Environnement : Joël Lenka : « Notre but n’est pas de faire un bras de fer contre les braconniers »

Vendredi 3 Novembre 2023 - 12:02

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Sa mission est d’apporter son expertise dans la procédure légale dans la lutte contre le braconnage aux agents de la Wildlife Conservation Society (WCS), structure qui assure la gestion du Parc national Nouabalé-Ndoki. Juriste de formation, Joël Lenka nous fait le point sur sa mission au sein de ce parc inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Quelle est la spécificité de ce parc ?

Joël Lenka (J.L.) : Créé en 1993, le parc Nouabalé-Ndoki est l’une des forêts tropicales les plus intactes du bassin du Congo abritant une population cruciale de grands mammifères emblématiques et menacés, tels que les gorilles des plaines de l’ouest, les chimpanzés et les éléphants de forêts. Il est situé à plus de 900km au nord de Brazzaville et c’est le seul dans la sous-région qui ne soit pas habité par l’humain contrairement à d’autres parcs, tous les villages autour du parc se trouvent à plus d’une dizaine de kilomètres.

L.D.B.C. : Votre rôle au sein du parc ?

(J.L.) : J’appuie les agents de l’économie forestière, qui s’occupent du service de la conservation, de la biodiversité dans les questions de procédures légales et dans l’application de la loi. En fait, nous surveillons les activités liées  au braconnage, ce qui nous conduit souvent à des interpellations et à l’élaboration des procédures qui sont ensuite présentées devant le procureur. En gros, on  apporte notre expertise sur les procédures judiciaires. 

L.D.B.C. : Les communautés environnantes profitent-elles de la renommée de ce parc ?

J.L. : On ne peut pas conserver sans impliquer la communauté ! En effet, parmi les trois départements de base que nous animons, en dehors de celui de la protection, on a celui de la recherche scientifique et un grand département chargé de développement communautaire qui accompagne les communautés dans l’accomplissement de certaines activités rémunératrices afin de les désintéresser de la chasse illicite dont elles étaient dépendantes avant la création du parc. Ces communautés bénéficient donc de plusieurs avantages comme l’appui à la scolarité  (des écoles ont été construites, les enfants sont bien encadrés et les enseignants sont payés par  la structure), l’appui à la santé (on a un grand centre intégré  qui prend en charge les indemnités des agents), l’appui au financement des petits projets.

L.D.B.C. : Y a-t-il au sein du parc Nouabalé-Ndoki des espèces en voie d’extinction ?

J.L. : Les tendances varient selon les periodes, jusque dans les années 2020, la ménace était beaucoup plus portée sur l’éléphant, parce qu’à l’époque le marché de l’ivoire était très prisé, mais depuis un moment ça s’est estompé puisque des réseaux ont été décelés et les malfaiteurs arrêtés. Aujourd’hui, c’est au petit gibier qu’ils se sont tournés juste pour la consommation  et cela se fait  aux frontières de la RCA et du Cameroun.

L.D.B.C. : Quelles sont les sanctions encourues par les braconniers ?

J.L. : La loi 37/2008 prévoit tout un panel de sanctions qui vont de 0 à 5 ans d’emprisonnement selon l’infraction commise, quand une infraction porte sur une espèce protégée, vous encourez 5 ans d’emprisonnement ferme plus les amendes, quand elle est sur une espèce partiellement protégée, c’est 18 mois d’emprisonnement ferme, donc l’infraction varie selon l’espèce, selon l’outil que vous utilisez, et aussi selon la zone de chasse, puisqu’il est interdit de chasser dans une aire protégée et peu importe l’espèce que vous abattez, vous courez la peine maximale, c’est-à-dire 5 ans.

L.D.B.C. : La loi existe, mais est-elle conformement appliquée?

J.L. : Oui, depuis notre arrivée, la loi est observée. Si avant les poursuites n’aboutissaient pas, c’est que la loi était peu connue des agents. Aujourd’hui, avec la connaissance de la loi, les agents mesurent bien la teneur ou la gravité de l’infraction. Et avec la mise en place des campagnes de sensibilisation impliquant tous les acteurs de la loi, nous arrivons à obtenir des peines et c’est déjà une grande avancée.

L.D.B.C. : L’application de la loi  a-t-elle réussi à décourager les braconniers ?

J.L. : L’application de la loi est un processus de dissuasion, notre souhait n’est pas de faire un bras de fer contre les braconniers, mais de lutter pour la conservation des espèces. Effectivement quand la loi est appliquée, on atteint un niveau de peine élevée et on a de moins en moins d’attaque sur les grands mammifères et sur l’utilisation des armes de guerre. Il y a aussi le trafic qui est sévèrement réprimé et la commercialisation interdite. Il sied aussi de savoir qu’en période de fermeture,  c’est-à-dire entre 1er novembre et ce jusqu’au 30 avril, la chasse est strictement interdite.

L.D.B.C. : Y-a-t-il des espèces en voie de disparition ?

J.L. : Il y a le perroquet qui n’est pas intégralement protégé mais à la suite des rapports scientifiques réalisés tout dernièrement, il a été recommandé à chaque pays de classer cette espèce parmi celles qui devraient être entièrement protégée, parce qu’il subit une grande menace.

 

Propos recueillis par Berna Marty

Légendes et crédits photo : 

Joël Lenka/DR

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