Publication : Giresse Akono Gantsui fait le diagnostic de la corruption

Lundi 20 Juin 2016 - 19:36

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Expert certifié-américain en audit et management, Giresse Akono Gantsui, vient de publier, aux éditions Jets d’Encre, un ouvrage qui se veut « révolutionnaire » sur la corruption dans le monde. Dans une interview exclusive, l’auteur décline la substance de l’œuvre titrée : La Corruption : le cancer des sociétés.

Les Dépêches de Brazzaville : De quoi parlez-vous dans ce livre de plus de 540 pages ?

Giresse Akono Gantsui : Dans cet ouvrage, nous mettons en lumière le phénomène de la corruption dans toute sa complexité culturelle à travers les sociétés du monde (Europe, Amérique, Afrique, Asie, etc.). Nous montrons comment elle constitue un véritable cancer pour ces sociétés. Partant d’une étude empirique menée pendant trois ans dans plus de 190 pays du monde, cet ouvrage met en évidence la similitude existant entre le cancer qui affecte les personnes physiques et la corruption qui affecte les personnes morales (Etats, entreprises, associations). La comparaison minutieuse qui est faite entre le cancer et la corruption a permis de déceler plusieurs ressemblances tant dans les origines que dans les mécanismes de l’évolution, montrant ainsi comment la corruption peut être fatale pour un Etat ou pour une entreprise comme l’est le cancer pour l’homme.

LDB : Jusqu’à quel point, ce « cancer » peut-il ronger un Etat, selon vous ?

GAG : Au niveau des Etats, nous montrons dans cet ouvrage comment la corruption ronge les économies nationales dans le monde et empêche la croissance économique des Etats. Pour ceux d’entre eux qui arrivent tant bien que mal à se démarquer, nous démontrons comment la corruption compromet leur développement et les efforts consentis dans des politiques de redistributions justes et équitables. Et ce d’autant plus que l’indice de perception de corruption (mesuré par Transparency International) est un indice de bien-être social car, les pays à fort taux de corruption sont sous-développés socialement (comme la Somalie, la Corée du Nord, etc.) et ceux à faible taux de corruption sont très développés socialement à l’instar de la Suède, du Danemark et de bien d’autres qui sont illustrés dans cet ouvrage. Et de manière tout à fait modeste, on estime à environ 20% le revenu de redistribution social absorbé par la corruption : ce pourcentage variant selon le niveau d’efficacité du dispositif anti-corruption de chaque Etat. Au niveau microéconomique, il est question de la manière dont la corruption affecte les entreprises qui sont les acteurs économiques de premier plan dans la croissance de tout pays. La corruption a des effets pervers sur les entreprises et même les organisations à but non lucratif. Aucun secteur de la société n’est épargné. Qu’il s’agisse des secteurs sanitaire, éducatif ou judiciaire. Nous illustrons comment la corruption ronge chacun de ces secteurs mais à des proportions variées selon qu’on se situe en Europe ou en Afrique et dans un pays ou dans un autre. Et comme dans tout diagnostic efficace, dans cet ouvrage, nous présentons les causes de la corruption illustrées à travers la théorie du triangle vicieux de la corruption avant de proposer des mesures préventives et curatives contre cette pandémie qu’est la corruption.

LDB : Qu’est-ce que cette théorie qui explique les causes de la corruption ?

GAG : Le triangle vicieux de la corruption a été conçu par nous avec l’aide des amis experts criminologues américains. Cette théorie qui est bâtie sur une étude empirique triennale explique comment les individus, quel que soit leur rang social, en viennent à commettre des actes de corruption. On parle de triangle parce que c’est la réunion de trois facteurs qui pousse un individu à être corrompu :  Pression-Opportunité-Rationalisation. Lorsqu’un individu est confronté à une pression (besoin d’argent ou autre) et que sa fonction dans la société lui offre une certaine opportunité, il peut commettre un acte de corruption dès lors qu’il parvient à rationaliser son acte en se disant par exemple c’est l’argent de l’Etat ou je prends ma part (cette dépersonnalisation de l’Etat a été constatée dans la plupart des pays africains). Et ce triangle est vicieux parce qu’il a des effets pervers sur la société tout entière, qui persisteront aussi longtemps que le circuit du triangle ne sera pas interrompu par une action ciblée sur au moins un des facteurs. Ainsi, dans les pays sous-développés où la pression financière est forte en raison des bas salaires, les dispositifs de contrôles inadéquats et l’impunité régnant, on y relève un fort taux de corruption.

LDB : Dans ce cas, quelles mesures avez-vous recommandées ?

GAG : Nos recommandations se structurent autour des mesures préventives (comment empêcher les actes de corruption) et des mesures curatives (comment traiter ces actes en cas d’occurrence). En résumé, la prévention de la corruption passe par la mise en place des dispositifs de contrôle efficaces et surtout dissuasifs : sensibilisation sur les méfaits de la corruption, un niveau de revenu adéquat, etc. Comme mesures curatives, nous recommandons l’application de la théorie de l’exemplarité pyramidale, c’est-à-dire un dispositif de répression des plus hauts fonctionnaires d’Etats afin d’instaurer une vraie culture d’intégrité et dissoudre celle de l’impunité. Signalons que ces recommandations ont permis à certains pays comme le Rwanda ou le Lesotho de figurer dans le Top des pays les moins corrompus du monde et à d’autres comme le Danemark de se maintenir au Top 3. Et aujourd’hui, certains gouvernements d’Asie dont la Chine font recours à nos théories pour sortir du cercle vicieux de la corruption.   

LDB : Qu’est-ce qui justifie le caractère révolutionnaire de cet ouvrage ?

GAG : A en croire les analyses de certains magazines américains, c’est le premier ouvrage panoramique au monde sur la problématique de la corruption. En termes simples, c’est le premier ouvrage au monde qui vous donne une vue globale et non restreinte de la corruption à travers toutes les cultures du monde ; faisant ainsi de la corruption non pas un épiphénomène mais un phénomène global qui implique l’action des nations du monde entier et qui expose une théorie sur les causes de la corruption. Et nous pensons que cela est justifié, puisque l’étude empirique a porté sur la presque totalité des pays du monde.

LDB : En tant qu’originaire du Congo, quelle est votre appréciation sur le niveau de corruption dans votre pays ?

GAG : Il est vrai que l’indice de perception de la corruption mesurée par Transparency International classe le Congo parmi les pays les plus corrompus. La situation n’est cependant pas irréversible en soi. Nous avons assisté certains pays dont la situation était beaucoup plus déplorable que celle du Congo et qui aujourd’hui occupent le podium en Afrique. Nous restons optimistes sur la situation du Congo et en tant que cofondateur du 1er cabinet mondial d’entreprenariat social, Docteur Audit, nous œuvrons pour améliorer l’environnement scriptural anti-corruption du Congo. Par expérience, on ne peut vaincre la corruption sans un élan patriotique de tous les acteurs de la société. Pour la petite anecdote, nous avons renoncé à la publication de ce livre en anglais depuis un pays anglophone, afin que notre pays, puisse bénéficier des retombées positives de sa publication en français et surtout par un de ses fils. Car le fait que cet ouvrage soit publié par un Congolais depuis le Congo impacte l’environnement scriptural anti-corruption qui est un paramètre important dans la mesure de l’indice de perception de la corruption de Transparency International. 

LDB : Qu’attendez-vous du public congolais et où peut-il se procurer cet ouvrage ?

GAG : D’entrée de jeu, nous tenons à signaler que cet ouvrage est un outil de lutte contre la corruption que doit s’approprier tout acteur de la société, car la corruption n’est pas l’affaire du seul gouvernement, mais de la société congolaise dans son ensemble. A propos des lieux de vente, c’est assez déplorable de constater que les librairies congolaises sont réticentes quant à se procurer les ouvrages en management de leurs compatriotes quand bien même ceux-ci sont dans le top mondial en management. En attendant, nous recommandons à nos lecteurs de le commander en ligne sur le site : www.jetsdencre.com, à défaut de l’acheter dans les librairies européennes, américaines ou de certains pays d’Afrique dont le Rwanda et l’Afrique du Sud. Enfin, il convient d’annoncer la préparation d’une autre publication en rapport avec la corruption. Elle vise à aider les Etats et organisations du monde à atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) fixés sur la période 2016-2030 en cours.

Propos recueillis par Thierry Noungou

Légendes et crédits photo : 

Giresse Akono Gantsui, Photo Adiac

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