Un hôpital des meilleurs spécialistes africains à Rome

Lundi 24 Mars 2014 - 18:16

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Avortements clandestins et circoncisions à la sauvette deviennent un fléau : les médecins africains et asiatiques affirment avoir trouvé la parade

Comment faire face aux complications de santé liées à des pratiques culturelles mettant la vie en danger ? La question peut sembler aléatoire, elle ne l’est pas. Si les chiffres de l’Institut italien de neuro-traumatologie (INI) disent vrai, quelque 200 personnes meurent chaque année à Rome et dans sa région des suites d’interventions chirurgicales pratiquées hors des établissements hospitaliers normaux. Des femmes qui accouchent loin des structures adaptées parce que la religion interdit qu’elles soient examinées par des gynécologues hommes. Des fillettes qui meurent parce que les parents tiennent à tout prix à ce qu’elles soient excisées comme le prescrit la coutume au pays, mais qui ne trouvent aucun médecin acceptant de commettre un tel « crime ». Des chirurgiens qui rechignent même à la circoncision des enfants au nom de l’objection de conscience : toutes les personnes qui se sont retrouvées devant ce mur d’incompréhension s’en sont remises aux praticiens clandestins, dans des appartements ou à l’arrière d’une boutique sans garantie d’asepsie.

Le résultat est une série de morts « suspectes » ; de cadavres ramenés dans les morgues avec pour cause de décès, des blessures inexpliquées ou des accidents sans grande spécification. Hémorragies, infections, vilaines cicatrisations provoquent une vraie hécatombe en Italie, soutient l’INI. C’est pour contrer ce phénomène que l’AMSI, l’association italienne des médecins étrangers, appuyée par l’INI, a fait une proposition choc, relevant d’une certaine volonté de « discrimination » positive : créer un hôpital où les barrières de langues et de coutumes ne seront pas un frein parce que les praticiens y seront des Africains ou des Asiatiques connaissant les coutumes mais aussi des médecins experts et régulièrement formés. En Italie.

Le Dr Jessica Faroni en est convaincue : beaucoup de morts pourraient être évitées dans le Latium (Rome et ses alentours), si les malades étaient assurés de ne pas enfreindre l’interdit culturel et religieux quand la nécessité de se rendre dans une structure de santé se fait sentir. Or, soutient-elle, la loi italienne n’autorise ce genre d’interventions sur les patients que pour de strictes raisons de santé. Les motifs religieux ou rituels ne sont pas pris en compte par la loi. Qui se trouve dans cette situation, n’a que deux solutions : les cliniques privées, qui coûtent cher, ou les petits « raboteurs » d’arrière-cour ! D’où l’idée « d’aider les personnes qui ont de la difficulté à mener une vie en conformité avec leurs us et coutumes » quand ils se rendent à l’hôpital.

« Dans un hôpital géré par des médecins étrangers, les citoyens auront toutes les garanties scientifiques de la prestation sanitaire », affirme le Dr Faroni. Sans compter que le tout pourra se mener sans enfreindre, en principe, la loi en vigueur. Doutes et scepticismes ? On devrait en avoir le cœur net très bientôt. L’hôpital international INI sera inauguré dans quelques semaines ; il se situera sur les hauteurs de Rome, à Grottaferata. Les médecins sont des spécialistes originaires d’Asie et d’Afrique déjà contactés. Les patients, assure l’INI, seront respectés dans leurs coutumes et leurs religions. Et ils paieront un prix accessible à tous, ajoute Foad Aodi, le directeur du futur établissement et fondateur de l’AMSI. Il affirme qu’au cours des trois dernières années selon les statistiques, quelque 15.000 circoncisions ont été effectuées dans les hôpitaux, dont seulement 35% par des médecins de religion musulmane. C’est aussi cette tendance qu’il faut corriger.

Lucien Mpama