Dette africaine : l’étau financier se resserre

Lundi 29 Décembre 2025 - 15:13

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Surendettement, créanciers fragmentés et urgence d’un nouveau pacte économique mondial.

La dette publique est devenue l’un des points de vulnérabilité majeurs du continent africain. Longtemps traitée comme une contrainte budgétaire parmi d’autres, elle s’impose désormais comme une menace systémique pour la stabilité économique et politique de nombreux États. Le signal est clair : en mai dernier, l’Union africaine a organisé à Lomé sa toute première conférence exclusivement consacrée à la dette, preuve que la question a changé de statut pour devenir une priorité stratégique continentale.

Les chiffres donnent la mesure de la crise. Selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la dette extérieure africaine a atteint 1 860 milliards de dollars en 2024, contre près de 1 000 milliards une décennie plus tôt. Cette progression rapide s’explique par une accumulation de chocs : pandémie, tensions géopolitiques, crises sécuritaires, dérèglement climatique, mais aussi par un accès de plus en plus coûteux aux financements internationaux.

Le profil des créanciers s’est, lui aussi, complexifié. Aux institutions multilatérales traditionnelles – FMI, Banque mondiale, Banque africaine de développement – et aux créanciers bilatéraux comme la Chine, se sont ajoutés les marchés financiers privés, aujourd’hui incontournables. Obligations souveraines, eurobonds et fonds spéculatifs exposent les pays africains à des taux élevés et à une volatilité accrue, réduisant fortement leurs marges de manœuvre budgétaires. Entre 2015 et 2024, le ratio moyen dette/PIB du continent est passé de 44,4 % à 66,7 %. Dans certains pays, la situation est critique : le Soudan affiche un ratio de 272 %, le Sénégal 128 %, la Zambie 115 % et le Cap-Vert 111 %. D’autres États, comme la République du Congo, le Mozambique, l’Égypte ou le Malawi, flirtent avec des seuils de risque élevés, nourrissant les craintes de défaut ou de restructuration forcée.

Au-delà des indicateurs macroéconomiques, l’impact est concret. Le service de la dette absorbe une part croissante des recettes publiques, au détriment des dépenses sociales et productives. « L’Afrique ne fait pas face à une simple crise de la dette, mais à une crise du développement », alerte Clever Gatete, secrétaire exécutif de la CEA. Face à l’urgence, un groupe de 25 experts mandatés par la présidence sud-africaine du G20 plaide pour un allègement coordonné, une réforme des mécanismes de restructuration et une réorientation des financements vers l’investissement productif. Sans refonte profonde de l’architecture financière internationale, la dette risque de devenir un frein durable aux ambitions africaines, compromettant croissance, souveraineté économique et stabilité sociale.

Noël Ndong

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