Les immortelles chansons d’Afrique : « Pierre de Paris » de Zao

Il s’agit de Pierre, un jeune congolais vendeur de pains au marché de dix francs, à Moungali, le quatrième arrondissement de Brazzaville. Ce jeune homme, ayant bénéficié de la grâce de partir pour la France, se fait appeler « Pierre de Paris » une fois rentré au bercail. Il commence alors à feindre d’oublier sa propre langue au profit du français. Avec ses vêtements de marque, il courtise plusieurs filles et finit par les enceinter. Ici, Zao se révèle comme l’ami de Pierre. Il va donc le blâmer en ces termes : « Oh Pierre, mazuzi kwa tabele a zandu dia dix francs, ta bele sa mampa beurre, bu wele ku mputu bu keri, buabu zou dia ngebeni dia gâta di ku zibakane », comprenez: « Oh Pierre, il n’y a pas longtemps tous les deux vendions du pain avec du beurre au marché de dix francs, parce que tu es parti pour la France et que tu es revenu, tu oublies ta propre langue du village ». L’auteur utilise des expressions : « ngue ngudia ngungu », entendez: « Tu es un véritable menteur » et « bika bu ngungu », soit :« arrête de mentir » pour montrer son indignation.

Cette mélopée s’ouvre par une entrée en pièce instrumentale portée par la batterie de Rikky Siméon, la tumba de Mesmin Nkounkou, la guitare basse de Remy Salomon et la guitare rythmique de Samuel Pembele. Viennent ensuite la section cuivre exécutée par Sammy Trompette et Bruno Houla, le clavier de Freddy Kebano. Après le premier solo vocal de Zao, on entend la flûte percutante de Barnabé Matsiona avant de reprendre la mélodie initiale. Cette flûte va de nouveau intervenir avec le saxo et la trompette avec une autre mélodie qui laissera le temps à Zao de faire l’animation dans un rap embryonnaire accompagné de beatboxing. Dans ce morceau, disons-le, on trouve un métissage de la musique traditionnelle d’Afrique, le jazz et le funk. Cela met en lumière le talent de Jeff Louna en tant que chef d’orchestre. Notons que la manière dont Zao chante renvoie au « spoken word », l’ancêtre du rap.

Né le 24 mars 1953 à Goma Tsé-Tsé, dans le Pool, Casimir Zoba dit Zao a commencé la musique en jouant des percussions et en chantant avec un groupe de son quartier dénommé « Les Gloria ». Après, il va intégrer Les Anges. En 1982, il se présente aux concours Découvertes Rfi pour la deuxième fois avec la chanson « Sorcier ensorcelé » et obtient le Prix de l’ACCT. Le 28 novembre 2017, lors de la célébration de la Journée de la République, il a été élevé au grade de commandeur dans l’Ordre de mérite congolais par le président de la République, Denis Sassou N’Guesso