Chine/Afrique : la perception de la présence chinoise en Afrique

Jeudi 7 Janvier 2021 - 12:30

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Une enquête détaille la vision que les Africains ont de la présence chinoise sur le continent. Les questions concernent « la manière dont les Africains perçoivent les prêts chinois, les remboursements de la dette et la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de la Chine pour son développement », selon un article paru dans "The Conversation". 

L'année 2020 a marqué le 20e anniversaire du forum sur la coopération Chine-Afrique. Le premier sommet entre le continent africain et la Chine a eu lieu en 2000, à Pékin. Dakar(Sénégal) va abriter le prochain, en septembre 2021. Il sera question du bilan et des prochaines orientations. La coopération sino-africaine a eu des effets positifs, mais inégaux, sur la croissance économique, la diversification économique, la création d'emplois et la connectivité en Afrique. Cette coopération peut être plus diversifiée, dépasser le bais des gouvernements et intégrer d'autres paramètres, tenant compte des opinions et du bien-être des populations africaines.

Selon l'étude de l'institut de recherche panafricain "Afrobaromètre" de 2016 sur la perception des Africains de l'engagement de leurs gouvernements avec la Chine, 63% des citoyens interrogés dans 36 pays avaient une image positive de la Chine. Cette popularité est liée aux projets d'infrastructure, de développement et d’investissement mis en œuvre par la Chine en Afrique. Par contre, les Africains constatent une faiblesse dans la qualité des produits chinois et une absence de création d'emplois sur le continent.

En 2020, Afrobaromètre a mené une autre série d’enquêtes d’opinion dans 18 pays sur la manière dont les Africains perçoivent les prêts chinois, les remboursements de la dette et la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de la Chine pour son développement. D'après les résultats préliminaires, la majorité des Africains préfèrent toujours davantage le modèle de développement américain au chinois. Mais l’influence de la Chine reste considérée comme positive pour le continent, même si les Africains, au courant des prêts chinois, estiment que leurs gouvernements empruntent trop.

Dans un contexte où les dirigeants d'Afrique et de Chine réfléchissent aux modalités de leur coopération, ces résultats sont importants et devraient leur permettre de construire une relation tournée vers l’avenir qui reflèterait mieux les opinions et les besoins des citoyens.

Entre le modèle américain et chinois

Le modèle de développement chinois repose toujours sur une planification politique et un capitalisme de marché dirigé par l’État, tandis que celui de l'Amérique repose sur le marché libre. L'exemple de développement chinois, dynamique et multiforme est souvent plébiscité par les Africains. Ce modèle a évolué en fonction du contexte et de la période. Les Etats africains doivent décider quels aspects du spécimen chinois sont les plus adaptés pour leur pays et tenir compte des limites. Un examen plus approfondi des réponses des enquêtes de 2015 et 2020 montre que dans les pays où la Chine construit des infrastructures, les perceptions sont restées stables ou sont devenues plus positives. C’est notamment le cas au Ghana, au Nigeria, en Ouganda, en Guinée et en Côte d'Ivoire.

Augmentation de la popularité de la Chine au Sahel

Les perceptions de la Chine ont changé en mieux dans certains pays de la région du Sahel, en proie à de multiples défis politiques, sociaux et sécuritaires. Sur le plan stratégique, Pékin s'est impliquée dans les activités de sécurité et de développement, les projets d’infrastructure liés aux Nouvelles routes de la soie et les opérations de maintien de la paix et de sécurité, notamment sous l'égide de l'ONU dans la région. Au Burkina Faso, la popularité du modèle de développement chinois a doublé, passant de 20 à 39% entre 2015 et 2020. En Guinée, où les entreprises chinoises sont principalement impliquées dans des projets miniers, 80% des citoyens perçoivent l’influence économique et politique de la Chine comme positive, 4 points de plus qu'en 2015. Dans l’ensemble, l’implication croissante de la Chine dans la région du Sahel semble avoir eu un fort impact sur les opinions des citoyens.

Impact économique et remboursement de la dette

Une majorité de citoyens africains considèrent que les activités économiques de la Chine ont "assez" ou "beaucoup" d’influence sur les économies de leur pays. Une proportion passée de 71% en 2015 à 56% en 2020 dans 16 pays. Alors que six Africains sur dix considèrent l’influence de la Chine sur leur pays comme positive, cette perception est passée de 65% à 60% dans ces pays.

Perception de l’influence positive de la Chine

Par ailleurs, les puissances régionales africaines, les organisations régionales et des Nations unies, ainsi que la Russie sont également perçues comme des entités ayant une influence positive. L’influence russe est perçue comme étant positive par 38%. Cela pourrait être le reflet de l'engagement politique, économique et sécuritaire croissant de la Russie avec l’Afrique, ainsi que le rôle des médias russes.

L’enquête révèle également que moins de la moitié (48%) des citoyens africains sont au courant des prêts chinois ou de l’aide financière octroyée par la Chine à leur pays. Parmi ceux qui ont déclaré être au courant de l’aide chinoise, plus de 77% étaient préoccupés par le remboursement des prêts. Une majorité (58%) estime que leurs gouvernements ont emprunté trop d’argent à la Chine. Dans les pays qui ont reçu le plus de prêts chinois, les citoyens se sont dits préoccupés par l’endettement. C'est le cas au Kenya, en Angola et en Ethiopie. Dans ces Etats, respectivement 87%, 75 % et 60% des citoyens sont préoccupés par le fardeau de la dette.

Des enseignements à retenir

- Primo, il n’y a pas de monopole ou de duopole d’influence en Afrique. Au-delà des Etats-Unis et de la Chine, il existe une mosaïque d’acteurs, africains et non africains, que les citoyens considèrent comme ayant une influence politique et économique sur leur pays et son avenir. Ces acteurs comprennent: les Nations unies; les puissances régionales africaines et la Russie.

- Secundo, si l’influence chinoise reste forte et positive aux yeux des citoyens africains, elle l’est dans une moindre mesure qu’il y a cinq ans. Cette baisse de popularité pourrait également être liée à la perception autour des prêts et de l’aide financière, au manque de transparence, aux discours autour du « piège de la dette » et aux « allégations de mainmise » sur les ressources africaines par la Chine.

Noël Ndong

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