Processus de pacification du Pool: l'Accord de Kinkala, et après?

Mardi 26 Décembre 2017 - 14:45

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Entre espoir et appréhensions, les Congolais attendent de voir les parties signataires de l’accord du 23 décembre mettre un terme aux violences qui secouent le département du Pool depuis bientôt deux ans.

L'une des questions posées à Jean Gustave Ntondo, le représentant de Frédéric Bintsamou (pasteur Ntoumi), après la signature de l'Accord du 23 décembre, à Kinkala, dans le Pool, a été de savoir s'il a bel et bien reçu mandat du chef rebelle pour parler en son nom. Réponse affirmative évidemment : " Nous ne nous serions pas permis de venir signer un tel accord par fantaisie », a-t-il argumenté, citant au passage son propre nom et celui de son collègue, Franck Euloge Mpassi, comme étant les deux délégués mandatés par ce dernier. Mais comme chacun sait, cet accord est le troisième de la série qui implique la rébellion que mène Ntoumi depuis quasiment vingt ans.

Le 29 décembre 1999, sous l'égide de feu le président gabonais, Omar Bongo Ondimba, un accord de cessez-le-feu et de cessation des hostilités est signé à Brazzaville, entre le gouvernement et le Conseil national de la résistance, dirigé par le pasteur Ntoumi. En mars 2003 interviennent ce que l’on a appelé les accords croisés de paix entre les deux parties. À chaque fois, Frédéric Bintsamou ne se présente pas en personne pour apposer sa signature au bas du texte d'accord. Néanmoins, de ces "accords croisés", il obtient d'être nommé, en 2007, délégué général auprès du président de la République chargé de la promotion des valeurs de paix et de la réparation des séquelles de guerre. Il assume officiellement cette fonction entre 2009 et 2016.

Brin d’optimisme

Dans un processus aussi complexe que celui du retour de la paix dans le département du Pool, le dénouement de Kinkala, à un moment où le processus se figeait, mérite d'être salué. En ce sens, et malgré toutes les épouvantes compréhensibles, Jean Gustave Ntondo n'a peut-être pas eu tort de parler "d'un grand jour" pour le Congo. L'accord intervient, pourrait-on dire, à la surprise générale mais la rencontre du 3 octobre entre le président Denis Sassou N'Guesso et les sages et notables du Pool a incontestablement servi de déclencheur de paix.

Contrairement, en effet, à ce que l'on a entendu dire, à savoir que cette rencontre n'avait aucune prise sur les événements, l'appel du chef de l'Etat invitant les ninjas-nsiloulous à déposer les armes et à se rendre avait reçu un écho favorable chez ces derniers. Après presque deux ans de rébellion, ces miliciens vivant de rapines dans des conditions difficiles en forêt étaient à bout de souffle. Ils voulaient en finir, sortir, abandonner. Par contre leur chef, craignant de se faire oublier une fois ses fidèles rentrés en ville, avait dû puiser dans les ressorts du pacte rigide qui le lie à ses hommes pour en quelque sorte demander la contrepartie. D’aucuns ont prétendu qu’il préconisait gagner un pays voisin pour rejoindre un cousin à lui en délicatesse lui également avec les autorités de là-bas.  

Il restait donc à définir les modalités de cette reddition au cœur d’un amas de rumeurs dont Brazzaville est coutumière. Il a souvent été dit que des forces obscures, tentaculaires, tiraient les ficelles de cette situation, que les initiatives se multipliaient sur le terrain sans aucune coordination, que le statu quo profitait aux opposants radicaux qui en faisaient leur petit bol de lait sur place et à l’étranger. Tout ceci est difficile à vérifier. L'accord de Kinkala est-il parfait sur toute la ligne ? Il est assurément un pas significatif dans la mise en œuvre du processus de sortie de crise que compte conduire la Commission ad’ hoc paritaire de suivi dont la création a été annoncée par les parties signataires.

Défense évanescente

Au fait, à quoi aura servi ce énième coup de sang du pasteur Ntoumi ? À sceller un retour en arrière dommageable pour le pays tout entier et pour le département du Pool sorti il y a peu grandi de sa municipalisation accélérée en 2012. La célébration, cette année-là, de la fête nationale du 15 août dans le chef-lieu Kinkala avait laissé une très belle impression d'un territoire qui renaissait après des années de violence avec la même rébellion éclatée pour rappel en décembre 1998.

Dans ce même enchaînement de bonnes perspectives pour le Pool étaient lancés les travaux de construction de la route Ngambari-Mindouli. Par ailleurs, l'inauguration, en 2016, de la route lourde Brazzaville-Pointe-Noire complétait harmonieusement la chaîne des transports routiers et ferroviaires entre les deux plus grandes villes du Congo, puisque le CFCO, malmené lui aussi par les troubles sociopolitiques, était de nouveau opérationnel.

Traversé par les deux voies, le Pool, en tout état de cause, bénéficiait au même titre que le Kouilou, le Niari et le Bouenza, d'atouts indéniables sur le chemin de la relance de l'activité économique. L'exposition à la vente de produits divers, agricoles surtout, fruit du labeur des paysans installés le long des deux tronçons, est un des maillons de cette relance qui bénéfice à la population.

Quand on pose la question aux ninjas-nsiloulous sur l'intention de leur chef de prendre le pouvoir par les armes, ils racontent assez confusément que cette idée ne l'a jamais traversé. Alors que veut-il ? Que voulez-vous tous ensemble ? Les réponses qu'ils avancent s'inscrivent quasiment dans le même chapitre : ils n'en savent presque pas grand-chose. Peut-être font-ils partie de la "masse commune" de ceux qui suivent sans trop savoir pourquoi des chefs qui eux savent tout. On n’imagine tout de même pas que les nombreuses incursions armées menées contre Brazzaville avec tant de victimes enregistrées ne sont guidées que par le seul plaisir de faire parler la poudre.  

L'Etat régalien 

Il est vrai, cependant, qu'en vingt années d'une rébellion qui a sa base vitale dans le Pool, une bonne partie de la jeunesse de ce département embrigadée dans ce mouvement est sortie du cycle scolaire et de formation. Cette jeunesse va nécessairement tomber dans les bras du gouvernement, garant de la paix et de la sécurité des biens et des personnes, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale. L'Etat n'y peut rien, pourrait-on dire.

Cette jeunesse sortie du cycle scolaire et de formation espère désormais un programme DDR (démobilisation, désarmement et réinsertion) que le Congo, en situation macro-économique difficile, ne pourrait mener à bien sans le concours de ses partenaires extérieurs. Heureusement que certains de ces partenaires ont pris la mesure de la chose en apportant de l’aide humanitaire aux déplacés. Ils pourront sans doute accompagner le DDR envisagé. Combien sont-ils au total ces ex-combattants à absorber par la réinsertion ? Un millier ? Un peu moins ? La tâche qui attend la Commission ad‘hoc paritaire de suivi est lourde et mérite d'être menée avec doigté. D'autant que se posera aussi, finalement, la question de Frédéric Bintsamou lui-même.

Que le train reprenne à siffler 

Dans la foulée de la traque qu'il a fait déclencher contre lui après les attaques du 4 avril 2016, le Conseil national des républicains, parti politique du pasteur Ntoumi, avait été dissous. Comment va-t-il se réinsérer dans le cours normal de la vie politique et sociale ? Que reste-t-il des actions de justice qui le visaient ? Quelle amende honorable compte-t-il faire en direction de Congolais, ses compatriotes, meurtris par les violences résultant de ses prises de position ?

Autant de questions qui se posent après l'avènement de ce "grand jour" que célébrait, non sans une certaine émotion, Jean Gustave Ntondo, son représentant, mais aussi d'autres Congolais basés au pays ou ailleurs. Pour beaucoup, l’accord du 23 décembre marque le début de la fin des violences armées relevant du fait politique. Le Congo a trop souffert de ces allers-retours hystériques. Il est temps donc que la paix revienne, que le train circule à nouveau sur les lignes du CFCO, que les routes nationales et secondaires traversant le Pool ne fassent plus craindre le pire à ceux qui les empruntent dans le noble but de continuer à vivre et travailler.

Gankama N'Siah

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