Révision de la Constitution : la RDC à la croisée des chemins

Samedi 20 Septembre 2014 - 13:22

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Entre la révision de certaines dispositions constitutionnelles dont celles intangibles et l’élaboration d’une nouvelle loi fondamentale à soumettre à la sanction du peuple par référendum, les représentants du peuple sont placés devant leurs responsabilités.

La République démocratique du Congo joue sur son destin. Le moment est venu pour qu’elle se détermine par rapport aux options devant assurer ou non sa survie en tant que Nation. La controverse que suscite la problématique de la révision constitutionnelle prend aujourd’hui des contours dangereux qui présagent des lendemains forts agités. Qu’est-ce qui va se passer demain ? Personne ne sait prédire comment le débat sur la révision de la Constitution en ses articles verrouillés va se terminer. D’autant plus que le ciel politique est en ébullition sur fond de disparité entre les tenants et les antirévisionnistes avec tout ce qui s’ensuit en termes d’invectives, de polémique et de provocation. Jamais le pays ne s’est retrouvé à un tournant aussi décisif de son histoire avec des défis impérieux à relever.

La situation devient un peu plus compliquée lorsqu’on sait que les lignes au sein de la majorité présidentielle réputée respectueuse de la ligne et de la vision politique incarnée par son autorité morale commencent à bouger. Le tandem Scode-MSR auquel s’est jointe une panoplie d’autres partis du même bord continue à faire des soucis dans ce camp politique depuis que leurs leaders se sont ouvertement prononcés contre toute idée de révision constitutionnelle. Une attitude courageuse qui a fait bien d’émules dans la famille politique du chef de l’État où des langues continuent de se délier faisant fi des règles établies. Fissurée, l’édifice kabiliste garde tout de même ses appuis en cette rentrée parlementaire où la « majorité mécanique » pourrait à terme être mise à contribution pour faire passer de force le projet de révision constitutionnelle. Avec une opposition décidée à barrer la route à une telle perspective présentée comme suicidaire pour le pays, on est parti pour de chaudes empoignades à l’Hémicycle. Des empoignades qui, si on n’y prend garde, risque de compromettre les grandes échéances qui attendent la RDC à l’horizon 2016.

La pression populaire

L’affaire n’est plus que parlementaire puisqu’il faudrait intégrer la pression populaire aujourd’hui incarnée par une société civile plus que jamais volubile. À la suite des partis politiques de l‘opposition, six cent cinquante ONG ont récemment dit non à toute révision de la Constitution et au référendum dans un récent mémorandum déposé au Sénat et à l’Assemblée nationale. Les évêques catholiques leur ont emboîté le pas dans une lettre pastorale élaborée depuis Rome dans laquelle ils ont réaffirmé la nécessité de respecter et de conserver la Constitution du 18 février 2006. Lorsqu’on ajoute dans cette configuration antirévisionniste la position tranchée du président du Sénat Léon Kengo wa Dondo, l’on comprend aisément que le projet de la majorité ne passera pas comme une lettre à la poste. Les appréhensions auxquelles renvoie un éventuel chamboulement de la Constitution fait craindre le pire. L’actuelle session ordinaire risque de se muer à un combat des fauves, vu que les rapports des forces sont en train de basculer dans un contexte politique où l’on ne sait plus exactement ce que pense l’autre. C’est dans un climat de méfiance réciproque entre acteurs politiques, tant à l’opposition qu’à la majorité, que se négocie le nouveau virage qu’entend emprunter la RDC. Surtout que chaque camp revendique une adhésion populaire sans réserve à ses idées ouvrant la voie à une recomposition politique qui ne dit pas son nom.

Entre-temps, le spectre d’une nouvelle Constitution est venu, comme qui dirait, rajouter à l’expectative. Des stratégies concoctées en haut lieu, il appert que les opposants qui entreront dans le gouvernement de cohésion nationale viendront s’aligner sur l’option d’une nouvelle constitution sur fond d’un régime semi-présidentiel avec des pouvoirs très étendus accordés au chef de l’État. Une équipe, à en croire des indiscrétions, y travaillerait dans l’optique de remettre le compteur à zéro et de permettre à Joseph Kabila de briquer allègrement un troisième mandat au mépris des dispositions de l’article 220 portant restriction des mandats présidentiels à deux ans.

Au-delà de la hantise qu’inspire déjà une nouvelle constitution, il y a tous ces signaux qui n’augurent pas des lendemains apaisés à l’image des actions de rue initiées par l’opposition contre la révision constitutionnelle sur fond parfois d’indélicatesses et de parjures. Il y a lieu d’inviter les uns et les autres à la pondération de sorte que les choix politiques qui découleront du débat parlementaire soient le fruit des réflexions muries posées sur de bases consensuelles. Il est impérieux, pour les acteurs politiques, de faire le choix de la raison en privilégiant les intérêts du peuple plutôt que de se laisser obnubilé par des appétences vengeresses guidées par le simple désir de repositionnement.       

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Des députés nationaux en congrès