Agriculture : du maïs performant pour nourrir le bétail congolais

Jeudi 14 Août 2025 - 16:00

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Derrière la faculté de droit de l’Université Marien-Ngouabi, entre le marché Total et le stade Yougos, un petit terrain de 700 m2 pourrait bien changer la donne agricole au Congo. Patrick Mbemba y mène depuis trois ans une expérimentation sur le maïs qui affole déjà les compteurs.

Sur le site discret du deuxième arrondissement de Brazzaville, l'entrepreneur agricole et sa société Eppavpa (Entreprise de production, protection achat et vente des produits agricoles) viennent de décrocher des résultats spectaculaires : 625 kilogrammes de maïs récoltés sur seulement 700 m2, avec encore une parcelle à moissonner.

L’agronome de formation le reconnaît volontiers : le défi était de taille. « La variété seule du maïs ne suffisait pas, il fallait regarder encore le protocole de fertilisation parce que nous sommes dans des sols acides et le maïs est une culture qui n'aime pas ces sols  », a expliqué Patrick Mbemba, qui a développé cette approche innovante en collaboration avec des partenaires italiens.

Le projet démarre en 2021 avec l’introduction de variétés prometteuses comme la VN10, avant d’expérimenter la LG 38778 avec le nouveau protocole de fertilisation. Trois années de recherche minutieuse pour aboutir à ces résultats qui dépassent toutes les attentes.

Patrick Mbemba : « Maïs égale poulet »

La réussite technique de cette expérience cache un enjeu économique majeur que Patrick Mbemba résume en une formule percutante : « Nous avons toujours notre slogan que nous disons maïs = poulet ». Derrière cette équation apparemment simple se cache une réalité économique cruciale pour le Congo. « Aujourd'hui, lorsque vous allez remarquer, peut-être 70% de notre alimentation est importée », a souligné l'entrepreneur. « En juillet, vous allez demander une palette d'œufs de trente pièces, elle coûte pratiquement 3700 FCFA, parfois aussi 4000 FCFA, parce qu'il y a rareté du maïs sur le marché. Mais après le mois d'août, quand les gens vont commencer à récolter le maïs du second cycle, le marché va se stabiliser et cela va réduire le coût des aliments de bétail », a-t-il précisé. « Les Congolais consomment plus de viande blanche. Il est possible de renverser la tendance de l’importation des poulets et des œufs de table si l’alimentation animale est bon marché », a martelé l’ingénieur agronome.

Cette corrélation directe entre production locale de maïs et coût de l'alimentation animale illustre parfaitement l'impact potentiel de l'expérimentation menée sur ce terrain de Brazzaville. Avec des extrapolations permettant d'estimer le rendement à l'hectare, Eppavpa dispose désormais de données concrètes pour convaincre les producteurs découragés par les faibles rendements traditionnels. La société d'appui au développement agricole travaille déjà en collaboration avec le ministère de tutelle, partageant ses résultats et son savoir-faire. L'objectif avoué : « Encourager la production du maïs dans notre pays afin d'augmenter les rendements ».

Au-delà de la seule production céréalière, Patrick Mbemba voit plus large. Le développement des filières maïs et soja pourrait « favoriser la création de beaux emplois et de beaucoup d'auto-entrepreneuriat au niveau de milliers de jeunes » dans un pays où la jeunesse dynamique cherche des opportunités. La prochaine étape est déjà tracée. Il s’agit « d’aller informer et former les producteurs du maïs parce que nous avons des données réelles, des chiffres réels ». Ces 700 m2 du deuxième arrondissement pourraient bien essaimer dans tout le Congo, transformant un modeste site expérimental en catalyseur d’une révolution agricole. Dans un contexte où le pays cherche à diversifier son économie au-delà des hydrocarbures, l’initiative de Patrick Mbemba et d’Eppavpa prend une dimension stratégique. Prouver qu’il est possible de produire du maïs de qualité et en quantité au Congo constitue un premier pas vers une plus grande souveraineté alimentaire. Un pari audacieux que ces 700 m2 semblent déjà en passe de remporter.

 

Quentin Loubou

Légendes et crédits photo : 

Patrick Mbemba dans son champ expérimental / Adiac

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