Couleurs de chez nous : « On a viré ? »

Dimanche 8 Octobre 2017 - 12:17

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Encore une expression très présente dans les échanges entre Congolais. Surtout quand approche la fin de mois. Vous entendrez régulièrement « On a viré ? », même si, dans un langage soutenu, la question devrait être autrement formulée.

C’est pour les Congolais une manière de s’informer si les salaires sont disponibles ou non dans les banques. En effet, les salaires, au Congo, sont payés via les banques bien qu’il existe encore des catégories de travailleurs qui perçoivent leur dû à la « main », c’est-à-dire : directement auprès des agents chargés de la paie. Pourquoi cette question devient récurrente et s’éternise alors que le salaire est un droit dès lors que l’employé a accompli sa tâche ?

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. D’abord : le fort taux de fonctionnaires dans ce pays, car l’Etat demeure ici le principal employeur.  Ensuite, à cause de la crise économique de la fin des années 1980 qui a perduré jusque vers 2000. Durant cette période, les salaires étant difficilement payés, et les arriérés s’accumulant, les fonctionnaires ont commencé à regarder avec anxiété le ministère des Finances, chargé du virement, et les banques pour « toucher » les « fameux » salaires.

Pays de fonctionnaires, chacun de ceux-ci a derrière lui de nombreuses bouches à nourrir. Pour prendre une image : un fonctionnaire est vu comme cet aigle dont le retour est un signe d’espoir pour les aiglons nichés entre deux branches au faîte d’un arbre et à qui il doit recracher des morceaux de viande. Au Congo, un fonctionnaire qui perçoit son salaire doit, solidarité oblige, le répandre auprès des siens. D’où, l’engouement collectif autour du virement des salaires.

A partir du 24 ou du 25, que d’appels ou de Sms allant de Bétou à Mossendjo, de Mossaka à Zanaga, de la vendeuse au marché vers sa voisine enseignante aux seules fins de s’informer sur le salaire. Et c’est là que toute information y relative prend de la valeur avec cette tentation, pour certains, de jouer à la manipulation ou de tenir la dragée haute aux autres.

« On a viré ? ». Pour des besoins de la cause, les codes ont fait florès autour de l’expression. On entendra, de plus en plus : « Il pleut déjà ? » ; « Que dit la météo ? »  « ‘’IL’’ pisse quand ? » (Il étant mis pour le ministre des Finances quand on ne veut pas prononcer son nom), etc.

Et qu’arrive-t-il quand on paye réellement ? Je vous laisse le vérifier devant les agences de banques, entre le 30 et le 03 de chaque mois. L’ambiance qui y règne, 24H/24, fait partie des couleurs de chez nous.

Van Françis Ntaloubi

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