L’Europe de la générosité existe, les Syriens l’ont trouvée !

Lundi 7 Septembre 2015 - 18:16

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Acclamés, des réfugiés syriens arrivent en Autriche au milieu d’une haie d’honneur : impensable il y a seulement un mois !

Les mots du Premier ministre italien sont durs, mais ils puisent dans une émotion généralisée dans l’Europe qui, il y a quelques jours à peine, semblait n’être que nouveaux murs et barbelés contre les étrangers : « la question des migrants ne divise pas le PD (parti démocratique, gauche) et les droites, mais l’humanité et la bestialité ». Il faisait allusion à la photo de ce petit syrien de trois ans, Aylan, mort en bordure de plage en Turquie alors que sa famille tentait de gagner la Grèce, puis l’Europe du nord et enfin le Canada où elle voulait rejoindre un parent.

En seulement quelques jours, la rue européenne vit un retournement d’émotion très sensible depuis la photo de Aylan mort dans l’innocence de son enfance. Des réfugiés syriens et afghans acclamés en Autriche et en Allemagne, dans un parterre d’habits, un débordement de jouets et de produits de première nécessité : nationalistes et populistes de tous bords n’en reviennent tout simplement pas ! La Haut-commissaire de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, Federico Mogherini, ne peut que prononcer les paroles du constat d’évidence : « il n’est plus permis de faire semblant de ne rien voir ».

La question de la migration est en effet à la Une de tous les médias, Aylan a accompli le miracle de la sortir de la seule logique des polémiques fatalistes. Mme Mogherini n’a pas de doute : « La crise des réfugiés n’est pas une urgence passagère ; elle est faite pour durer. Et plus tôt nous l’admettrons politiquement et psychologiquement, et plus tôt nous saurons lui apporter les réponses efficaces. Le temps des illusions est fini. Des pays en seront chamboulés », avertit celle qui fut ministre des Affaires d’Italie et qui, à ce poste, criait dans le désert devant le peu d’empressement de l’Europe au secours d’une Italie abandonnée seule à faire face aux vagues de migrants.

Elle ajoute une autre série d’évidences qui valent sans doute action : la convention de Dublin, qui prévoit qu’un migrant dépose sa demande de requérant d’asile dans le premier pays où il entre en Europe, est dépassée. Des Syriens ont préféré littéralement « enjamber » Grèce et Hongrie, pour aller en Allemagne. De même pour des Soudanais, érythréens et sud-soudanais transbahutés entre l’Italie et la France, deux pays européens, qui tiennent à se faire enregistrer comme réfugiés en Grande-Bretagne. Mme Mogherini souligne que l’Union européenne doit s’atteler à un travail de longue haleine pour d’abord éteindre les guerres en Syrie, en Libye, en Irak et dans des pays d’Afrique si elle veut apporter une solution un tant soit peu durable au problème.

Le tout est à mener de pair avec la lutte contre les trafics d’êtres humains, le secours aux migrants en mer y compris, bientôt, dans les eaux internationales : un vaste chantier. Qui rencontrera les objections ouvertes de beaucoup, et les grimaces obstructives des forts-en-gueule de toujours. « Aujourd’hui, le sursaut politique est venu de l’Allemagne d’Angela Merkel, que cela ne nous détourne pas de la vraie urgence : l’Afrique », rappelle l’ancien président de la Commission européenne et ancien Premier ministre italien Romano Prodi.

«Les migrations générées par les guerres et les conflits sont une chose, mais il ne faut pas oublier celles provoquées en grande masse par la pauvreté, notamment en Afrique », avertit-il. « Or devant l’ampleur du problème, on ne voit se profiler aucune solution digne de ce nom », estime-t-il. Comme on voit, chacun y va de son analyse, quitte à cafouiller ensemble sur la désignation du phénomène. En quelques heures les immigrés et clandestins d’hier sont devenus des migrants, des réfugiés. Tout se mélange. En Hongrie, le président Viktor Orban reste droit dans ses bottes: « l’Allemagne se trompe. Ces migrants sont une menace pour l’identité de l’Europe ». En Italie, Matteo Salvini du mouvement xénophobe de la Ligue du Nord est sans doute le seul à oser dire : « Orban a raison ».

Lucien Mpama

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