenue Miadeka laisse de temps à autre apercevoir un mont de poubelle devant des étalages. Au marché de Moungali, entre la rue Bandza et celle des Martyrs avant de joindre les couloirs de vente de la friperie, le spectacle est désolant. Les exemples sont multiples.

La situation qui devient de plus en plus intenable laisse entendre une mauvaise gestion des marchés. A l’époque, s’en souvient un ancien boucher au marché de Moungali, la salubrité était l’affaire des « Comités de marchés » en connivence avec la Mairie sur la base des taxes prélevées chez les commerçants.  Constitués en association après la dépossession de nombreux de leurs avantages, les commerçants ont vu apparaître de nouveaux opérateurs privés qui gèrent tant bien que mal les marchés.

Celui qu’on cite actuellement est un certain M.H.I (Maïga Halilou Issa), un opérateur malien qui aurait bénéficié depuis septembre 2014, au sortir des délibérations du Conseil municipal de Brazzaville, de la gestion des marchés de la capitale. L’opérateur a confié à son tour l’exécution des tâches liées à la salubrité et à la sécurité des lieux à une société congolaise nommée Miledi et basée à Poto-Poto.

Des grincements de dents dans les marchés

Une taxe journalière de 200 FCFA a été instituée par les nouveaux gestionnaires des marchés auprès de chaque commerçant pour assurer l’assainissement. Pourtant, la saleté ne quitte pas les lieux. Les montagnes d’ordures croissent au fil des jours. A l’entrée du marché Kolelas sur l’avenue de l’OUA et à l’arrêt de bus à destination de M’filou, à l’intersection de l’avenue des trois martyrs et l’avenue Miadeka, au marché Mampassi. Les caniveaux sont bouchés…

« 200 FCFA par jour pour chaque table est un pactole qui aurait servi à une meilleure gestion, lorsqu’on sait que le groupe Bak qui gérait avant le marché Total de Bacongo faisait des recettes d’environ 8 millions de FCFA le mois », témoigne un ancien collaborateur de l’entreprise Bak.

Les commerçants regrettent par ailleurs l’absence de bureaux de relais dans les marchés, d'où les collaborateurs se réunissent dans les bars. « Nous les voyons dans les buvettes faire leur comptabilité », explique un vendeur au marché de Moungali.

L’on reproche à la société le fait de ne pas avoir un personnel qualifié et du matériel professionnel.  A Total, par exemple, les ex-combattants recrutés par Bak l’ancien soumissionnaire, qui assuraient à la fois l’assainissement et la sécurité du marché, ont été dépossédés de leur travail. Depuis, explique-t-on, des vols et des cas d’insécurité ont repris.

« Comment pouvez-vous imaginer que dans chaque marché il n’y ait que six gardiens ? », appuie un commerçant bien informé de la situation. « La saleté était jetée derrière le bar La main bleue. Or là, vous la trouvez devant les marchés. Il n'y a aucun véhicule pour la déplacer », complète-t-il.

La Mairie responsable ?

Des interrogations multiples autour du contrat entre la mairie et le délégataire M.H.I. L’on se demande pourquoi la mairie ne fournit pas ses engins à ces sociétés pour le ramassage d’ordures. Récemment, le gouvernement aurait doté chaque mairie d’engins lourds pour assurer l’assainissement de la ville.

« Il semble que ces sociétés n’aient pas de moyens conséquents de leur politique. Ils n’ont pas d’engins. Il les loue à hauteur de 450.000 FCFA par intervention. Ce qui peut expliquer pourquoi le souci dans l’évacuation des ordures entassées le long des marchés », commente Paul, un ancien membre du Comité de marché de Poto-poto.

« Ici, il n’y pas d’endroit pour jeter les ordures. C’est à Mfilou que la société va déposer ces poubelles. Il faut donc des engins », souligne-t-il.

Où sont passés les engins donnés par l’Etat aux mairies ? Qu’attendent les autorités pour mettre en place de vrais mécanismes de gestion d’ordures ? Les questions se posent. Dans les marchés où les commerçants incinèrent eux-mêmes certains déchets, les supputations sont multiples.  Certains évoquent un complot entre les autorités municipales qui recevraient des pots de vin en retour d’un silence sur une situation qui gangrène sérieusement la santé des Congolais.

Une nouvelle taxe auprès des commerçants des marchés vient d’être annoncée par la mairie. Même si elle priorise une indépendance du budget de la municipalité vis-à-vis de l’Etat qui y participe à 80%, les commerçants espèrent y trouver des solutions pour améliorer leur environnement de travail.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

A l'entrée du marché Total, un dépotoir met a mal commerçants et acheteurs