Colonel Gérard Lemoine : une nouvelle arche d’alliance UA-UE ? Oui, mais quelle Afrique ? quelle Europe ?

Dimanche 30 Mars 2014 - 1:45

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À y regarder de plus près, chaque puissance anciennement colonisatrice a gardé ses zones d’influence par des liens culturels, linguistiques, économiques. Il ne peut pas en être autrement. Mais ces zones sont de plus en plus concurrencées par deux ogres – l’Inde et la Chine – qui ont besoin de leurs ressources minérales et de terres cultivables. À cela s’ajoute le dynamisme des États-Unis et de l’Allemagne. La lutte est âpre et sans merci, même de la part de nos plus « solides » amis. Leurs intérêts, de tout temps, passent légitimement avant tout

Gérard Lemoine a été formé à Saint-Cyr. Ce colonel du génie a officié surtout en Afrique. Puis il a été sous-préfet dans différentes villes : Saint-Pierre-et-Miquelon, Mamers, Saint-Dié. Son parcours l’a amené à exercer auprès de différents ministres sur la question de la Francophonie.

L’Afrique est une bombe démographique à retardement. Deux milliards d’habitants vers la moitié de ce siècle, c’est-à-dire dans peu de temps, et nous devons faire face à ce défi au plus vite et avec méthode. L’œuvre accomplie par la France au xxe siècle est immense. Halte à la repentance, place à la politique du donnant-donnant, comme le font les autres grandes puissances. L’Afrique francophone est pleine d’énergie. Partout, c’est l’émergence de savoir-faire, la maîtrise du numérique, des brevets sont déposés. On note la prise de conscience de la gestion de la nature, comme le grand projet initié par le président Sassou-N’Guesso pour la protection des grands massifs forestiers équatoriaux (Afrique centrale, Amazonie, Indonésie).

L’Afrique subsaharienne souffre encore de ses maux endémiques : luttes entre ethnies sous couvert de religion, auxquelles s’ajoutent certaines faiblesses dans la gouvernance des États, dès lors que la définition de « bonne gouvernance » par une instance internationale au-dessus de tout soupçon (l’ONU, par exemple) est reconnue et admise. À cela il faut ajouter les immenses besoins en terme de santé, d’éducation et d’infrastructures.

À quoi servent l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) ? Sont-ce des éléments fédérateurs pour le développement de l’Afrique et pour le profit de l’Europe ? À mon avis, beaucoup d’eau coulera encore dans les rapides du Congo avant que cela ne soit pleinement le cas ! Qu’on le veuille ou non, les liens pour ce qui est de la France avec son ancienne Union française sont plus forts qu’on ne le pense. Rappelons-nous le tribut du sang versé pendant la Première Guerre mondiale dont nous commémorons le centenaire cette année, le rôle essentiel et hautement symbolique de Brazzaville, capitale de la France-Libre pendant la Seconde Guerre mondiale... Cela est indélébile et ne peut être biffé d’un trait de plume par quelques tenants obstinés de la repentance. Tout comme cette œuvre majeure et magistrale, comparable aux pyramides en leur temps, qu’est la réalisation du chemin de fer Congo-Océan qui attend son monument pour la plus grande gloire de tous ceux qui ont souffert et sont morts.

On ne peut pas en vouloir aux Tchèques, Polonais et autres Croates de ne pas se sentir une âme africaine. Ce n’est pas leur histoire. L’Union européenne dans l’état actuel de ses structures n’a pas une âme pour raisonner à l’échelon d’un continent, c’est la raison pour laquelle il faut laisser la France à son rôle majeur dans le développement de l’Afrique francophone, quitte de temps à autre, à la demande expresse des instances internationales, telles l’ONU ou l’UA et bien sûr des États concernés, à être le « pompier-gendarme » pour éteindre les « incendies » et surtout apporter les compétences techniques pour remédier aux accidents de parcours. Il faut être persuadé qu’il ne saurait y avoir de quelconque ingérence dans les affaires de nos amis africains, mais une stricte coopération d’égal à égal.

Dans cette politique du donnant-donnant qui a cours actuellement, il est légitime que nous défendions nos intérêts économiques. Ce n’est pas l’UE qui peut le faire. C’est pourquoi je plaide pour la renaissance d’un ministère de la Coopération digne de ce nom, où nos amis africains auront toute leur place avec l’Organisation internationale de la Francophonie et le Forum francophone des affaires, dès lors qu’on sait faire taire les ego !

Quant à l’Union africaine, lorsque l’on se penche sur son passé et la manière dont elle a été créée et a évolué, elle reste une institution située au nord de la zone sahélienne. Son rôle modérateur pour éviter les conflits reste limité, tant pour des raisons matérielles que politiques.

Alors que peuvent faire ces deux mammouths ? En dehors de grands programmes d’infrastructures et de recherches scientifiques médicales interétatiques et zonales, l’effort reste pour l’heure dans le développement de relations bilatérales ou sous-régionales, basées sur la confiance et l’efficacité.

Une énergie immense se manifeste chaque jour en Afrique et à travers sa jeunesse. Un défi, que nous Français devons relever en développant toujours plus les coopérations décentralisées et locales, tout en renforçant les programmes du service civique en faisant participer les jeunes nés dans les banlieues françaises et qui n’ont jamais connu la terre de leurs ancêtres.

L’heure est venue de boire un bon jus chez Jules Ngoma à Poto-Poto et de laisser les nems à d’autres occasions! L’heure est venue de construire une nouvelle arche d’alliance qui partira des rives du fleuve Congo pour rejoindre les rives du fleuve Seine !

Colonel Gérard Lemoine