Remittances : l’arme économique silencieuse de l’Afrique

Jeudi 4 Septembre 2025 - 15:06

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Alors que les projecteurs restent braqués sur l’aide internationale ou les investissements étrangers, un autre levier de développement s’impose discrètement en Afrique : les remittances, ou transferts d’argent des diasporas.

En 2024, ces envois ont atteint 95 milliards de dollars, selon les estimations, soit bien plus que l’aide publique au développement reçue par le continent. Mieux encore : d’ici 2043, ils pourraient atteindre 168 milliards de dollars. Un chiffre colossal, qui positionne les diasporas comme des acteurs économiques majeurs. Contrairement aux financements traditionnels, souvent lents et conditionnés, les remittances sont directes, stables et récurrentes. Elles servent à couvrir des besoins essentiels : santé, éducation, alimentation, logement. Dans certains pays fragiles comme la Somalie, le Soudan du Sud ou le Liberia, elles représentent plus de 10 % du PIB. En Afrique de l’Ouest, au Kenya ou au Nigeria, elles sont devenues un véritable filet de sécurité sociale parallèle.

Mais leur immense potentiel reste largement sous-exploité. Environ la moitié de ces flux échappent encore aux circuits bancaires formels, circulant via des canaux informels comme les hawalas, les transferts en espèces ou les systèmes communautaires. Les raisons sont connues : frais de transfert élevés (jusqu’à 8 %), faiblesse des infrastructures financières, méfiance envers les banques, surtout en zones rurales. Résultat : ces milliards échappent à toute stratégie nationale de développement, restent non traçables, et sont difficiles à mobiliser pour des projets d’envergure. Face à ce constat, de nouvelles dynamiques émergent. La montée en puissance des fintechs africaines et du mobile money change la donne. Des plateformes comme M-Pesa, Wave ou Chipper Cash facilitent les transferts transfrontaliers, à moindres coûts. À l’échelle continentale, le système PAPSS, soutenu par la Zone de libre-échange africaine (Zlécaf), vise à unifier les paiements intra-africains sans passer par le dollar.

Autre tendance porteuse : l’essor des transferts intra-africains, désormais estimés à 20 milliards de dollars en 2023. L’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire ou le Gabon deviennent des pôles d’accueil pour les travailleurs de la région, révélant une migration Sud-Sud en pleine structuration. Pour transformer cette manne en levier de développement, les États africains doivent adopter une approche stratégique : créer un environnement incitatif, évitant la sur-fiscalisation ; mettre en place des instruments financiers adaptés aux diasporas (obligations diaspora, épargne transnationale, micro-assurance) ; intégrer ces flux dans les politiques économiques nationales.

À l’heure où l’aide internationale montre ses limites et où les dettes s’alourdissent, les remittances représentent un capital économique, social et politique durable. Encore faut-il que l’Afrique considère ses diasporas non comme une perte, mais comme une force. Et qu’elle apprenne à transformer ce trésor invisible en puissance visible.

Noël Ndong

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