Religion : premier voyage international pour le pape

Lundi 22 Juillet 2013 - 14:42

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Le premier pape latino-américain a choisi le Brésil pour son premier voyage à l’étranger. Il y rencontrera la jeunesse catholique du monde et y parlera de foi et de sectes

C’est donc au Brésil que le pape François, le premier pape argentin et latino-américain de l’histoire de l’Église catholique, a choisi de dédier sa première sortie vraiment internationale. Du 22 au 29 juillet, le pape jésuite est l’hôte de plus d’un million et demi de jeunes catholiques venus des quatre coins du monde pour la célébration à Rio de Janeiro des Journées mondiales de la jeunesse. Grand rassemblement inventé par le pape Jean-Paul II en 1983, les JMJ sont l’occasion pour le pape de raviver la foi d’une jeunesse invitée à se faire missionnaire auprès des autres jeunes. Elles en sont cette année à leur 28e édition.

Mais le voyage du pape ne sera pas seulement l’occasion de retrouvailles d’autant plus enthousiastes que, parti de ce continent en cardinal en mars dernier, il y revient en Souverain pontife. Le chef de l’Église catholique vient aussi sonner le rassemblement des troupes. Naguère premier pays catholique de l’Amérique latine et du monde, le Brésil est aujourd’hui le pays d’une féroce confrontation fraternelle avec des Églises chrétiennes concurrentes, notamment les mouvements évangélistes protestants. C’est également, tout en restant un des majeurs pays émergents, une terre de tensions sociales qui a vu ces dernières semaines des dizaines de centaines de jeunes descendre sur les places pour réclamer du travail et la fin de la corruption.

En règle générale, le pape actuel est en phase avec les jeunes du monde. Son style de sobriété séduit de larges franges de populations. Ayant choisi de s’appeler François, à l’image du saint d’Assise appelé « le petit pauvre », il étonne chaque semaine par des gestes qui font de lui l’antithèse de l’embourgeoisement et des formalismes pesants. Lundi, avant de grimper l’échelle de l’avion qui le menait au Brésil, il a eu le temps de tweeter aux jeunes de la planète : « J’arrive au Brésil dans quelques heures… » À 76 ans, il portait lui-même sa sacoche en pénétrant dans l’avion !

Dans une interview opportunément recueillie cette semaine, un théologien brésilien renommé (et prêtre défroqué), Leonardo Boff, théoricien de la théologie de la libération, expliquait que le pape François représente « le printemps de l’espérance pour l’Église catholique ». Dans les années 1980, la théologie de la libération a jeté des prêtres dans les maquis d’Amérique latine pour combattre les dictatures les armes à la main ou se joindre aux gouvernements communistes au nom de « l’option préférentielle pour les pauvres ». Le pape actuel est donc, en quelque sorte, une synthèse qui vient refermer le malentendu d’une Église soupçonnée de prôner l’Évangile des privilégiés et des riches et combattre les régimes révolutionnaires au Chili, au Nicaragua ou en Bolivie au nom de compromissions inavouables.

Qu’il relance le renouveau de l’histoire chrétienne en Amérique latine et commence, pour ce faire, par le Brésil, est généralement considéré comme tout bénéfice par le catholique lambda. À la croisée des races et des réalités socio-historiques, le Brésil est comme un condensé de ce que l’Amérique latine représente : pays d’accueil jadis des esclaves et de métissages en tous genres mais aussi lieu de développement des pires criminalités, il est par ailleurs le pays du football, grand rival devant l’éternel de l’autre terre de football, l’Argentine, dont est issu le pape, lui-même reconnu comme un grand passionné de ce sport favori des jeunes.

Enfin, le pape François est aussi homme de dialogue. Son premier livre en tant que pape, est un livre-entretien avec Abraham Skorka, le rabbin de la communauté juive de Buenos Aires publié en mai dernier. Lors de son voyage vers le Brésil lundi, il a adressé des messages de courtoisie à trois pays africains (et musulmans) survolés : l’Algérie, la Mauritanie et le Sénégal. « Je survole le territoire du Sénégal pour me rendre en visite pastorale au Brésil, à l’occasion des 28e Journées mondiales de la jeunesse, je suis heureux de saluer votre excellence et de lui adresser les vœux cordiaux que je forme pour vous et pour tous les habitants du Sénégal » : c’est ce qu’il a écrit par exemple à M. Macky Sall, le président du Sénégal qui était d’ailleurs à ce moment-la en visite officielle à Brazzaville.

Lucien Mpama

Le casse-tête de numérotation revient au Vatican : à lui de décider si le voyage entamé lundi 22 juillet par le pape François au Brésil sera son premier ou son deuxième voyage international. Le Vatican étant un État souverain dont le périmètre des 44 ha s’arrête au-delà de la circonférence de la Place Saint-Pierre, les juristes retiennent que le pape serait déjà en territoire étranger s’il lui prenait envie d’aller acheter du pain chez quelque boulanger de Rome. Le 8 juillet dernier, se rendant à Lampedusa, en Sicile, on avait donc parlé de voyage international. Mais dans l’entendement du commun, un voyage international du pape est effectif dès que le Souverain pontife franchit les frontières de l’Italie. Deux thèses, deux vérités.

Lucien Mpama