Khalid Bouchama : « Cimaf s’inscrit dans la démarche de développement industriel du Congo »

Samedi 12 Novembre 2016 - 14:17

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À presque une année de la mise en service de la cimenterie "Cimaf" au Congo, le directeur général de cette industrie, Khalid Bouchama, rappelle dans une interview aux Dépêches de Brazzaville les engagements de sa société de contribuer à l’industrialisation du Congo, en dépit de la conjoncture économique et la concurrence déloyale qui impactent négativement ce secteur.

Peut-on savoir comment se portent vos activités?

Nous avons démarré notre usine avec grand succès le 23 novembre 2015 et nous avons atteint les performances requises très rapidement pour produire notre premier sac de ciment le 1er décembre 2015. Ceci ne pouvait nous parvenir sans l’engagement total et la compétence de notre personnel recruté localement et ayant reçu une formation multidisciplinaire très approfondie dans nos usines au Maroc et en Côte d’Ivoire.

Je rappelle que l’installation de notre usine a nécessité un investissement de 35 millions d’euro dont 15% dédié à la protection de l’environnement. Notre capacité de production annuelle s’élève à 500 mille tonnes extensibles à un million de tonnes. Cet investissement a généré la création de 500 emplois directs et indirects.

Malheureusement, notre démarrage a coïncidé avec une conjoncture économique difficile du pays qui a eu un impact négatif sur la demande en ciment, soit une baisse d’environ 25% par rapport à la même période de l’année précédente.

Face à cette situation, les ventes restent en deçà de nos attentes et notre usine ne tourne pas à sa capacité nominale de production, mais nous gardons toujours espoir et restons très confiant que cette situation ne va pas perdurer.

Quelle est votre appréciation de l’industrie du ciment au Congo. Est-elle porteuse d’espoir ?

Bien sûr, elle est porteuse d’espoir, le Congo est en pleine construction avec un taux d’urbanisation plus élevé par rapport aux autres pays de la sous-région.

La consommation totale annuelle du pays a pratiquement doublé entre 2010 et 2015. Elle a atteint 1,25 million de tonne en 2015, soit environ 250 kg par habitant alors que la consommation moyenne mondiale est de 550 kg.

Puis, la grande partie du ciment consommé au Congo est importée, soit 75% contre 25% produit localement. Il est temps de renverser cette donne et de remplacer les importations par du ciment Made in Congo.

Ensuite, l’économie du pays dépend à plus de 70% des ressources pétrolières, d’où la nécessité de diversifier le tissu économique national et lancer une forte industrialisation. La réalisation de notre usine s’inscrit parfaitement dans cette démarche du développement économique du pays, prônée par le chef de l’Etat et le gouvernement qui œuvrent pour faire du Congo un pays émergent à l’horizon 2025.

Enfin, avec une position géographique stratégique et avec une façade maritime de 170 kilomètres sur l’océan Atlantique et un port en eau profonde à Pointe-Noire dont pourrait bénéficier l’ensemble de la sous-région, le Congo possède un fort potentiel pour devenir un grand exportateur de ciment vers les pays voisins, notamment la RDC, la RCA et l’Angola. Ceci permettra d’inverser la tendance actuelle en passant d’un pays importateur de ciment à un pays producteur autosuffisant et puis exportateur.

LDB : Vous envisagiez, lors de votre installation de démarrer votre production à 500 mille tonnes par an avant d’atteindre le cap de 1 million de tonnes. Quel est le niveau actuel de production ?

Effectivement, notre production est en progression continue depuis le démarrage mais pas avec la vitesse souhaitée.

Pour les raisons déjà citées auparavant et surtout par rapport à la concurrence déloyale pratiquée par certains importateurs, les ventes restent en deçà de nos attentes et notre niveau de production reste inférieur à 40% de notre capacité installée.

Afin de rentabiliser ces investissements lourds et les pérenniser, le taux d’utilisation de l’usine doit être supérieur à 70%. Pour atteindre ce niveau, nous avons entamé plusieurs actions sur le plan commercial, la distribution et le marketing, qui commencent à donner des résultats palpables sur le terrain ces trois derniers mois malgré les contraintes rencontrées.

Quant au cap d’un million de tonnes, je précise que notre implantation au Congo s’inscrit dans la durée à l’instar des autres pays où nous sommes installés. A titre d’exemple, en Côte d’Ivoire, nous avons démarré en fin 2013 avec une usine de 500 mille tonnes à Abidjan identique à notre usine à Pointe Noire, cette même usine s’est vu dédoubler de capacité au bout de deux ans.

Le dédoublement de la capacité de l’usine de Pointe Noire dans notre plan de développement est prévu avant la saturation de la capacité installée actuellement, qui ne pourrait nous parvenir sans l’arrêt des importations du ciment.

Les cimentiers dont Cimaf dénoncent une « concurrence déloyale » pratiquée par les importateurs qui, d’après vous, constituent une menace pour les industriels que vous êtes. Aviez-vous eu du répondant du côté du gouvernement ?

Nous avons eu plusieurs rencontres avec tous les ministres concernés, y compris celui de la Justice et dernièrement le Premier ministre a réuni tous les opérateurs du ciment, industriels, importateurs, distributeurs et consommateurs en présence des ministres du Commerce et de la Justice, de la chambre du commerce et de l’industrie et d’UNICONGO, afin d’analyser la situation et de prendre une décision.

Les autorités sont sensibilisées de la problématique que vit l’industrie locale et Cimaf en particulier, et nous sommes très conscients et nous constatons une réelle volonté du gouvernement pour protéger l’industrie du ciment et nous avons reçu des promesses fermes d’arrêt des importations.

Je profite de l’occasion pour remercier tous les ministres qui croient à l’industrialisation du pays et ne ménagent aucun effort pour y aboutir.

Malgré cela, les importations de ciment au Congo continuent d’inonder le marché au détriment du ciment produit localement. Nous espérons que la volonté du gouvernement se concrétisera rapidement sur le terrain et que les importations qui impactent négativement l’économie nationale cesseront très bientôt.

Il s’agit pour tout le secteur, des investissements de plus d’un milliard de dollar d’investissement qui risquent de fermer et de 3000 emplois directs et indirects, avec un manque à gagner pour l’État en matière de recettes fiscales et douanières estimé à plus de 10 milliards de FCFA par an.

Nous espérons que l’État congolais saura prendre les mesures nécessaires pour arrêter ces importations frauduleuses qui n’ont d’autres buts que de détruire l’économie nationale, la richesse locale et les emplois, ainsi permettre aux industriels de jouer pleinement leur rôle de moteur économique.

Le ministère du Commerce justifie les importations par la faible productivité des cimentiers, notamment Cimaf qui jusque-là n’arrive pas à couvrir le marché national. Que répondez-vous face à ces attaques ?

Nous ne voyons pas cela comme une attaque, c’est plutôt une remarque ou une crainte exprimée par le ministère du Commerce à laquelle nous avons déjà repondu à multiple reprises lors de nos différentes rencontres et d’une façon très rationnelle. D’ailleurs notre ciment est le premier ciment à arriver dans les villes du nord du pays, en l’occurrence la ville de Ouesso. Avant, cette ville s’approvisionnait au Cameroun.

En effet, le mode de fonctionnement d’une usine est tout à  fait différent de celui des importateurs. La capacité de couvrir le marché se mesure chez les industriels, par leur capacité de produire du ciment et non par la quantité de ciment stocké, nous stockons plutôt les matières premières et nous avons des contrats fermes pour au moins une année avec des fournisseurs internationaux qui nous en approvisionnent selon un planning bien défini, tout en gardant un stock important d’autonomie pour au moins trois mois selon l’évolution des ventes.

Aussi, utilisons-nous des plateformes de vente dans les grandes villes qui sont alimentées au fur et à mesure par camion ou par train. En plus, un service de rendu client est disponible afin de livrer directement dans les chantiers des clients là où ils se trouvent.

L’objectif est de fournir du ciment de qualité à peine produit au lieu d’un ciment transporté en mer pendant au moins 45 jours, puis stocké dans des conditions inappropriées 2 ou 3 mois (voire 7 mois) avant d’être vendu.

Par la même occasion, nous avons lancé un investissement de 10 milliards FCFA en partenariat avec le CFCO afin de raccorder notre usine, nos plateformes de vente à Pointe Noire, Brazzaville, Dolisie et le port autonome de Pointe Noire, afin d’optimiser les coûts de transport et d’assurer une meilleure disponibilité de nos produits sur tout le territoire.

Comment justifiez-vous le fait que toute la matière première destinée à votre production provienne encore du Maroc. Est-ce que vous ne trouvez pas le nécessaire au Congo ?

Les matières premières ne proviennent pas forcément du Maroc, mais plutôt du marché international. Principalement le clinker qui est un produit semi-fini et le gypse dont il n’y a pas de gisement au Congo. La seule matière première disponible en local c’est le calcaire pour lequel nous disposons déjà d’une carrière à Tao-Tao et des autorisations d’exploitation nécessaires. La mise en exploitation de cette carrière est prévue dans un avenir proche après l’achèvement du projet ferroviaire qui prévoit un embranchement de la carrière pour acheminer le calcaire vers l’usine.

Guy-Gervais Kitina

Légendes et crédits photo : 

Le directeur général de Cimaf, Khalid Bouchama; Une vue de l'Usine de Cimaf à Hinda / Photos DR

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