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La promotion des investissements: quels leviers d’actions?Mardi 17 Novembre 2015 - 19:52 La capacité d’une économie à attirer des investisseurs ou des acquéreurs des biens durables en vue d’en tirer profit, peut se mesurer par le taux d’investissement, rapport entre les flux d’investissements internationaux reçus par un pays et son Produit Intérieur Brut (PIB). Ce taux renseigne les investisseurs domestiques et transfrontaliers sur l’attractivité d’une économie. De 2004 à 2015, le Congo a eu le meilleur taux d’investissement de la CEMAC qui est passé de 20,9% à 34%. Mais, cette forte attractivité contraste avec des faibles créations d’entreprises qui sont passées de 2.286 à 592 seulement. Cela signifie que le Congo attire des investissements peu structurants, générateurs d’un faible retour sur investissement, malgré les avantages du code et de la charte des investissements, des coûts compétitifs des facteurs de production et une Agence chargée de Promouvoir les Investissements (API). En cause: I- L’inefficience de la politique des investissements: La charte des investissements fixe trois régimes: - le régime G, destiné aux grandes entreprises qui réalisent un investissement supérieur ou égal à 100 millions de FCFA. Pendant 5ans, il suspend les droits de douanes, exonère les droits d’enregistrement à la création d’entreprises, l’impôt sur les sociétés et sur les personnes physiques, accorde une réduction de 50% des droits d’enregistrement pour les augmentations de capital, les fusions de sociétés, les mutations d’actions et des parts sociales; - le régime S, destiné aux petites et moyennes entreprises qui réalisent un investissement au moins égale à 30 millions et inferieur à 100 millions. Il dure 5ans et en plus des avantages du régime G, l’investisseur bénéficie de la réduction des droits d’enregistrement pour la création de l’entreprise, les augmentations de capital, les fusions de sociétés, les mutations des actions et des parts sociales; et - le régime « P » ou de la zone de développement préférentiel, permettant à toute entreprise exportatrice installée dans les zones franches, de bénéficier d’une modération des redevances définies par arrêté du ministre en charge des finances. Pour en bénéficier, l’entreprise doit avoir un capital social supérieur ou égal au cinquième du montant de l’investissement; utiliser en priorité les matières premières, la main d’œuvre et les services des entreprises locales. La BAD (2014), indique que ces régimes ont coûté à l’Etat congolais 176,4 Mds de FCFA en 2006 contre 438,1Mds de FCFA en 2012. Elles concernent le pétrole à 84,41% en 2006 contre 54,28% en 2012, les contributions congolaises 6,18% contre 34,33%, les normes de la CEMAC 7,65% contre 1,64%, les exonérations exceptionnelles 1,76% contre 9,23%, et génèrent: - un afflux important et constant de l’Investissement Direct Etranger (IDE). Le stock cumulé des IDE du Congo s’établit à plus de 21 Mds $ entre 1980 et 2012, soit 168% du PIB, représentant 0,092% des IDE mondiaux, grâce à un afflux de l’ordre de 2 Mds $ en moyenne par an, avec un pic de plus de 3 Mds $ en 2011. La CNUCED (2014) montre que ces IDE proviennent à 31,7% de l’Afrique, 16% de la France, 9,6% de la Chine, 1,7% du Liban et 41% des autres pays (USA, Brésil,….). Ils sont affectés dans l’Agriculture et l’Elevage (47%) qui ne contribuent qu’à 3,3% au PIB, l’Exploitation Forestière (11%) pour une contribution d’à peine 7% au PIB, les Industries et l’Agroalimentaire (19 %) qui ne contribuent qu’à 3,4% au PIB, et les Services (11 %) qui contribuent qu’à 19,8% au PIB. Les investissements réalisés sont peu structurants et peu rentables. L’économie reste dépendante du pétrole (70% du PIB), alors que ce secteur crée peu d’entreprises (9%) par rapport au Commerce (66%) et aux Services (18%); - un faible taux d’investissement privé, hors pétrole, de 3,9% du PIB. Les 11 banques commerciales et les 35 entreprises de micro banques ne consacrent que 30% de leurs avoirs au crédit intérieur contre 70% au crédit extérieur, contrastant avec une surliquidité bancaire croissante, estimée à plus de 400 milliards de FCFA en 2014. 84,6% des entreprises autofinancent leurs investissements contre 79,3% en Afrique subsaharienne. Les emprunts des banques ne représentent que 4% des financements des investissements des entreprises contre 20% dans la sous région. Ils concernent les activités peu structurantes et peu rentables: 32,18% dans les Transports et les Télécommunications en 2009 contre 12,5% en 2013, 8,37% dans le Commerce de gros en 2009 contre 19,2% en 2013, 21,63% dans le Bâtiment et les Travaux Publics en 2009 contre 26,5% en 2013; alors que les secteurs créateurs d’entreprises sont: le Commerce (71,84%), l’Immobilier (11,38%) et la Construction (8,36%). Les crédits aux entreprises sont à 55,3% à court terme, 43,9% à moyen terme, et 0,8% seulement à long terme. La valeur des garanties requises en pourcentage de prêts bancaires, représente 47,3% au Congo, contre 151,2% en Afrique Subsaharienne. Le coût du crédit bancaire est très élevé, en passant de 14% en 2006 à 9,6% en 2013, même s’il reste inférieur à celui de la CEMAC (14,5% à 9,8%). L’absence de société de leasing, de société de factoring et de capital-investissement, capables de soutenir les projets à haute valeur ajoutée, donne un rôle financier majeur à l’API. II- L’inefficacité du climat des affaires et de la gouvernance des projets: La perte de créance (risque commercial) et la perte du capital investi (risque pays) sont des manques à gagner que redoute tout investisseur. La note «D» du risque commercial du Congo, attribuée par la COFACE en 2015, indique un risque très élevé. L’évolution des notes du climat des affaires du Doing Business de la Banque Mondiale sur 185 pays, montre que le Congo a perdu 32 places en 10 ans, en passant du 146e rang mondial en 2005 au 178e rang en 2015. Plus de 22 impôts et taxes pour 61 procédures fiscales, mobilisant 25 jours et situant le pays au 182e rang mondial. La pression fiscale conduit les entreprises à payer 2,3 fois plus d’impôts que les entreprises des autres pays en Afrique. Elle représente 20 % du PIB hors pétrole, même si l’impôt sur les bénéfices est passé de 48 % du bénéfice en 2000 à 33 % en 2015. Les 11 procédures et 161 jours pour créer une entreprise, situent le Congo au 180e rang mondial. Cette hyper bureaucratie nourrit un fort indice de perception de la corruption, où le Congo a perdu 12 places en 8 ans, en passant du 140e rang mondial en 2006 au 152e rang en 2015. Un «choc de simplification administrative et fiscale» s’impose. Quant au risque pays, les notes du Congo attribuées par le FMI entre 1996 et 2015, indiquent une forte stabilité politique, avec un taux qui est passé de 9,62% à 29,86%. Le climat politique de 2015-2016, conduit la COFACE à dégrader la note du Congo à « C». Celles du Doing Business de la Banque Mondiale (2015), montrent un indice de transparence des transactions de 6% contre 5% en Afrique subsaharienne. L’indice de responsabilité des managers n’est que de 1% contre 5% pour la sous région, l’indice du pouvoir des actionnaires n’est que de 3% contre 5% pour la sous région et l’indice de protection des investissements n’est que de 4,2% contre 4,5% pour la sous région. La gestion prudentielle rigoureuse des projets est plus que nécessaire. Ainsi, l’économie congolaise est relativement attractive. La gouvernance des projets et le climat des affaires sont peu incitatifs et attirent des investissements peu structurants et peu rentables. D’où, la nécessité de réorienter l’IDE vers les secteurs rentables et le crédit bancaire vers l’investissement domestique, de réduire la pression fiscale et de simplifier les procédures administratives dans une gestion prudentielle, afin d’améliorer le retour sur investissement. Emmanuel OKAMBA Maître de Conférences HDR en Sciences de Gesti Edition:Édition Quotidienne (DB) Notification:Non |