VIH-sida : les ruptures d'antirétroviraux persistent

Lundi 7 Novembre 2016 - 14:24

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Les ruptures intempestives d’antirétroviraux (ARV) ont atteint le paroxysme ces derniers mois. Quoique le ministère de la Santé ait fait une récente infime commande, les malades qui subissent d’énormes contraintes thérapeutiques n’entendent plus subir mais réagir. Ils en appellent à l’assistance du président de la République, initiateur de la gratuité du traitement antirétroviral au Congo. 

Depuis quatre à cinq mois, les malades sous ARV vivent le préjudice de nouvelles ruptures de médicaments dans les différents centres de santé au Congo et de traitement spécialisé. Les différentes combinaisons thérapeutiques, selon les charges virales, ne sont plus respectées faute d’absence de certaines molécules. Les cris d’alarmes lancés par les organisations de défense des droits de l’Homme à l’instar de la Fédération congolaise des droits de l’Homme et des associations des malades n’ont, semble-t-il, pas suffi à toucher les autorités compétentes pour des solutions idoines.

Bien qu'une infime commande des ARV ait été rendue disponible il y a quelques jours, médiatisée pour certainement briser le silence, plusieurs centres manquent de médicaments et certains patients révèlent une thérapie non adéquate à la charge virale. « Le stock montré à la télé ne peut pas dépasser en réalité dix jours de traitement. La quantité n’a pas été dévoilée. Ces produits sont, en effet, déjà consommés avant d’être distribués dans tous le pays puisque les malades ont attendu des semaines sans traitement », explique un malade au CTA du CHU de Brazzaville.

Les malades démentent, en effet, une distribution loin de régler la situation de plus en plus difficile. « La commande arrive pendant que nous sommes en rupture. Pendant qu’on distribue, nous sommes toujours en rupture. Il faut au moins six mois de médicaments en stock de toutes les combinaisons thérapeutiques disponibles pour prétendre une situation stable et trois mois de commandes prévisionnelles. Ce n’est pas avec 100 millions de FCFA comme nous l’avions entendu pour cette commande, mais cela correspond à environ 1 milliard de F CFA », développe Thierry Maba, PVVIH et acteur de lutte contre le sida.

Les ruptures des ARV causent d’énormes dommages qui ne passent plus sous silence. Les associations de malades ont dénombré quelques décès sous silence par manque de traitement. Plusieurs malades ont été contraints de se contenter d’une bithérapie au lieu de la trithérapie que requiert le traitement antirétroviral. « Lorsqu’il n’y a pas toutes les molécules, le danger est qu’il y a des malades qui prennent des produits non adaptés à leur situation. Et si la commande était pour une semaine, elle ne suffira plus car il faut jongler. Le médecin est obligé de changer le traitement sachant qu’à long terme, ceci causerait un danger grave au malade », explique Jean Pierre Mahoungou, un acteur de lutte contre le sida.

La lutte contre le sida en berne

Des conséquences sanitaires aux effets économiques, les ruptures des ARV baissent la note de la lutte contre le sida au Congo. Alors qu’environ 30.000 personnes attendent un traitement adéquat, plusieurs d’entre eux subissent le revers d’une administration à revisiter. Les ruptures ont occassionné des résistances chez certains patients qui passent d’une ligne thérapeutique plus forte avec  la conséquence de voir être réduit des jours de vie. Elles ont, chez d’autres, ouvert les portes aux infections opportunistes avec le risque d’énormes récidives.  En l’absence de chiffres exacts, on dénombre désormais plusieurs « perdus de vue », c’est-à-dire des personnes malades qui ne fréquenteraient plus de centres de santé car dépitées par l’intermittence thérapeutique. « C’est un vrai danger pour la République. Vous vous imaginez les conséquences. Les risques de contamination augmentent. Pourtant, ils le savent bien qu’une personne sur traitement avec une charge virale indectable ne transmet presque plus le VIH. Quand le traitement est disponible, il a un double impact. Il protège la communauté contre les infections et ça protège aussi les PVVIH contre les infections et les maladies opportunistes », regrette Jean Pierre Mahoungou.

Les ruptures des médicaments ont également créé des marchés parallèles de vente des ARV. Il y a quelques jours, des malades ont affirmé avoir acheté des combinaisons thérapeutiques auprès de commerçants non identifiés. Selon nos informations, ces produits proviendraient de plusieurs pays dont le Malawi et seraient vendus entre 15000 et 20.000 F CFA le traitement d’un mois. De sources proches du système des Nations unies, une enquête à ce sujet serait ouverte par le Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose afin de déceler la situation qui risque de complexifier la lutte contre la maladie dont le Congo s’est pourtant fait pionnier sous plusieurs fronts.

Une note au rabais même si  la gratuité du traitement a été décretée. Mais le bénéfice de cette initiative glisse chaque jour en raison des dysfonctionnements dans le circuit d’achat et de distribution des médicaments. Si les ARV posent problème, les plaidoyers des malades indexent plusieurs maux dont les conditions de stockage des médicaments à la Congolaise des médicaments essentiels génériques. Quoique le ministère de la santé veuille construire une nouvelle centrale d’achat dans la périphérie nord de Brazzaville, selon des informations, cela ne normalisera certainement pas la situation des ARV si des décisions importantes ne sont pas prises, supputent les associations de défense.

La situation pitoyable, selon les personnes vivant avec le VIH, découlerait d’un désintérêt des autorités compétentes qui prétextent sur l’absence des budgets. Pourtant, soulignent–ils, dans le cadre des défis sanitaires lancés par le président de la République, les hopitaux se construisent à coût de milliards dans les départements. Mais la stabilisation des commandes des ARV décrétés gratuits peine à trouver une issue définitive depuis des années. « Nous en appelons à l’arbitrage du président de la République pour régler définitevement la situation. Il a fait de la paix son crédo, mais la paix sociale passe aussi par le règlement des problèmes des ARV. On nous rétire chaque jours une paix sanitaire. Quand on n’a pas de médicaments, c’est une déstabilisation totale. La situation est prioritaire et urgente », lance Thierry Maba au nom de tous les PVVIH.

Une situation urgente, en effet, car outre les ARV dont on espère une commande prévenue plus importante du ministère de la Santé, les réactifs pour faire les tests sérologiques et d’autres examens comme le suivi biologique ne sont pas disponibles. « Dans le cadre de la PTME, nos associations qui sont sur le terrain pour encourager le test sont heurtés à l’indisponibilité des réactifs », précise Jean Pierre Mahoungou. Pour l’heure, en effet,  excepté quelques centres privés, seul l’hôpital de Talangaï accueille les femmes pour le programme de Prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME). Mais à cause du manque de réactifs, un nombre limité seulement est admis chaque jour. Un autre danger…

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Une boite de médicaments antirétroviraux

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